Skip to main content
25 septembre 2020

Fight Club : le nouveau Tricky, pour ou contre ?

par Tsugi

Un album, deux avis. Aujourd’hui sur le ring, le dernier album de Tricky, Fall To Pieces. Fight ! Article publié dans le Tsugi 133 : quel futur pour le monde de la nuit ?, disponible en kiosque et en ligne.

Après avoir sorti en seulement quatre petites années, entre 1995 et 1999, des albums de la trempe de Maxinquaye, Pre-Millenium Tension, Angels With Dirty Faces et Juxtapose, Adrian Thaws alias Tricky aurait pu s’arrêter là et s’effacer en se bâtissant ainsi un mythe. Personne ne lui en aurait voulu. Mais non, l’ancien compagnon de route des débuts de Massive Attack, inventeur d’un trip-hop crépusculaire, poisseux et sexy, n’a jamais cessé de s’agiter. Avec une inspiration très fluctuante, il a toujours publié à intervalles réguliers des albums souvent dispensables, parfois très hermétiques. Trop de THC embrume le cerveau, c’est bien connu. Mais il peut y avoir de bons crus. Tel ce quatorzième disque, enregistré dans son antre/studio berlinois. Une œuvre courte (les onze titres dépassent rarement chacun les trois minutes) qui honore sa nouvelle muse Marta Zlakowska, embauchée au pied levé sur sa dernière tournée européenne. Elle porte littéralement Fall To Pieces avec une trouble sensibilité et une grâce irréelle, marchant ainsi parfaitement dans les traces de ses prédécesseures Martina Topley-Bird ou Francesca Belmonte. Le natif de Bristol se fait lui discret vocalement, en poussant quelques borborygmes ici ou là, préférant se consacrer à construire un écrin somptueux à sa nouvelle héroïne, impulsant un blues électronique langoureux et surtout accessible, qu’il aime justement décrire comme étant sa version de la pop music. Sans grand espoir non plus de le voir au sommet des charts, il ne faudrait peut-être pas rêver. Même si le groove house indolent de « Fall Please » ou la ballade déglinguée « Running Off » méritent assurément de décrocher la timbale. Quand arrive la conclusion décharnée « Vietnam », on regrette déjà que ce soit fini. Toujours un bon signe.

Patrice Bardot

 

La brièveté d’un disque est toujours appréciable quand les secondes semblent durer des minutes, et les minutes des heures. Car effectivement, Tricky aurait pu (dû ?) s’arrêter à l’aube des années 2000, après ses quatre premiers albums poisseux. Non pas que le son de la mouette cacochyme heurte nos oreilles (on a entendu bien pire), mais quatorze albums à râler, souffler, gronder, maugréer, rognonner ou encore ronchonner derrière un micro, c’est tout de même maronner au-delà du raisonnable. Tricky ne sera jamais une pop star, ne remplira jamais les stades, ne déchaînera les passions… à l’inverse de ses anciens comparses de Massive Attack. Cinq albums au compteur, des apparitions sporadiques et une occupation de l’espace médiatique diamétralement opposée de celles d’Adrian Thaws. Un même point de départ, mais deux salles, deux ambiances. Fall To Pieces donc. Tomber en morceaux. Sous ce titre clairvoyant, notre héraut bristolien, que la vie a bien trop malmené, s’efface derrière une certaine Marta Zlakowska, énième avatar de la « chanteuse trip-hop » comme en trouvait au kilomètre à la fin des années 90. Mono, Mulu, Sneaker Pimps, Emiliana Torrini, Poe… Si l’un de ces noms résonne au fond de votre cerveau, vous avez compris. Sinon, redécouvrons avec Marta l’organe typique de ces chanteuses interchangeables, dont le parlé-chanté du bout des lèvres ferait presque passer Charlotte Gainsbourg pour la Castafiore. Mais trêve de mauvaise foi éhontée, Fall To Pieces ne démérite pas dans une discographie longue comme le bras. Il ne brille juste pas, il se traverse et s’oublie une fois écouté. Il n’est pas assez claustrophobe pour nous étouffer, pas assez sombre pour nous achever, et trop peu lumineux pour nous embarquer (à l’exception notable de « Fall Please »). Il reste plat, désespérément plat.

Benoît Carretier

Retrouvez plus de chroniques dans le dernier Tsugi 133 : quel futur pour le monde de la nuit ?, disponible en kiosque et en ligne

Visited 6 times, 1 visit(s) today