Avec son EP Chansons Tristes, Yoa se hisse parmi les jeunes artistes françaises les plus prometteuses. Sa voix cristalline contraste avec son franc-parler et se fond sur des productions Ă  la frontiĂšre entre l’hyperpop et l’électronique. Des Chansons tristes oui, mais qui paradoxalement nous rĂ©confortent.

Yoa. Trois lettres qui s’apprĂȘtent Ă  se hisser au rang des artistes les plus ambitieuses de la musique pop française. Son deuxiĂšme EP, signĂ© chez Panenka music, marque une nouvelle couleur sur sa palette musicale. Avec des productions beaucoup plus travaillĂ©es confiĂ©es Ă  Tomasi et Alexis Delong, elle vacille entre hyper pop et Ă©lectro avec des morceaux aux rĂ©miniscences d’Oklou ou de l’artiste anglaise PinkPantheress.

CĂŽtĂ© style : un dĂ©licieux mĂ©lange entre la voix angĂ©lique de Billie Eillish et la candeur et l’esthĂ©tique ‘annĂ©es 2000’ aussi kitch que rĂ©confortante de BabySolo33. C’est ainsi qu’aprĂšs son premier EP Attente, basĂ© sur le duo piano/voix, elle assure la premiĂšre partie de Feu ! Chatterton Ă  L’Olympia de Paris.

Son timbre cristallin Ă©tait ce qu’il y avait de plus remarquable sur son duo avec MAGENTA, « Un Peu d’Amour« , sorti au dĂ©but de l’étĂ©. Yoa Ă©tait dans la sĂ©lection « chanson pop » des iNOUĂŻs du Printemps de Bourges 2022, mais son dernier EP Chansons Tristes, elle prend un dĂ©lectable tournant Ă©lectro. Avec des textes toujours aussi sensibles mais beaucoup plus crus, elle renouvelle son image d’ange pour se transformer en bad bitch.

Un EP remĂšde

Chansons Tristes c’est l’itinĂ©raire, en sept titres, des nuits mouvementĂ©es de Yoa. Car les quatre murs d’une chambre peuvent ĂȘtre bien plus cruels qu’il n’y paraĂźt. C’est le lieu des insomnies qui sont « comme ses sƓurs » et des questions terrassantes qui ressortent par une dĂ©formation de sa voix, et une outrance d’autotune et d’échos. Plus le choix, Yoa assomme ses angoisses Ă  coups de « paroxetine« , dernier titre de l’EP.

Elle prĂ©sente tendrement « l’EP comme une sorte de petit remĂšde moins coĂ»teux qu’une thĂ©rapie ». Dans « insomniaques 4 ever » Yoa scande « GĂ©nĂ©ration maladie mentale, normaliser la honte » : cri du cƓur sanglant mais rĂ©aliste d’une artiste prĂȘte Ă  embrasser les considĂ©rations grinçantes d’une jeunesse dĂ©senchantĂ©e.

Voir cette publication sur Instagram

Une publication partagée par yoa (@yoamusique)

Certes il y a beaucoup de Chansons tristes, mais pas que. Elle arrive toujours Ă  prĂ©senter ses tourments avec une pointe d’ironie. Ses textes se refusent Ă  la facilitĂ© du mielleux. Ils sont cash, bruts, sans dĂ©tour. « Parfois le soir je me sens seule. Je vais sur Pornhub pour me calmer. Une fois, dix fois, jusqu’à en pleurer » clame-t-elle dans « chanson triste« . Une femme de 23 ans qui assume sa consommation de porno tout en y mĂȘlant une critique, ça claque. Car attention, ne vous fiez pas la voix angĂ©lique de Yoa : cet EP la rĂ©vĂšle comme une ‘bady’.

Yoa, de l’ange à la lionne

La nuit, c’est aussi le moment pour retrouver son amant. À cet Ă©gard, « Maddy <3 » apparaĂźt comme un rĂ©el pivot. Le morceau commence Ă  la Billie Eillish, avec une superposition de voix cristallines a cappella. On s’attend Ă  ce que Yoa s’attĂšle Ă  son traditionnel mĂ©lange piano/voix.

ï»ż

Mais loin de lĂ . Un beat reggaeton hĂ©risse le poil. Il s’effile sur tout le morceau avec des variantes, parfois couplĂ© par des « bĂ©bé », rĂ©pĂ©tĂ©s frĂ©nĂ©tiquement par la chanteuse. ComplĂštement addictif. « Je porte tes tresses prĂ©fĂ©rĂ©es pour que tu viennes me dresser. » La fleur bleue se meut en tigresse qui ne cache pas ses intentions claires et limpides sur sa conquĂȘte du moment : du sexe et point barre. Il vaut mieux faire passer ses insomnies avec une rencontre nocturne qu’avec un lexo. On confirme Yoa, tu es bien aussi badass que Maddy -l’une des hĂ©roĂŻnes ultra sexy de la sĂ©rie Euphoria.

L’EP est couronnĂ© d’une superbe pochette par Zoë Joubert, qui s’apparente plutĂŽt Ă  un portrait. Une larme dĂ©vale sa joue, des paillettes argentĂ©es ornent le creux de son Ɠil. Yoa : au croisement de la mĂ©lancolie et de l’irrĂ©vĂ©rence.