Vers une annulation de tous les festivals estivaux de 2020 ?
Les organisateurs de festivals estivaux en France sont dans l’attente de réponse du gouvernement pour savoir si leur édition 2020 pourra se tenir cet été. Dans le même temps, le syndicat du spectacle musical privé PRODISS a envoyé une lettre pour demander leur report à 2021, avant de revenir sur cette position.
Annulera, annulera pas ? Cette question est en suspens depuis le début de la pandémie pour les organisateurs de festivals estivaux. Devenus une institution en France, qui en compte près de 1800, les festivals pourraient être contraints au report ou pire à l’annulation, en fonction de l’évolution du virus Covid-19. D’autant plus que l’été est la saison privilégiée pour ces événements grâce aux vacances scolaires de bons nombres d’étudiants et des conditions météorologiques souvent favorables. L’interdiction de rassemblements jusqu’au 15 avril minimum a causé l’annulation ou le report de nombreux festivals prévu en mars et avril. Les festivals estivaux sont ainsi dans l’attente des nouvelles décisions gouvernementales pour savoir si leur édition 2020 pourra se tenir.
Toutefois, un syndicat a pris les devants. Dans une lettre adressée au ministre de la Culture Franck Riester, le PRODISS, principal syndicat du spectacle musical privé, demande le report de l’intégralité des festivals estivaux de 2020 pour l’année suivante. Le syndicat compte notamment parmi ses adhérents Live Nation (organisateur de Lollapalooza Paris et Marsatac), les festivals Musilac, les Eurockéennes de Belfort, le Printemps de Bourges ainsi que de nombreux organisateurs et producteurs de concerts en France. Tsugi a pu se procurer la lettre, dans lequel le syndicat national dénonce les conséquences du manque de clarté du gouvernement par rapport à la tenue des festivals estivaux en 2020.
Un enjeu de survie, selon le PRODISS
Selon Olivier Darbois, président du syndicat et auteur de la lettre, « une annulation de rassemblement quelques jours ou semaines avant le festival, contribuerait à un effet de double peine aux vues des frais techniques engagés. » Ce manque à gagner peut s’élever jusqu’à deux millions d’euros pour certains festivals, à en croire le syndicat. Le PRODISS appelle ainsi à « clarifier la tenue de la période des événements estivaux », car « face aux risques élevés, la survie des structures festivalières est en jeu ». Ainsi, repousser à 2021 ces événements serait selon le syndicat une solution qui « pourrait permettre la survie de cet écosystème ».
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Mais cette demande du PRODISS ne convainc pas un autre pan du monde de la musique. Technopol, l’association de défense de la musique électronique, ainsi que plusieurs festivals s’opposent à cette proposition. À l’initiative de Chateau Perché et du Delta Festival, une pétition a été partagée contre le report de ces festivals à 2021 (si la situation sanitaire le permet), qui a obtenu pour le moment 3700 signatures. Technopol et les structures s’unissant contre le report désirent disposer d’un délai supplémentaire, considérant que « cette idée n’est ni raisonnable, ni souhaitable, ni représentative de l’ensemble des acteurs loin s’en faut ».
Selon l’association, « les organisateurs assurent que leurs événements peuvent être repensés ainsi que leurs programmations ». L’attente pourrait être fortement désavantageuse pour les plus gros festivals manquant de flexibilité relate Samy El Moudni, fondateur du Chateau Perché, à Technopol. Tandis que « l’immense majorité des structures organisatrices sont capables de mettre sur pied des événements, salvateurs pour le tissu économique et culturel du pays, jusque très tard avant leur date d’événement » assure-t-il.
Des inégalités entre les festivals
Au niveau des arrêtés, pour être remboursé, il faut que la structure qui organise le festival ait un contrat d’assurance qui la couvre face à ce risque. Selon Tommy Vaudecrane, président de Technopol, contacté par Tsugi : « Les grosses structures ont souvent ces contrats, donc se feront rembourser. Mais beaucoup de petites structures ne prennent généralement pas d’assurance annulation car ils sont rarement interdits et n’ont pas le besoin ou la connaissance juridique. » Ainsi, les risques financiers sont plus importants pour les petites et moyennes structures en cas d’annulation. « Les grosses structures arriveront souvent à se remettre d’un report ou annulation puisque elles ont des moyens financiers, des actionnaires et des activités diversifiées. Alors que beaucoup de petites entreprises ou associations qui organisent des festivals vont devoir déposer le bilan si on les oblige à reporter sans possibilité de se faire indemniser. »
Dès le 18 mars, Franck Riester avait annoncé des mesures concernant les artistes, auteurs et intermittents, au sujet de l’assurance chômage, des droits sociaux et du calcul et versement des indemnités. Mais qu’en est-il des festivals ? « On espère que le mois d’avril sera un mois de réflexion pour tout le monde et qu’on pourra avoir une visibilité sur la saison estivale à la fin du mois ou au début du mois de mai » précise Tommy Vaudecrane.
Rétropédalage dans la communication
Toutefois, le PRODISS semble tenir une position plus ambiguë. Joint par Trax le lundi 1er avril, Olivier Darbois a nié avoir demandé le report des festivals estivaux pour 2021. « Nous n’avons jamais demandé le report ou l’annulation des festivals de cet été. Il y a un paragraphe qui peut sembler équivoque à cet effet. Nous l’avons mis pour provoquer la réaction du ministre, car pour l’instant nous n’avons pas la visibilité dont nous avons besoin », assure-t-il. Le paragraphe auquel Olivier Darbois fait référence est le suivant : « Le report des festivals à 2021 semble être la direction qui pourrait permettre la survie de cet écosystème, si tant est qu’il puisse être accompagné des arrêtés nationaux ou préfectoraux nécessaires à l’annulation des événements pour 2020. » La demande est en effet, au mieux, équivoque, et a fait l’effet d’un pavé dans la mare. Reste encore à savoir les discussions qui vont en découler.
Dans un nouveau souci de clarification, Darbois a envoyé aujourd’hui un communiqué à ses adhérents dans lequel il réaffirme n’avoir jamais demandé le report des festivals estivaux, préférant parler d’une « constatation observée ici et là« . Selon lui, « le scénario à craindre et à éviter serait une reprise lente et par phase de l’activité dans notre secteur, avec des rassemblements autorisés de manière progressive » à la levée du confinement. Il assume donc le côté provocateur de son courrier, voué à obtenir « une réunion urgente auprès du ministre de la Culture, afin d’obtenir une clarification à propos du calendrier de l’après confinement« . Dans cette gestion au jour le jour, difficile de savoir comment va se passer l’été.