Vers la fin des albums en exclu sur tel ou tel service de streaming ?
Beyoncé, Kanye West, Rihanna, Drake et plus récemment Frank Ocean : depuis quelques temps, il suffit qu’un album ultra attendu sorte pour que l’on soit obligé d’écrire « en exclusivité sur Apple Music » ou « uniquement disponible sur Tidal ». A tel point qu’on en a poussé un coup de gueule au moment de la sortie du Beyoncé.
D’un point de vue marketing, une exclusivité streaming a évidemment de l’intérêt : la maison de disques s’assure une belle mise en avant sur le service choisi, tout en créant un effet d’attente et d’excitation chez les non-abonnés à la plate-forme en question. Sans compter un joli chèque reçu par le label et l’artiste. Mais c’est vite oublier les personnes n’ayant pas les moyens de s’abonner à toutes les offres de streaming pour ne rien louper de leurs sorties préférées.
Il aura fallu attendre la compliquée sortie des deux albums de Frank Ocean pour faire changer la donne. Explications : si Endless est bien sorti sur son label Def Jam (sous-label d’Universal), Blond dépend de Boys Don’t Cry, maison indépendante créée par Ocean himself. Or, Blond est bien l’album que tout le monde attendait et celui qui contient des collaborations prestigieuses (Beyoncé, Kendrick Lamar, Andre 3000, James Blake, Bon Iver…). Endless comme Blond sont disponibles exclusivement sur Apple Music, mais seul Blond se voit commercialiser comme un album « classique » – comprendre qu’Endless ressemble plus à un teasing de Blond qu’à autre chose. Une « source proche », selon Forbes, a alors expliqué que sortir Endless sur Def Jam allait « libérer » Frank Ocean de ses obligations avec le label. Il n’aura attendu que deux jours pour dévoiler Blond, son « vrai album » sorti indépendamment. De quoi vexer Universal, qui a alors l’impression de récupérer des miettes.
Lundi, l’analyste et critique musical Bob Lefsetz a confié à Forbes que Lucian Grainge, le patron d’Universal Music Group, avait envoyé à plusieurs de ses collaborateurs un email demandant de stopper tout deal de streaming exclusif avec Apple. Deux sources ont ensuite confirmé que les micmacs autour de la sortie du Frank Ocean étaient à l’origine de cette décision – d’autant que la maison de disques a dû faire face à un vilain backlash des fans exaspérés par ces exclusivités. Et pendant ce temps, Spotify reste sur sa ligne de conduite : pas d’exclu. « Nous ne payons pas pour des exclusivités, car nous pensons que cette pratique est mauvaise pour les artistes et mauvaise pour les fans », a expliqué en février dernier Jonathan Prince, le responsable communication chez Spotify, à The Verge. Peut-être que, d’ici quelques mois, le géant du streaming se dira « on a eu raison ».