Une nuit avec Demis Roussos
Le chanteur grec Demis Roussos, et ancien membre du groupe Aphrodite’s Child, est mort ce week-end dans la nuit de samedi à dimanche, à l’âge de 69 ans. Il y a maintenant cinq ans on l’interviewait dans le cadre de notre rubrique « une nuit avec ». Hommage.
Article extrait du numéro 21 de notre magazine.
Heros des variétés à paillettes des années 70, Demis Roussos est aussi (surtout ?) le partenaire de Vangelis dans le premier (et le seul ?) groupe de rock psychédélique grec : Aphrodite’s Child. Immortel compositeur d’un concept barré, 666, vénéré par Andy Warhol comme Noël Gallagher. Nous avons cherché à savoir ce que valaient les nuits blanches de l’époque.
12h. Pour la première fois depuis la création du magazine, un artiste donne rendez- vous au Plaza Athénée. Normal, Demis Roussos n’en est pas à son premier maxi. Quarante ans de carrière internationale, 50 millions d’albums vendus, du lourd !
12 h 05. Confortablement installé dans l’un des petits salons du bar, Demis joue avec l’un des trois téléphones portables posés devant lui. Il n’a pas maigri mais semble en forme et heureux. Une barbe poivre et sel mange les rondeurs de son visage. L’attaché de presse nous présente: “C’est le garçon pour la nuit blanche.”
12h08. “Ah, tu vas voir: je vais te raconter une nuit vicieuse, avec du sexe!”
12 h 10. À peine assis, il me prend par le bras, me regarde dans les yeux et demande : “Tu as écouté mon album ?” Sans même me laisser le temps de répondre, il enchaîne : “Tout le monde me dit que ce disque est inattendu. Les gens s’attendaient à ce que Demis leur ponde un disque de variété de plus. Et là surprise, voilà un album pur, enregistré d’une manière dépouillée, avec une optique déterminée : l’esprit du vintage. Parce qu’aujourd’hui, fini les grands shows, les fioritures. Avec la crise, les gens ont envie de choses simples, sincères. Je suis crédible dans le ‘vintage’ car j’ai vécu cette époque.”
12 h 15. La voix est à la fois profonde et chantante, avec quelque chose de Jean-Claude Van Damme dans la manière de s’exprimer. Demis Roussos est ce qu’on appelle un bon client, mais il est parti sur les mauvais rails. Comment l’arrêter ?
12 h 16. “À l’age de 15 ans, en Grèce, bien avant Aphrodite’s Child, j’ai débuté en chan- tant avec des musiciens de jazz puis de soul car j’adorais Otis Redding. Jusqu’au jour où j’ai rencontré Vangelis. On avait 20 ans, on en avait marre de la dictature et on a atterri en France sans un sou. Le PDG de Philips-Grèce était à Paris pour une réunion internationale : il a pris notre maquette et nous a signés. Le producteur des Who nous a trouvé ce nom, Aphrodite’s Child, l’enfant d’Aphrodite. Et on est entré dans cette période pop-rock-psychédélico-machin. Ensuite, je suis parti dans la variété et Vangelis dans la musique de film. On a encore collaboré sur la bande originale de Blade Runner, sur lequel je fais quelques vocalises qu’il a habillées à sa manière unique.”
12h25. “Et ce disque est devenu culte pour toute la génération électronique mais, euh, comment dire, la nuit que vous vouliez me raconter…”
12 h 26. Légère panique : “Ah… alors tout ce que je viens de dire c’était pas la peine ?”
12 h 27. “Si si, bien sûr ! Mais le principe de la rubrique consiste plutôt en un récit d’une nuit blanche.”
12 h 28. “Bon alors écoute, il m’est arrivé une chose très drôle. J’adore les femmes et j’en ai rencontré énormément. En plus, j’ai eu la chance de vivre à une époque sans sida. Mais une fois, il m’est arrivé quelque chose de très spécial. C’était en Italie.”
12h30. “– En quelle année? – Ah là, tu me poses une colle… C’était dans les années 70, après Aphrodite’s Child, parce que ma carrière solo, je l’ai démarrée en Italie avec le morceau ‘We Shall Dance’.”
12 h 32. “– Euh certes… mais la nuit ? – J’y viens. J’étais en tournée, et en tournée, il y a souvent des nanas. Ce soir-là, il y en avait surtout une, je lui plaisais, elle me plaisait, etc. etc. Après le concert, je lui paye un verre, on discute, on s’embrasse et au moment de monter dans ma chambre, elle men dit:‘ Je suis ici avec ma mère et je partage tout avec elle. Absolumenttout. ’J’avoue que cela m’a choqué au début mais bon… J’avais 25 ans, la fille un peu moins et la mère un peu plus. Mais attention, la quarantaine très belle, plus belle que sa fille même. Et là,j e me dis: t’as intérêt à assurer mon pote.” Quinte de rire généreux et léger embarras de notre part.
12 h 34. “C’est une aventure que je ne peux pas oublier. Tout ça était finalement très innocent. C’était encore les années 60, les hippies, rien de méchant.”
12 h 36. “– Justement, la même nuit, il s’est passé d’autres trucs ? Parce que le principe de la rubrique… – Ben, je vais quand même pas te dire quand j’ai tiré mon premier et mon deuxième coup et combien de temps cela a duré !”
12 h 37. Et là, on n’a pas su quoi répondre.