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27 janvier 2023

Une nuit à Ibiza avec Sama’ Abdulhadi

par Patrice BARDOT

Et si tout avait démarré à Ibiza en 2019 pour la DJ palestinienne Sama’ Abdulhadi, incarnation d’une techno engagée et ouverte sur le monde ? Elle nous raconte.

Article issu du Tsugi 156 : 100 personnalités qui font bouger la musique 

« Mon histoire se déroule lors de l’IMS (International Music Summit) à Ibiza le 24 mai 2019. Cela a été une étape vraiment très importante de ma vie. Les gens commençaient tout juste à entendre parler de moi et je ne comprenais pas toujours ce qui se passait à mon sujet. Je venais de rencontrer Ben Turner, celui qui allait devenir mon manager (qui s’occupe également de Richie Hawtin, ndr). Comme cadeau de bienvenue, il m’a offert un back-to-back avec Nicole Moudaber. Sur le moment, j’ai pensé : « Ah oui c’est génial, je vais le faire. » Mais plus la date fatidique se rapproche et plus je commence à stresser.

Trois jours avant le set, à l’hôtel à Ibiza, je suis prise d’attaques de panique et je n’arrive plus à dormir. Je suis avec mes deux meilleurs amis, je leur explique que je risque de ruiner ma carrière. Ils font ce qu’ils peuvent pour m’aider à passer ce moment vraiment difficile. Ils me secouent : « Allez, bats-toi, tu en es largement capable. » Toutes les heures, je téléphone à Nicole en lui demandant : « Que va-t-on faire ? Que va-t-on jouer ? » Je suis totalement submergée par mes émotions.

Arrive le grand jour. Je me concentre sur la musique que je vais passer. Puis je pars de l’hôtel pour me rendre à un shooting, car je dois réaliser des photos de presse. Ensuite, on marche jusqu’à Dalt Vila, la ville haute d’Ibiza, un peu son centre historique, où va se dérouler le set en plein air entre 20 h et 21 h. Mais il commence à pleuvoir très fort.

J’arrive trempée comme une soupe. C’est ma première rencontre avec Nicole. Elle me dit : « Enlève ton blouson sinon tu vas tomber malade. » C’est pour cela que sur la vidéo, on voit que je porte un blouson rouge que m’a prêté un de mes potes. D’ailleurs, c’est devenu pour moi un vêtement fétiche. Nicole, c’est ma DJ préférée et même avant que je fasse ce métier. En tant que raveuse, c’est la DJ que j’ai le plus souvent été voir jouer. Donc c’était très spécial pour moi quand Ben m’a proposé de jouer avec elle.

Avant le set, on commence par répondre à des interviews ensemble. Elle est trop sympa avec moi, et je me sens un peu idiote comme une enfant le jour de Noël. Je suis tellement excitée. Le back-to-back est un exercice que Nicole a beaucoup fait, mais jamais avec une inconnue. Elle a écouté tous mes sets et elle a été tout de suite d’accord. Mais c’est une perfectionniste, il faut donc que je sois vraiment à la hauteur, j’ai préparé toutes sortes de tracks. Sauf que j’ai l’habitude de jouer en B2B en utilisant des platines CDJ, mais là c’est via un contrôleur par ordinateur et je n’ai jamais fait ça ! Cela demande une autre concentration. Je suis au maximum du stress.

 

 

Finalement, on monte sur scène. La pluie s’arrête de tomber, le ciel est rose (tiens, on dirait le titre d’une chanson, ndr). Et là, double attaque de panique, car je me rends compte que non seulement il faut que j’impressionne Nicole, mais je découvre devant moi Pete Tong, Adam Beyer, Luciano, Marco Carola, Agoria, Joseph Capriati et j’en oublie. C’est un peu comme si j’avais les Rolling Stones en face de moi. J’ai pensé : « Si ça marche, dans le futur, je pourrai jouer avec toutes ces stars. Mais si je me plante, c’est terminé pour moi les grosses scènes. » Deux secondes avant de mettre mon premier track, tout mon stress s’en va, terminées les attaques de panique et cette sorte de syndrome de l’imposteur que je peux ressentir.

Finalement, ce fut un moment extraordinaire, d’ailleurs j’écoute encore tout le temps ce set, notamment si je me sens déprimée. Cela m’a connectée avec énormément de DJs et je suis devenue vraiment très amie avec Nicole et d’autres comme Adam Beyer. Pour la première fois, j’ai partagé la scène avec des dieux de la techno. Je dois aussi avouer quelque chose : depuis un an et demi, j’ai un tatouage du logo Plastikman dans le dos. Richie Hawtin est la première personne dans le milieu qui m’a soutenue, il m’a invitée partout. Donc maintenant, quand je suis stressée de jouer, je regarde derrière moi et je me dis : « Calme-toi, Richie Hawtin croit en toi. » « 

 

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