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© Felipe Pelaquim
19 mai 2022

Une enquête révèle l’ampleur de la fraude aux streams

par Antoine Gailhanou

Le sujet suscite de nombreux fantasmes. Mais qu’en est-il réellement ? Le media Les Jours a publié une enquête sur le phénomène de la fraude aux streams. Et ceux qui y ont recours ne sont pas forcément ceux que l’on croit.

Tout est affaire de chiffres. Le nouveau paradigme du streaming entraîne une attention accrue, voire démesurée, sur les chiffres d’écoute. Forcément, la tentation de les gonfler se fait très grande. Mais qui y a réellement recours ? Si l’on en croit les réseaux sociaux, tout le monde : l’heure est à la suspicion permanente. Même Booba y a mis son grain de sel, accusant Ninho de gonfler ses ventes via des écoutes en Thaïlande (le rappeur y est en tête d’écoute sur Deezer), ou provoquant une polémique autour des écoutes du nouvel album de Vald en février dernier. Chaque fois, Deezer ou la SNEP lui ont donné tort, et ont certifié l’authenticité de ces écoutes. Fin de l’histoire ?

Pourtant, la fraude serait bel et bien une réalité. Et même importante, si l’on en croit cette nouvelle enquête du journaliste Sophian Fanen pour le site Les Jours. Sa conclusion est sans appel : la plupart des artistes y auraient recours, et même les plus gros. Surtout les plus gros. « Plus personne ne fait rien sans faux streams » affirme un directeur de label resté anonyme. Pour Ludovic Pouilly, vice-président de Deezer, « ça fait un an et demi que ça devient plus intense. » À la pointe sur la détection des fraudes, la plateforme estime à 7% le volume d’écoutes frauduleuses. Mais celles-ci sont bien sûr ciblées : en ce qui concerne les nouveautés les plus écoutées, l’enquête relaie des estimations autour de 30% de fraude.

 

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Mais pourquoi un artiste réalisant des millions d’écoutes « naturelles » aurait recours aux fraudes ? L’enquête explique que cela permet de se placer en tête des ventes. Plus qu’un boost d’ego, un tel placement engendre encore plus d’écoutes légitimes, notamment en se plaçant dans des playlists très écoutées. Ceci instaure une situation problématique pour les musiciens indépendants. Mathieu Dassieu, cofondateur du label Baco Records et président de la Félin, la Fédération des labels indépendants, explique ainsi à Sophian Fanen : « Quand on se pointe avec nos artistes dans les radios, on nous répond qu’on ne fait pas un montant assez conséquent de streams parce que les chiffres sont devenus inatteignables sans tricher. »

L’enquête pointe ainsi les différentes techniques utilisées pour gagner sans tricher. Certaines sont relativement faciles à détecter, comme l’écoute massive – ou « stream raid » – ou le vol de comptes (peut-être avez-vous déjà remarqué des écoutes inhabituelles sur votre compte, survenues en pleine nuit). Plus retors, certaines entreprises vont créer des tonnes de comptes apparemment authentiques, et payants (le stream d’un abonné payant compte plus dans les écoutes). Plus discret, donc plus cher, explique Fanen : « comptez entre 4 000 et 6 000 euros pour un million de streams de qualité sur une semaine » contre 2500 euros pour des sites plus visibles. Pouilly précise : « Vu l’argent que ça peut générer, on est dans des organisations presque criminelles qui bossent à plein temps et s’adaptent, qui ont les moyens d’agir sur de nombreuses plateformes en même temps ». Un véritable polar, donc, qui s’achève presque comme tel : Fanen annonce déjà la suite de son enquête, à paraître dans les prochains jours, sur un cliffhanger. Une autre aurait lieu “au sein même des playlists et elle est encore moins facile à combattre”. Sacré suspense.

Le reste de l’enquête est à retrouver sur Les Jours (disponible par abonnement).

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