Productrice autodidacte obsédée par les rythmes furieux et complexes, Esther balance pour ce 615ème podcast Tsugi, une bass music issue des quatre coins de la planète : Chine, Ouganda, Etats-Unis, France. Tous les sous genres de la bass music représentés raviront les amateurs de beats déconstruits. On a parlé avec elle de ses inspirations, du rapport de l’alternatif au mainstream et de futurs projets.
Après un premier EP en 2019 sorti sur son propre label Doum Records et des lives un peu partout en France, Esther rejoint en 2020 le collectif POLAAR. Militant d’une bass française à large spectre, le label sort d’abord son EP App Green / Hedon Hack, qui reçoit le soutien de Deena Abdelwahed ou encore d’Osheyack de SVBKVLT dans son mix Resident Advisor. Toujours chez POLAAR, la Toulousaine a récemment signé un deuxième EP intitulé Pantome avec des tracks bass violents et bruts, accompagnés d’un clip aux visuels dystopiques. Elle signe aujourd’hui notre 615ème podcast avec un mix qui représente toute la richesse de la bass music actuelle. S’affranchissant des contraintes du rythme, Esther explore aisément tous ses sous-genres de 110 à 160 BPM. On lui a posé quelques questions.
Quelle est l’idée derrière ce mix ? Quelles émotions tentes-tu de transmettre ?
L’idée à travers cet enregistrement est de proposer un chemin évolutif, arboré de divers genres et sous-genres qui construisent ou jouxtent la bass music à travers des tracks d’horizons bien différents. On y trouve ainsi des morceaux que j’ai adoré par le passé , et d’ autres beaucoup plus récents. Le BPM débute à environ 110 pour se terminer vers 160. Ambiant, bass dubby, gqom, jersey club, hard drum, Bmore, jersey, breakbeat tool, trap et j’ en passe. On voit du paysage …
J’aime beaucoup l’idée de commencer un dj-set en club par un morceau sans beat. Quelque chose d’ atmosphérique qui répond à l’ambiance étrange d’un début. Vers où va t-on ? Le public est dans le songe et curieux de la suite. Lumière et fumée ajoutent à ce côté singulier. C’est donc un mix tourné vers la musique club dans toute sa palette. Du léger à coup de percussions qui invite à lever le regard vers le ciel et du bien lourd, pesant, qui rase le sol.

©Juliette Peyrat
Qui sont les artistes qui le composent ? Qui sont-ils pour toi ?
Des artistes et des labels que j’aime énormément et qui abordent une musique bass intercontinentale infiniment inspirante, riche et décomplexée :
– E-Unity sur TEMƎT Music, label récent de Simo Cell dont j’ai adoré le mix live sur Underscope. Il est très fin dans sa composition et le travail de fréquence et de placement est hyper appréciable. C’est un peu la grande classe pour moi !
– Blâme sur [re]sources qui est un label parisien dont j’ai beaucoup aimé la dernière sortie avec le remix de Mamboussa.
– « BTD 150 » de NKC qui date de 2016 mais dont il est impossible de se lasser, c’est LE track qu’il faut avoir sur sa clef si tu veux du sourire et du groove.
– KΣITO sur Polaar, label du cœur, qui vient du japon dont j’aime particulièrement
TYO GQOM .
– Wristboi
– Ase Manual
– Despina sur le récent label new yorkais Kindergarten aux visuels détonants.
– Slikback pour son afrofuturisme, sa trap bien grasse ultra reconnaissable qui retourne le Nyege Nyege festival.
– Jesza, dont j’ ai apprécié le remix signé down tempo par Brodinski et qui me rappelle « Can’t Help Myself » extrait de son album Brava.
– Hyph11E provenance Chinoise haute qualité direction SVBKVLT, label incroyable qui regorge d’artistes hyper identifiables, dont Slikback fait partie.
« L’avenir est local et indépendant. Et même si les pouvoirs publics s’efforcent de freiner les initiatives artistiques, elles se gonflent de détermination.«
Quel regard portes-tu sur la scène électronique actuelle ?
Un regard admiratif de part son histoire et sa pluralité. La scène française possède un héritage conséquent, elle a su être novatrice et entendre ce qui se faisait ailleurs tout en y injectant sa propre énergie. Nous regorgeons d’un nombre incroyable de projets, groupes en tout genre. En revanche sur cette dernière décennie, j’ai eu la sensation qu’ il y avait un goût de déjà vu, et c’est à travers l’alternatif et les artistes émergents que j’ai trouvé le réconfort. J’ai eu le sentiment pendant longtemps que la scène mainstream s’auto-alimentait en pompant à droite à gauche mais sans véritable intérêt pour l’ailleurs. Aujourd’hui j’ai la sensation que les courants dits de niche sont beaucoup plus épiés par la scène française à travers l’œil de ceux qui la font. L’ hybridation des genres et sous genres sont de plus en plus fréquents. Et cela se ressent également sur la synchronisation. L’ édition s’ y intéresse et je suis parfois étonnamment surprise en écoutant une publicité ou en regardant un film. En raison de l’époque pandémique polluée, et probablement en faillite, ce phénomène va s’ accélérer. L’avenir est local et indépendant. Et même si les pouvoirs publics s’efforcent de freiner les initiatives artistiques, elles se gonflent de détermination. S’il n’y a cet été que des festivals normés et « bien-pensants », le revers de l’énergie n’en sera que décuplé et la création plurielle.
« Rester au maximum qui nous sommes et préserver l’essentiel : l’envie de faire singulièrement. »
Où te places-tu ? (Si tu te places quelque part).
Dans ce tableau, je commence à voir grandir en moi un sentiment d’ appartenance. A l’échelle de ma ville, et plus largement de la bass en France. C’est donc un placement local, français et dans un versant singulier de part la musique que je défends et le propos qui l’accompagne. L’idée est de ne surtout pas me sentir enfermée d’ un point de vue artistique. J’ai plein d’envies, et elles ne sont pas que club, elles sont aussi scéniques. Brice Coudert à travers Underscope m’a donné la possibilité de creuser cette piste en m’ invitant à jouer en live à la Gaîté Lyrique cet hiver. Avec Elvire mon acolyte performer, nous réfléchissons à un après, une sorte de sophistication avec nos armes. Rester au maximum qui nous sommes et préserver l’essentiel : l’envie de faire singulièrement.
Des projets à venir ?
Questions projets, ils se tournent clairement vers la production, les dates s’annulant les unes après les autres. Je prépare mon premier album sans courir après le temps, ce qui est plutôt luxueux et malgré tout réconfortant. Il est issu du dernier live que j’ ai pu jouer. Quelques sorties à venir sur différentes compilations et beaucoup de militantisme à venir pour sauver le dernier espace alternatif toulousain : le mix’ art Myrys est en danger, il n’est pas/plus au goût de notre cher maire Jean-Luc Moudenc …
Tracklist :
1/ Intro sultry venom- eva808
2/ Charlie boy manson – distraust (Sid quirke re-work)
3/ Inner Osc – E-Unity
4/ Bells VIP- Blâme
5/ Surate- Blâme
6/ The Soul- C.P.Smith
7/ Jigglin – wristboi
8/ Bougainvillea – Keito
9/ Btd150 – NKC
10/ No Justice – Pinch
11/ Stone drums – Fraxinus
12/ Stepper- Anz
13/ Wired- Hypna
14/ Fortune Power Fame (feat. Young Luxenberg) – Ase Manual
15/ Sauce – Arma
16/ Vitamin Party – Despina
17/ Broken Fangs (feat. Milla Rage) – Michael Aurelius
18/ Vein – Slikback
19/ Humanity – Jesza
20/ Desire, The Angels – 7777の天使
21/ Exploited Body – Thrdeyevsn
22/ Cuban Chamber of Commerce – Low Income Squad
23/ Skrude – In the Club
24/ Noboru – Slikback
25/ Accretion – Hyph11E
26/ Focus 10 – Coleco