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4 décembre 2019

Tsugi 128 : Rencontre exclusive à Londres avec Caribou

par Tsugi

On avait connu Caribou en implacable architecte sonique. Il confirme avec Suddenly ce qu’il laissait entr’apercevoir sur Our Love il y a cinq ans : le Canadien est aujourd’hui également un songwriter intimiste et rare, en cavale. Un peu hébété par la lumière du jour, il est sorti de sa cave-studio londonienne pour parler de maths, de silence, de pianos qui ont le mal de mer et d’ours.

Le Canadien, connu sous le nom de Daniel Victor Snaith pour l’état civil, a affectivement désormais besoin de regards extérieurs pour trouver un sens à un chantier de cinq ans, où il a fallu filtrer, adapter un millier de bouts de chansons en un album. Et miracle : sous ses allures de best-of de toutes les facettes de Caribou – des plages ambient à la techno de bombardement –, sous ses faux airs de DJset ou de mixtape, Suddenly impressionne par la cohérence de ses humeurs et couleurs. Une unité qui tient beaucoup aux pianos torturés, au chant exalté du Canadien, désormais omniprésent, mais surtout à une écriture très personnelle de textes cathartiques peu fréquents dans les musiques électroniques. Ce processus d’humanisation, d’ouverture au monde, Caribou l’avait entamé en 2014 avec son album Our Love. Il le prolonge avec Suddenly, disque radieux et sensible, où un coeur humain bat au coeur des machines, comme chez ses héros Daft Punk, Brian Eno ou Kraftwerk. Car même s’il continue de travailler inlassablement dans sa cave du nord de Londres, bunker sans joie, sans décoration, sans fenêtre, Dan Snaith n’y passe plus sa vie. En haut, des enfants jouent, une famille l’attend. Le changement est radical : Dan Snaith est sorti de sa cave, sorti de sa tête.

Tu te souviens de la première fois où tu as consciemment écouté de la musique ?

Oui, très bien, je me revois face à la radio familiale en train d’écouter religieusement le Top 40. C’est la première fois où j’ai entendu autre chose que les albums folk de mes parents. J’ai alors commencé à jouer sur une batterie bricolée. J’avais cinq ans. Depuis cet âge, je suis obsédé par le son, la musique. J’ai alors commencé à prendre des cours de piano avec ma grande soeur, une fille très hip, qui est malheureusement partie à l’université au bout de quelques années. Là, ma mère a repris mon apprentissage du piano, mais ce n’était plus pareil. C’était ma mère, c’était moins cool ! J’ai alors un peu délaissé ma musique pour en écouter sans répit, sur mon Walkman. Je me faisais des compilations en piratant la radio, en copiant de cassette à cassette… Mes parents sont très musicaux, ce sont des expatriés anglais en Ontario, mon père jouait du folk anglais au violon et à la guitare classique, nous avions même un orchestre familial, où je jouais des maracas. Selon ma mère, le rythme a toujours été ma passion.

Caribou

Crédit photo : Theo McInnes

Tu as totalement abandonné le piano alors ?

De six à treize ans, j’ai totalement décroché. Mais là, je suis tombé sur un prof qui ne me forçait pas à jouer du classique, mais de la pop, voire du rock progressif, comme Yes ou Pink Floyd… Car il avait une collection de synthés ! Je me suis alors dit que j’avais trouvé ma voie, mon son… J’ai demandé à mes parents, et j’ai tenu à ce qu’ils respectent le deal, de ne pas m’acheter le moindre cadeau de Noël ou d’anniversaire pendant cinq ans pour couvrir l’achat de mon premier synthé. Il coûtait $2 000… Ils ont vu à quel point ça comptait pour moi et ont accepté. J’ai alors commencé à m’enregistrer obsessivement, sur un petit magnétophone quatre pistes à cassettes. J’habitais en rase campagne, je n’avais rien d’autre à faire. Et puis un jour, je suis tombé sur le single “Pump Up The Volume” de M|A|R|R|S. Je n’y comprenais rien, mais j’ai immédiatement su que c’était ce je voulais faire. Un copain qui revenait de Londres m’a alors passé une cassette qui m’a littéralement explosé la tête : dessus, il y avait Aphex Twin et le premier single des Chemical Brothers. Je n’avais aucun background, aucune culture de cette musique : ça a été une révélation. Moi qui pensais qu’il fallait religieusement étudier un instrument pour jouer de la musique, je découvrais des gens qui enregistraient des albums en n’étant pas musiciens ! C’est là que je me suis rendu compte de l’importance de la production. Ils ne voulaient pas être Mozart, mais créer leur propre bruit. Ce copain, Koushik (auteur d’un album sur Stones Throw, ndr), a été fondamental dans ma vie, dans ma recherche de nouveaux sons. Comme il n’existait qu’un disquaire ringard dans notre petite ville, j’ai commencé à acheter des disques sur les brocantes, pour y dénicher des idées, des arrangements…

Depuis, tu es en quête ?

…La suite de l’interview de JD Beauvallet avec Caribou à retrouver en kiosque le samedi 7 décembre ou sur notre boutique en ligne !

Caribou TheoMcInnes

Crédit photo : Theo McInnes

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