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Irène Drésel entourée de ses fleurs au festival Panoramas. Crédit photo : Gecniv
27 avril 2018

Tournesols, techno hardcore et retour des Svinkels : le grand écart Panoramas

par Clémence Meunier

C’était mal barré. A croire que les astres refusaient obstinément de s’aligner et permettre à Panoramas de réussir sa 21ème édition. Il y a eu la pluie bien sûr, les parkings inondés, le camping en partie embourbé. Et puis le récent changement du calendrier scolaire, qui ne plaçait plus Panoramas pendant les vacances. Rajoutez une grève de train par-dessus et c’est le désastre assuré. Pourtant, le beau temps surprise a séché les sols, les étudiants n’avaient visiblement que faire d’avoir cours lundi, et des trains ont miraculeusement réapparu sur le site de la SNCF. Et voilà que le festival morlaisien a reçu 30 000 festivaliers sur l’ensemble de ses activités (dont 26 000 au parc expo Langolvas). Car on va aussi à Panoramas parce que c’est Panoramas. L’assurance de passer un week-end fun, festif, au milieu d’un public jeune, parfois déguisé en licorne ou en pikachu, et au taquet dès l’ouverture des portes. On ne se construit pas cette réputation sans raison. Il y a l’organisation rodée bien sûr. Et puis une programmation impeccable, entre hip-hop et électro, entre découvertes et gros noms, et, cette année particulièrement, entre les générations. Marlin, le benjamin du line-up et producteur electro-pop aux airs de Cashmere Cat, a 21 ans. Bernard Fèvre en a 72. Air Jordan immaculées aux pieds, il ravive devant un parterre conquis (et friand de chorégraphies à la Saturday Night Fever) son projet Black Devil Disco Club. Un alias qui revient de loin : sa carrière dans les années 70 était passée relativement inaperçue, et le producteur s’est finalement tourné vers les musiques de pubs ou l’écriture d’arrangements pour d’autres. Un album sorti en 1978 avait même été oublié par Bernard Fèvre lui-même. Jusqu’à ce qu’un de ses morceaux soit samplé par les Chemical Brothers sur « Got Glint » et qu’un certain Aphex Twin tombe finalement sur l’album oublié. Il l’adore, et le réédite sur son label Rephlex en 2004. Bernard Fèvre se remet à composer de cette disco ruisselante et dark, est invité en festivals. Black Devil Disco Club renaît de ses cendres, et vu la qualité et l’énergie de son live à Panoramas, il n’est pas prêt de prendre sa retraite. Bernard président !

Deux générations, une même envie de faire danser… Ou de profiter des concerts : Svinkels, le groupe culte du rap alternatif français, qui se reforme après 10 ans d’absence, a bien failli ne jamais arriver sur le plateau de Tsugi Radio. Gérard Baste, Nikus Pokus, Mr Xavier et Pone ont finalement réussi à venir papoter avec nous pour l’une de nos émissions en direct, mais difficile de décrocher, et on les comprend, du show que Roméo Elvis était en train de livrer dans le chapiteau voisin. Deux écoles, deux époques, et un même carton plein pour ces concerts hip-hop. Mais au loin résonnent déjà les premiers coups de boutoir électroniques, amorcés dès le début de soirée par le gabber-pop-méta de Bagarre. Et si Rone excelle toujours dans ses moments les plus oniriques, personne ne s’étonnera ce soir de l’entendre tous niveaux dans le rouge sur la fin extatique de son concert. Le reste de la soirée suivra : c’est bien simple, à Pano, ça tape. La raggatek de Vandal, le hardcore de Dr Peacock, la techno particulièrement énervée ce soir-là d’Amelie Lens, pour un closing du vendredi en beauté, Bjarki qui achèvera tout le monde en toute fin de festival… Sur chaque scène, ça y va de sa plus grosse claque. Anetha aussi, productrice techno française (cocorico) qui n’a pas retenu les chevaux lors de son passage sur la scène Sesame, pour l’occasion ornée du dispositif Physis par The Absolut Company Creation, une impressionnante structure lumineuse entourant le DJ et évoluant, entre néons et mapping, en rythme avec la musique. Mais ça vous pouvez le vérifier vous-même, la vidéo du set d’Anetha étant disponible sur notre page Facebook.

Amelie Lens

Dans ce même écrin tout en lumière, se produisait le lendemain un personnage à la musique un poil sombre : Manu le Malin était venu donner un cours de hardcore dark et profond, parfois entouré de néon arc-en-ciel – le contraste comme maître mot de ce festival, toujours. Jouant avec la frustration et les nerfs de la foule, pour finalement lâcher les chiens dans un grand grondement de basses, il incarne sa musique, tape du poing sur un mur invisible, harangue parfois la foule dans une allure martiale… Tandis que la techno d’Irène Drésel s’est elle drapée de fleurs, de longues robes blanches et vaporeuses, de quoi offrir au genre parfois agressif et carthatique (cf. Manu le Malin) une alternative sensuelle et organique. Jusqu’à installer un véritable petit jardin sur scène, inviter un percussionniste et une joueuse de flûte à bec (!), pour un live original et shamanique… Encore plus original quand un tournesol sautillant a débarqué sur scène, balançant des roses dans le public et finissant par slammer. La plante en pot ? Antoine de Caunes, qui passait par-là pour tourner quelques séquences de La Gaule d’Antoine, son émission Canal en forme de tour de France. Il ira ensuite s’incruster au milieu de la fanfare Meute, qui en tant qu’Allemands n’avaient aucune idée de qui se cachait derrière les pétales. Tournesol absurde et techno, vieux chênes et jeunes pousses, scène cachée à petite jauge et immense hangar : c’est tout ça Panoramas. C’est pour ça que tout le monde revient chaque année depuis 21 éditions. Et peu importe si on a eu peur de ne pas avoir de train pour retourner à Paris.

Meilleur moment : Meute, on a beau avoir vu 50 fois, c’est toujours impeccable.

Pire moment : louper la soirée du dimanche, avec entre autres un B2B improbable et inédit entre Rodolphe Burger et Arnaud Rebotini. Mais il fallait bien rentrer !

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