TOMAS MORE: « Si quelqu’un fait de la bonne musique, il pourrait la faire avec sa bite ou un presse-citron, je m’en fous un peu ! »
Tomas (sans H) More n’en est plus à son premier coup d’essai. Cela fait déjà quelques années que le Parisien d’adoption tourne dans les nuits parisiennes, françaises, londoniennes et ailleurs, et a déjà à son actif plusieurs EPs sortis sur les excellents Item & Things, Correspondant, Get The Curse. Sa botte secrète ? More a ce petit plus qui rend sa techno hybride aussi attirante que ses mixes clairs-obscurs.
Salut Tomas, tu joues lors du prochain Tsugi Superclub le 07 novembre prochain, et je me demandais ce que tu pensais de Matthew Dear aka Audion, avec qui tu partages l’affiche.
J’ai été un inconditionnel de Matthew Dear, autant de False que d’Audion. Fan d’Asa Breed, mais surtout son album Backstroke, étaient géniaux, ça a été une petite révolution pour moi ! Backstroke fait partie des disques que je préfère dans ma collection. Il y a vraiment un équilibre entre pop et minimale avec une voix un peu cheloue à la Baby Ford, tout un peu dissonant : j’adorais cet équilibre à l’époque. Maintenant c’est un peu moins hybride, un peu plus orthodoxe, un peu plus pop c’est un peu dommage, mais ça reste un mec fascinant qui a un talent fou et qui arrive dégager quelque chose de très fort.
Et tu connais bien Geena, qui va aussi jouer avec vous?
Oui c’est un pote, on fait un peu partie du même crew sur Antinote. Je n’ai rien sorti chez eux mais j’ai beaucoup de potes qui ont sorti des trucs chez eux, comme DK, la moitié de Darabi chez Get The Curse, qui vient de sortir Drop sur Antinote. Je suis aussi copain avec le boss du label, Zaltan, et Iueke, Gwen.
Pourquoi tu ne sors pas des titres sur Antinote alors ?
Parce que musicalement, j’ai l’impression de faire des choses plus sombres, à part Iueke, c’est un peu plus house comme label, limite expérimental. Mais mon crew de potes c’est d’abord Get The Curse avec Low Jack, Clément Meyer, DK, Micky qui est aussi mon agent chez Voodoo…Avec les mecs de L.I.E.S aussi, Ron Morelli, Svengalighost…
Comment produis-tu ta musique, tu t’enfermes avec tes machines ?
Je passe surtout beaucoup temps sur mon ordi, à le triturer, je fais au pif, et quand je tiens quelque chose je tente de le terminer le plus vite possible. J’aime bien l’idée que ce soit une musique qui soit très accidentelle, qu’elle vienne de défauts, qu’elle soit composée d’imprévus !
Mais tu as d’abord commencé par le mix si je ne m’abuse?
Oui, j’ai commencé à mixer quand je suis parti à Londres, j’avais une résidence là-bas avec un pote. J’ai commencé la prod’ parce que j’ai fait un remix pour ce pote-là sur Infiné en 2009. Et depuis j’ai enchaîné !
Et le mix vinyl, il paraît que tu ne t’y colles plus ?
J’ai commencé sur vinyles, mais depuis j’ai moins le réflexe des boutiques, c’est quand même assez cher, c’est limite un truc de bourges’, un effet de mode. Et je me suis habitué au système de classement sur ordinateur. Enfin s’il y a de bon vinyles qui ne sortent pas en digital, je n’hésite pas à les acheter. Mais si quelqu’un fait de la bonne musique et que ce que j‘entends sur les enceintes est super bien, il pourrait la faire avec sa b*te ou un presse-citron, je m’en fous un peu !
Et pourtant tu sors un 12’ sur Blackest Ever Black bientôt !
Oui c’est mon prochain EP ! Là j’ai aussi un autre projet avec un autre pseudo, December, et là pour le coup c’est une cassette qui va sortir sur un label anglais : Where To Now ?. Et le deuxième maxi ce sera sur Blackest Ever Black. Je n’ai même pas de lecteur cassette chez moi, mais ce n’est pas moi qui ai choisi le format… Mais il y a un côté un peu nostalgique dans les cassettes, et puis on peut faire de belles pochettes. Là par exemple, j’ai fait une collaboration avec une photographe qui a pris des captures d’écran de vieilles VHS, tout ça forme un ensemble rétro assez cohérent. En tout cas je ne suis pas convaincu que c’est le format qui fait la qualité ni le contenu. Et le retour de la mode du vinyle, c’est générationnel, c’est très cyclique…il y a un moment, tout le monde jouait sur Traktor avec douze platines et là on revient à deux platines, pour se gargariser d’une espèce d’authenticité.
Tu as acheté quoi récemment ?
Plein de choses. Il y a pas mal de gens qui disent qu’ils n’écoutent pas de techno chez eux et seulement en club, mais moi j’en écoute, il y a tant de musiques électroniques largement écoutables chez soi. Sinon j’écoute beaucoup de new-wave, style début des années 80, avec beaucoup de synthés, beaucoup de post-punk. Mais sinon jazz, classique, un peu de tout.
Tu as appris via ces styles ou tu es arrivé comme une fleur dans la techno ?
Oui, je suis arrivée par les platines puis à la production. Je me suis démerdé tout seul !
Et comment tu as signé chez Item & Things ?
Ça s’est fait assez simplement, je suivais pas mal les actualités de Troy, Magda. Et en 2009 approximativement, quand j’ai fait le premier remix pour Danton, j’ai vu que Troy Pierce l’avait joué dans un podcast, donc je l’ai contacté en lui disant que j’étais super fan de sa musique et je lui ai envoyé d’autres morceaux, qu’il a joués aussi. Et un jour je lui ai envoyé un titre qu’il a particulièrement aimé, du coup il a voulu le sortir sur le label qu’il venait de créer, Item & Things, et après j’ai enchaîné les maxis et on a souvent joué ensemble. En fait, ça s’est fait assez naturellement.
Tu vis uniquement de ta musique maintenant ?
Les trois quarts de l’année ! Pendant le reste de l’année sinon je travaille dans le cinéma. Je suis conscient que c’est un rythme de vie assez privilégié, particulièrement libre. Je dois bientôt aller en Amérique du Sud aussi, c’est pas mal. Et là, comme je le disais, en parallèle je travaille sur mon projet December, un deuxième maxi va sortir sur Blackest Ever Black, label sur lequel on peut trouver Vatican Shadow, et un troisième maxi sur In Paradisum, label de Mondkopf.
Roman Flügel t’as remixé, tu l’as déjà rencontré ? Il est sympa ?
Je l’ai rencontré oui, pas au moment du remix mais après. J’ai fait un disque pour Jennifer Cardini sur Correspondant et on pensait à des remixeurs et elle a eu l’idée de Roman Flügel, je trouvais ça cool, j’aimais bien sa musique et j’étais assez fan de Playhouse. Après il est venu jouer pour Get The Curse, c’est un mec très sympa et hyper- intelligent.
Quand tu joues à Paris, où préfères-tu jouer?
Au Rex Club, je pense que c’est là que j’ai fait les meilleurs sets et là où je me sens le mieux. Et particulièrement quand je joue en warm-up. J’aime bien jouer seul, commencer seul et voir la salle se remplir progressivement, imposer une espèce d’ambiance comme ça. J’aime bien l’idée d’accueillir les gens. Et surtout niveau matériel là-bas c’est parfait.
Tu as quelques années de musique dans les pattes désormais, tu pourrais nous dire de quoi tu es parti et à quoi tu aspires ?
Question difficile ! A la base, j’étais assez fasciné par l’école minimale, par les choses très dépouillées, très squelettiques, j’aimais pas tout mais j’aimais bien les choses à l’antithèse de la superproduction, qui pétaient en club, limite mal produits avec des sons bizarres. Ce qui a été Minus à une époque, toujours un peu Perlon maintenant. Maintenant j’aime les choses un peu plus brutes, à cheval entre techno et postpunk/coldwave. Avec quelque chose de froid et radical, c’est mon obsession du moment. Des mecs comme Silent Servant, Veronica Vasicka, Powell…Je ne sais pas si ça a encore du sens de faire du post-punk aujourd’hui, ça fait un peu mimétisme, un peu singé, en reprenant tous les codes, avec la voix un peu débile qui va bien et les synthés un peu mal produits. Je trouve que c’est bien de l’hybrider avec des courants plus actuels, plus rythmiques. Comme DJ Traxx.
Qu’est-ce que tu as vu comme concert qui t’a vraiment pris aux tripes ?
Justement Dj Traxx qui m’a le plus touché, qui m’a fasciné. D’une part je respecte qu’il fasse une musique ultra-personnelle, quand tu l’entends trois minutes tu sais que c’est lui et personne d’autre, c’est une des choses que je respecte le plus chez un producteur ou un dj. Il a sa patte, un univers particulier. J’ai bien Powell, c’est un bon DJ et un bon producteur. Ron Morelli aussi.
Pour finir, quelqu’un que tu n’as jamais vu jouer et que tu aimerais bien voir jouer ?
Je n’ai jamais vu jouer Silent Servant, Mika Vainio, Jan Jelinek je suis super fan de lui !