« Tangerine Reef » : Animal Collective en eaux troubles
Un douzième album sous-marin. Avec Tangerine Reef, Animal Collective a décidé d’aller faire un tour dans les profondeurs de l’océan. 2018 est l’année internationale des récifs coralliens : sensible à la cause, le groupe de Baltimore a eu l’envie d’enregistrer un album visuel aquatique de 53 minutes. Ce n’est pas la première fois qu’Animal Collective sort un album visuel : en 2010, il partageait l’extravagant ODDSAC. C’est justement à une projection du film qu’il rencontre Coral Morphologic, duo artistique de Miami composé d’un biologiste et d’un musicien. Huit ans plus tard, les deux groupes – sans le membre Panda Bear d’Animal Collective – se retrouvent pour ce projet.
Présenté en exclusivité au Festival Of Disruption de David Lynch l’année dernière, ce nouvel album spécial est marqué par l’abandon de la pop perchée propre au groupe, celle qui l’a révélé au grand public en 2009 avec « My Girls ». À la place, le trio propose un ambient expérimental délicat, parfois sombre, parfois rassurant, mené par des sons aquatiques, des chants lancinants d’Avey Tare et un son reverb. Le travail d’immersion est brillant : en fermant les yeux, les récifs des bas fonds marins apparaissent.
Si Tangerine Reef est découpé en 13 morceaux, il constitue en fait un seul bloc de 53 minutes. D’un titre à l’autre, la musique ne s’arrête jamais et reprend là où elle en était. La coupure abrupte à la fin du premier extrait dévoilé en juillet prend ainsi tout son sens. Ces 53 minutes de sons permanents sont accompagnées par des plans de coraux fluorescents, garantis sans effets spéciaux. Au visionnage du film, on comprend vite pourquoi le projet a failli s’appeler Coral Porn. Le travail est impressionnant : les images sont d’une qualité extraordinaire et suivent à la perfection le rythme des morceaux, ralentissant, accélérant ou disparaissant selon la musique.
Sur le papier, tout ça donne envie. Cependant, la réalité est toute autre. Au bout d’une dizaine de minutes, l’ennui s’amarre. Pour la plupart, les morceaux peinent à décoller et se ressemblent, jusqu’à boire la tasse. Un EP aurait sûrement été plus fructueux pour combiner les meilleures idées… Dommage avec un concept et des visuels pareils.