Sur Spotify, 90% des artistes reçoivent moins de 1 000 euros par an
Selon Le Monde – qui se base sur la campagne Pay Performers d’Aepo Artis lancée en septembre 2020 – 90% des artistes reçoivent moins de 1 000 euros par an même si leurs titres sont streamés jusqu’à 100 000 fois sur les plateformes, et seulement 1% des artistes perçoivent un SMIC grâce aux streams. Un constat alarmant, qui trouve écho dans la fronde grandissante contre le système de rémunération du streaming musical.
« Le streaming a volé l’argent de mes CDs… » David Crosby
Lundi 7 décembre, Universal annonçait acquérir l’ensemble du catalogue de chansons de Bob Dylan, et dans la foulée, l’Américain David Crosby révélait sur Twitter qu’il s’apprêtait à faire de même. Si les raisons de Bob Dylan demeurent inconnues, David Crosby a quant à lui dévoilé les siennes, et elles sont navrantes : « Je ne peux pas travailler [en live, à cause de l’impossibilité des concerts dû au contexte épidémique]… Le streaming a volé l’argent de mes CDs… J’ai une famille dont je dois prendre soin et des biens hypothéqués… C’est la seule solution. Je suis sûr que les autres [artistes] pensent la même chose. »
I am selling mine also …I can’t work …and streaming stole my record money …I have a family and a mortgage and I have to take care of them so it’s my only option ..I’m sure the others feel the same https://t.co/EXWHR2v6iq
— David Crosby (@thedavidcrosby) December 7, 2020
Un système qui ne profite qu’à une minorité
En quoi le streaming vole-t-il les artistes, comme l’a écrit David Crosby ? Comment 100 000 streams peuvent rapporter moins de 1 000 euros par an à un artiste ? Pour comprendre, il faut d’abord déchiffrer le système de rémunération des plateformes, et plus particulièrement celui de Spotify, leader du streaming musical dans le viseur de la fronde.
« Chaque écoute est comptabilisée, puis mise dans un pot. Les écoutes de l’ensemble des artistes qui sont sur la plateforme dans le monde sont additionnées. Ensuite, les revenus qui viennent des abonnements de ces plateformes sont redistribués aux ayants droit au prorata du nombre d’écoutes sur le total », comme l’explique Suzanne Lortie, professeure à l’École des médias de l’Université du Québec à RDI. Ce modèle économique est “market-centric” : il rémunère les artistes par rapport à la part de marché qu’ils possèdent sur l’ensemble de la plateforme de streaming, et ainsi privilégie les plus gros artistes et prodigue un quasi-monopole des revenus aux trois principales majors : Sony BMG, Universal Music Group et Warner Music Group.
Ce modèle creuse des inégalités entre les artistes car il ne profite qu’à une minorité (les gros artistes signés chez les principales majors), ce qui explique que seuls 1% peuvent gagner un SMIC grâce aux streams. Une étude internationale, publiée début septembre à l’initiative d’Alpha Data Music, montre que sur 1,6 million d’artistes dont la musique a été mise à disposition sur les plateformes de streaming en 2019, seulement 1% a capté 90% des écoutes globales. Ce 1% se départage donc les plus grosses parts de gâteau, et le reste ramasse les miettes.
Encore quelques chiffres. En 2019, selon le site The Trichordist, Spotify rémunérait les ayants droit de 0,0034 dollar par écoute. Certains artistes ont montré la réalité tangible derrière ces chiffres : la violoniste Tasmin Little a déclaré sur Twitter avoir reçu 13,38 euros en six mois pour « environ cinq à six millions de streams », et Jon Hopkins 6,60 euros pour 90 000 écoutes sur Spotify, comme le rapporte Le Monde.
« Maintenant, c’est dangereusement néfaste. »
Si la colère contre Spotify et les autres plateformes gronde depuis plusieurs années, 2020 aura mis le feu aux poudres. La crise sanitaire et économique et l’annulation des concerts privent les artistes de revenus importants. En octobre, et aujourd’hui soutenu par plus de 25 000 artistes, le syndicat américain des musiciens UMAW a lancé la campagne « Justice at Spotify« , réclamant la mise en place d’un modèle « user-centric”, c’est-à-dire la rémunération de chaque artiste par rapport à leur nombre de streams directs (une écoute = un centime).
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Au Royaume-Uni, une initiative similaire a également été lancée en octobre avec la campagne #BrokenRecord. Son fondateur, le musicien Tom Gray, expliquait dans un entretien avec le média Music Ally : « C’est un problème depuis si longtemps (…). Je dis simplement les mêmes choses que vous avez entendues un million de fois. Mais le contexte a complètement changé. Le problème, c’est que le streaming a toujours cannibalisé la culture et donné tous les revenus à une très petite partie du marché. Il a toujours fait ça. C’est juste que c’est devenu profondément néfaste. Maintenant, c’est dangereusement néfaste. »