Streaming : l’accord Deezer-Universal peut-il vraiment changer la donne ?
La plateforme de streaming française Deezer et le label de musique Universal Music Group ont annoncé début septembre la mise en place d’un nouveau système de répartition des artistes, visant à rééquilibrer le partage des profits. Petite révolution ou vraie-fausse bonne idée ? On passe en mode ‘Tsugi décrypte’.
À qui profite le stream ? C’est presque devenu LA question au centre de tous les débats dans le monde de la musique, avec en creux la juste rémunération des artistes émergents. Il y a encore quelques jours, le boss de Spotify Daniel Ek réagissait à une polémique, selon laquelle il était possible de détourner le système de redistribution de la plateforme : à l’aide de quelques robots et d’un peu d’imagination. Preuve de plus que les modes de rémunération relèvent parfois de l’énigme et ouvrent la voie à toutes les théories. Le semaine dernière, Universal Music et Deezer ont annoncé la création d’un tout nouveau modèle de répartition des artistes, qui devrait prendre effet pour la première fois en France d’ici la fin d’année.
À l’heure actuelle, les revenus générés par le streaming sont répartis au prorata des écoutes totales. Pour simplifier, l’argent revient majoritairement aux artistes les plus écoutés, une méthode de calcul appelée « market centric ». En clair, même si vous écoutez des artistes indé – on vous voit, les diggers -, il est plus que probable que vos onze euros d’abonnement mensuels finissent dans les poches de têtes d’affiche comme par exemple Doja Cat, dont le titre « Paint the Town Red« a été écouté plus de 84 millions de fois rien que la semaine dernière.
@UMG et @Deezer lancent le premier modèle de streaming musical centré sur l’artiste (Artist-Centric)
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— Universal Music FR (@UMusicFrance) September 6, 2023
Universal et Deezer emboîtent le pas avec un nouveau système, intitulé « artist-centric », censé soutenir plus justement tous les artistes. Les artistes dits « professionnels » – là-dedans, Deezer inclut ceux qui génèrent plus de mille streams par mois, et au moins 500 auditeurs·ices uniques – se verront récompensés d’un « double bonus » : chaque stream comptera double. Aussi, Deezer prévoit d’exclure bruits blancs et autres contenus non-musicaux. Les deux géants de la musique se rapprochent donc du modèle « user-centric », qui se base sur les écoutes des abonnés, leurs abonnements servant directement à rémunérer les artistes écoutés.
Alors, petite révolution ou gros effet d’annonce ? Pour la Fédération Nationale des Labels et Distributeurs Indépendants (FELIN), pas de réel changement à l’horizon. Dans un communiqué publié une semaine après l’annonce des deux géants de la musique, la FELIN estime que si l’idée « semble intéressante sur le papier », ce fonctionnement « paraît très éloigné d’un rééquilibrage des forces entre petits et gros acteurs, aux antipodes d’une plus grande équité et justice du modèle d’exploitation du streaming ». Ajoutons également que le projet de Deezer et Universal n’ambitionne pas de changer la répartition des profits entre artistes, auteurs et labels. Reste encore, aussi, à convaincre les autres grands du streaming comme Apple Music d’en faire de même. Et donc réviser leurs modes de répartition. Spotify semble s’orienter sur la piste des « super fans » – ils seraient 50 millions aux Etats-Unis. Dans un tweet, Daniel Ek a récemment mis en avant le concept du « fans first », leur accordant un accès prioritaire et d’autres privilèges.