Avec un nom énigmatique et une aura évidente, H.E.R. s’est très vite frayée un chemin pour atterrir sur une route pavée d’or. Elle endosse clairement le rôle de nouvelle superstar du R&B américain, en y amenant beaucoup de soul et une énergie rock certaine. À 25 ans elle a déjà chanté l’hymne américain au Super Bowl, a glané 5 Grammy Awards et un Oscar de la Meilleure chanson originale. Avant son live impressionnant à Cabaret Vert sous la pluie battante, H.E.R. a accordé un entretien exclusif à Tsugi.
C’est assez inhabituel de te voir en France, ce n’est que le 3ème endroit où tu joues en France cette année. Ça fait quoi d’être là ?
H.E.R. : C’est vraiment génial ! Je ne suis jamais venue ici. L’endroit est vraiment beau et j’aime tellement la France, à chaque fois que je viens j’essaie d’explorer le coin. J’ai vraiment hâte de jouer, parce que pour moi la France a souvent la meilleure énergie, et les publics les plus mignons.
Comment c’était à Nice et au Stade de France avec Coldplay ?
H.E.R. : Nice c’était certainement l’une de mes dates préférées de toute ma carrière, vraiment ! En plus l’endroit est magnifique, l’installation au bord de l’eau, même les immeubles… Je n’avais jamais rien vu de ce genre. Par contre il faisait si chaud ! Et évidemment, le Stade de France c’est irréel. Tu sais, être capable de crier « Bonjour! » et ça ricoche sur tous les murs et les recoins du stade… Incroyable.
Comment étaient les gens dans le public de Coldplay ? Comment ont-ils reçu ta musique ?
H.E.R. : Au début ils étaient en mode « mmh OK… C’est qui? ». Quelques-uns semblaient me connaître, d’autre avaient entendu parler de moi sans connaître ma musique. Tu vois? Et au fil du concert, tu les vois rentrer dans la danse, dans l’ambiance doucement mais sûrement. Et à la fin ils étaient dedans, piqués, et pour eux c’était souvent inattendu. C’est cool parce qu’à la fin du show, je les ai sentis super-connectés.
… Et puis ils te retrouvent pendant le concert de Coldplay, quand tu rejoins Chris Martin sur une « Let Somebody Go »
H.E.R. : Oui, c’est clairement ma chanson préférée de leur dernier album. C’est cool en plus, de pouvoir faire un solo de guitare quand je joue avec eux… C’est fou, c’est insensé, jamais je n’aurais pensé que je pourrais jouer avec Chris Martin et Coldplay.
Quand tu es en tournée, est-ce que tu trouves du temps pour écrire, pour composer ?
H.E.R. : Un peu, je prends le temps. Parce que je pense que c’est important de rester créative. Et aller dans toutes ces villes m’inspire beaucoup. Mais ce n’est pas si facile pour moi, j’ai du mal à changer d’état d’esprit. Là en ce moment je suis en mode concerts. Mais j’essaie d’au moins écrire des idées, des bribes de notes. Les voyages en trains, en avion m’inspirent un peu. Mais c’est surtout de rencontrer des gens, de ressentir plein de nouvelles choses où que j’aille…
Qu’est-ce qui t’inspire le plus ?
H.E.R. : Je pense que c’est ma vie perso, et la musique que j’écoute. J’écris beaucoup à propos de ce que je ressens, ou parfois pour rigoler j’écris depuis la perspective des gens autour de moi. Ce qui est cool, mais très rare (rires). Récemment une amie, qui s’avère aussi être ma maquilleuse, a perdu son chien et elle en était très proche. Alors pour m’amuser, enfin plutôt en hommage, j’ai écrit une chanson là-dessus et c’était vraiment chou. Mais je sais pas si mon public pourra l’entendre un jour. En tout cas elle l’a entendue et elle était en larmes. Ça l’a touchée. Une autre fois, quelqu’un m’a dit ce qu’il pensait de moi et… Disons que je ne l’ai pas reçu de la meilleure des manières (rires) mais j’en ai fait une chanson, en partant de son point de vue. Elle s’appelle « Don’t know what to do », même si elle n’est pas sortie.
As-tu des role-models dans la musique ?
H.E.R. : Des tas ! Rihanna est l’une d’entre elles, ce qu’elle a construit en si peu de temps c’est grandiose. C’est une patronne, j’admire tous ses projets. J’aimerais qu’elle sorte un peu plus de musique mais bon, je pense que ce qu’elle a fait est incroyable. J’aime Adele, son humilité et sa discrétion hors de scène, et évidemment sa musique et sa voix ! Et puis Kendrick Lamar qui est focalisé sur son art, sur sa musique et quand tu le vois il y a un effet « wow ». Il fait un travail énorme sur ses paroles. J’aime son engagement et ses prises de positions.
Ton dernier album Back of My Mind est sorti depuis déjà un an, est-ce qu’un nouveau est en préparation ?
H.E.R. : Absolument ! Je travaille sur un nouveau projet. Il sera majoritairement, si ce n’est pas entièrement, composé en collaboration avec des artistes féminines. Je suis si enthousiaste ! Il y aura plusieurs styles différents, qu’avec des femmes que j’admire. J’ai vraiment très hâte, et je pense que les gens vont adorer. Ça brise pas mal de barrières entre les genres, c’est juste de la bonne musique en fait.
Tu sais quand il pourra sortir?
H.E.R. : Pas encore, on va voir.
Et le sujet principal, la thématique de l’album?
H.E.R. : Je pense que la thématique c’est tout simplement les femmes et le women empowerment. Les choses qu’on doit affronter, ce qu’on vit et ce qu’on ressent. Différentes histoires de femmes différentes. Il y a beaucoup de mon histoire et de ce que je ressens, mais c’est sur la sororité. Pas nécessairement dans les textes, mais dans l’intention.
Tu as travaillé avec Kaytranada sur son EP Intimidated, sur son titre « Intimidated » précisément. Comment s’est faite la connexion entre vous deux, comment avez-vous travaillé ensemble?
H.E.R. : Oh, je ne me rappelle même pas comment c’est arrivé. Je suis fan de Kaytranada depuis très longtemps, mais vraiment très fan. Il déchire tout depuis des années, et j’ai toujours voulu faire une session enregistrement avec lui, pour voir ce qui en sortirait. Il m’a poussé à le faire, et j’ai l’impression qu’ensemble, on a fait quelque chose de différent de ce qu’il fait habituellement.
Vous vous connaissiez avant ?
H.E.R. : Non, pas vraiment en fait. On s’est rencontrés en studio. On a travaillé quelques jours. Je me rappelle juste m’être laissée porter vers beaucoup d’idées différentes, c’était génial ! Et puis j’ai fini par le piano et j’ai joué le *tudututu* (elle mime et fredonne la partie piano). J’ai joué ce riff sur la chanson, et ça venait juste d’un mémo vocal. Kaytra l’a produit, mixé, pitché un petit peu… Et au final, le titre a cet esprit Janet Jackson que j’aime vraiment. C’est comme si on s’était tous les deux tirés vers le haut, pour faire quelque chose de différent de ce qu’on fait d’habitude, chacun de notre côté.
Tu prévois de faire ou refaire des collaborations avec des artistes de musique électronique ?
H.E.R. : Complètement. J’adore la musique électronique, et les gens qui l’incorporent dans leur musique comme Flying Lotus. J’aime ce qu’a fait B (Beyoncé) sur son dernier album, je suis une très grande fan de J Dilla… Et j’aime bien des gens comme Disclosure. Mais c’est sûr que j’aimerais enregistrer un disque avec Kaytranada et Dua Lipa. Je pense qu’à nous trois, on ferait quelque chose de vraiment magique. Je l’ai dit à Dua Lipa aussi, avec un peu de chance quand on trouvera le temps, on le fera. J’adore ce pan de la musique et je pense que c’est souvent expérimental, toujours amusant, il y a tellement de possibilité. Comme je le disais je suis très fan de J Dilla, alors j’aime incorporer de la soul un peu partout.
Est-ce qu’on trouvera de la musique électronique dans ton nouvel album ?
H.E.R. : Je ne suis pas sûre, on verra. Quand j’assemblerai tout, on verra ce qui se passera.
Si tu devais garder un seul concert que tu as vécu, ce serait lequel?
H.E.R. : Mon meilleur concert ? Prince, c’est mon meilleur souvenir de tous les temps. Pour moi c’est l’un des plus grands performers de l’histoire, et je n’ai pas eu la chance de voir tous les autres grands malheureusement. Mais parmi ceux que j’ai vu, Prince est clairement numéro 1. C’était électrique et tellement funky. Il y avait tellement de styles de musique dans ses albums, et ça se retrouvait dans ses lives. Et sa présence sur scène m’a beaucoup inspirée, même si j’étais très jeune. Je devais avoir 13 ou 14 ans. Je me sens tellement reconnaissante d’avoir pu le voir jouer.
Et le concert que tu n’as jamais pu voir ?
H.E.R. : J’aurais adoré pouvoir voir Michael Jackson. Parce que c’est… le plus grand. Ça devait être incroyable à voir en vrai.
Même question avec un album
H.E.R. : Quoi, un seul album? Mais c’est trop dur ! Bon, comme Prince est mon artiste préféré, je dirais sûrement Purple Rain, si je devais choisir. C’est un album immensément important, avec beaucoup de styles de musiques différents et pas mal de guitare électrique. Et j’adore les histoires des chansons.
Tu as récemment lancé une procédure de justice contre ton ex-label NBK Entertainment, est-ce que tu veux en parler ?
H.E.R. : Pas vraiment. Même si j’ai encore de l’amour pour les personnes impliquées mais…
Quand tu as sorti ton premier EP H.E.R. Volume 1, en 2016, tu as choisi de rester anonyme. Pourquoi ?
H.E.R. : Parce que je voulais que les gens se concentrent sur la musique, et laisser la musique parler. Je pense qu’on se focalise trop sur des choses extérieures, sur le physique… Tout ça n’a pas d’importance. On écoute souvent avec nos yeux au lieu de juste écouter avec nos oreilles, non? Je voulais juste que ce soit un message, et que les gens l’écoutent vraiment. C’était l’objectif. Et je pense que, dans une démarche plus naturelle, je donne plus, le public me ressent vraiment et ça crée une connexion plus sincère entre nous. Je pense la même chose aujourd’hui : pas d’apparences, je me centre sur l’art, sur la musique.