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St Germain en 2000 / ©Philippe Levy
4 novembre 2020

St Germain : l’histoire derrière « Tourist », œuvre fondamentale de la French Touch (1/2)

par Sylvain Di Cristo

Cette ride qui galope de concert avec le piano et la contrebasse, et cette boucle qui monte, qui monte, laissant entrevoir le début d’un grand voyage entre jazz et musique électronique : impossible de ne pas se souvenir de l’ouverture de Tourist, deuxième album studio du Français St Germain qu’il sortait en l’an 2000. Cinq ans plus tôt, il y a eu Boulevard sur le label de Laurent Garnier et Éric Morand FCom, et toutes les oreilles du monde commençaient à se tourner vers la France pour ce qui allait s’appeler la « french touch ». Tourist, c’est plus de deux millions de copies vendues à travers le monde et surtout un véritable honneur : celui de sortir sur le plus grand label de jazz de l’Histoire de la musique, Blue Note. Vingt piges plus tard et des remixes inédits qui sortent en ce moment au compte-gouttes, St Germain revient pour nous sur l’histoire de sa production et l’impact qu’il a eu sur sa carrière.

« Modestement, je trouve qu’il n’a pas pris une ride en 20 ans : je ne changerais rien. »

Pour commencer, peut-être peux-tu te remémorer un peu le contexte personnel dans lequel tu étais lorsque tu as produit ce disque ? C’est ton deuxième album que tu as fait en l’an 2000, quels étaient tes objectifs, les enjeux ou les diverses pressions ?

Après l’album Boulevard en 1995, j’avais en tête d’approfondir les mélanges musique électronique/acoustique. J’ai toujours la même façon de travailler depuis 1994. Une fois les compositions faites, j’enregistre l’intervention des musiciens, un par un, ainsi que les voix, et je construis la version finale seul – ce qui prend beaucoup de temps parce que je suis perfectionniste – et enfin le mixage.

Il n’y avait aucune pression et je n’en ai toujours pas aujourd’hui. Je suis producteur, je produis pour moi et je n’ai pas de maquettes à présenter à un directeur artistique. J’ai mon studio chez moi, je peux y travailler quand je veux, et je le fais essentiellement la nuit. Côté matos, j’ai une paire d’enceintes qui est la même depuis 30 ans, deux ordinateurs, des claviers « vintage » (Moog, Korg, Rolland…), des boîtes à rythmes dont la 909 et la 808… La configuration basique ! Et je me souviens qu’à l’époque je commençais à expérimenter les plugins.

L’une des nombreuses choses exceptionnelles de cet album est le fait qu’il ait été signé sur le légendaire label de jazz Blue Note. Comment cela s’est fait ?

Marc Lumbroso était le nouveau patron de EMI France et donc de Blue Note. Il venait de Londres et connaissait mon projet St Germain. Un rendez-vous a suffi. Il m’a fait confiance, moi aussi, et nous avons bien fait. Je lui suis toujours reconnaissant et nous ne nous sommes jamais perdus de vue.

« J’ai toujours la même façon de travailler depuis 1994. »

Artwork de « Tourist » (2000)

Tu n’as jamais beaucoup aimé être trop exposé, pourtant Tourist est un immense succès et Blue Note une marque internationale. Comment as-tu vécu cette énorme exposition à l’époque ? Qu’est-ce qui a changé dans ta carrière suite à cet album ?

Les gens avec lesquels je bosse me connaissent bien et me protègent. Ça m’a permis de rester très concentré sur le bon déroulement des concerts qu’il y a eu par la suite et je n’ai réalisé l’ampleur du succès seulement après. Et c’est certain qu’il y a eu des changements notables dans ma carrière, comme le nombre de disques vendus, plus de deux millions à l’époque ; 280 concerts dans le monde grâce à mon agent Alias Production, et ce pendant les trois années qui ont suivi la sortie de Tourist et qui m’ont happé sur la route avec douze personnes (moi qui suis d’habitude solitaire !), de la Nouvelle-Zélande à Coachella, l’Angleterre et le Royal Albert Hall, et tant d’autres lieux incroyables… Mon regret est de ne pas avoir eu le temps d’aller en Afrique du Sud et Amérique du Sud… Et puis les rencontres ! Avec Herbie Hancock qui nous a rejoint sur scène, Claude Nougaro, Monty Alexander, Ernest Ranglin et bien d’autres sur la route des festivals.

Avec le recul d’aujourd’hui, comment expliques-tu le succès de ce disque ? Et quel regard portes-tu artistiquement sur ce disque aujourd’hui ?

Je réécoute très rarement mes productions mais, exceptionnellement… Je l’ai fait pour vous ! Et je suis très satisfait du son. Modestement, je trouve qu’il n’a pas pris une ride en 20 ans : je ne changerais rien. Concernant son succès, les titres de Tourist ont été utilisés mondialement en synchro, dans des films, séries, pubs, ont été diffusés dans les bars, les clubs, et sont encore joués par les DJs. Je dirais que c’était un effet boule de neige.

À l’occasion de ces 20 ans, on voit sortir des remixes inédits de Tourist. On peut déjà écouter ceux de Black Motion et Atjazz. Qui sont ces remixeurs pour toi ? Comment la sélection s’est-elle faite ?

Pour fêter les 20 ans de Tourist, j’ai demandé à des artistes que j’écoutais souvent en 1990, comme Ron Trent, Jovonn, Nightmares On Wax, et à ceux qui avaient déjà remixé certains titres de mon dernier album St Germain de 2015 (DJ Deep, Terry Laird de Justhouse, Traumer et bien sûr Atjazz) de choisir leur titre préféré. Je tenais également à des remixes venant d’Afrique du Sud et Black Motion et Julian Gomes m’ont suivi dans ce voyage. J’ai donc choisi ces artistes surtout pour leur personnalité et authenticité. J’aurais aimé inviter Moodymann, Little Louie Vega, Kerri Chandler, Lil’Louis, mais le timing était trop court pour certains… Next time !

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