Sonny : rencontre avec un espoir de la house
Ce vendredi, le producteur australien, exilé au Danemark, Sonny sort son premier album Union: Integration of the Shadow. L’occasion pour nous de revenir sur son début de carrière en solo, l’évolution de sa musique et de ses composantes ainsi que son rapport à la nature.
Et si c’était l’album qui permettait enfin à Sonny de connaître le succès qu’il mérite ? Avec Union: Integration of the Shadow, le producteur australien signe son premier album depuis qu’il s’est lancé en solo. Depuis le début d’année, Xavier Bacash, de son vrai nom, teasait la sortie de ce projet attendu, avec la sortie des titres « Ozone », « Euromantics » et « The Feels ». Ce vendredi, l’album est disponible, en plus de son podcast pour Tsugi de la semaine dernière.
L’album contient treize titres, dont quatre remixes. L’un de l’Australien Kris Baha sur « Liquid Phase » (diffusé en première sur notre SoundCloud), ainsi qu’une version définitivement géniale de « Transient Feeling » proposée par le Danois Manmade Deejay, puis Popmix sur « Euromantics » et Sjårtkut sur « Ozone ». Sur ce projet, le musicien n’oublie pas ses racines pop avec ce mélange de dream pop et de house balearic qu’on pouvait retrouver parfois sur les titres de son ancien groupe Gypsy & The Cat, avec Lionel Towers, tout en y ajoutant des touches d’electro. Nous l’avons rencontré pour nous expliquer en détail sa démarche.
Peux-tu nous raconter l’histoire derrière cet album ?
Le principal objectif avec ce disque, c’était de me remettre à écrire, de redécouvrir ce domaine d’une manière nouvelle, en posant bien ma voix sur les parties instrumentales. Je voulais documenter, à travers mes chansons et leurs paroles, certaines des expériences que j’avais vécues au cours des premières années de ma nouvelle vie au Danemark. En un sens, j’ai atteint cet objectif, mais je pense que mes attentes ont aussi été dépassées à la réception du disque. C’était vraiment agréable et surprenant à voir.
Sur ton dernier EP, tu ne chantais plus du tout, laissant un simple couplet à Sally Moreno Risell sur « The System ». Sur ce nouvel album, tu te sers beaucoup plus de ta voix. Comment a évolué ton rapport à la pop music au fil des projets ?
J’ai fait partie d’un groupe qui faisait pas mal de tournées et j’en étais le chanteur principal. Quand je repense à cette expérience, je trouve que j’étais un peu timide et aussi que je me focalisais trop sur le chant et sur la création de mélodies. Le projet Sonny a ainsi d’abord commencé comme une expérience nouvelle, dans la musique électronique, et je pense qu’à certains égards, il l’est toujours. J’évolue constamment. Sur cet album, j’ai simplement décidé que j’étais à nouveau prêt à chanter sur ma propre musique et que j’avais quelque chose de significatif à exprimer.
Dans une récente interview pour Tsugi, Kevin Parker de Tame Impala nous disait : « Seul, il n’y a pas de compromis – bien que les compromis soient magnifiques dans une collaboration, qu’on se comprenne. Mais ça ne pourra jamais ressembler exactement à ce truc magique dont tu rêves ». Quel est ton avis à ce propos ?
Je pense être d’accord avec ça, après l’avoir aussi vécu. Ayant été dans un groupe avant Sonny, j’ai dû écrire trois albums avec une autre personne toujours à côté de moi. Dans ces moments, ce n’est pas tellement qu’on se sent gêné de faire des erreurs, mais plutôt qu’on n’a tout simplement pas le temps d’essayer d’exploiter une perle à partir d’un son de synthé, de travailler plus profondément sur la programmation d’un patch ou de proposer un riff incroyable qui peut changer toute la direction d’une piste. Le fait d’avoir quelqu’un à côté qui attend qu’on prenne une décision, c’est presque comme avoir une laisse.
« La collaboration rend beaucoup plus difficile l’expérimentation »
Si je compare ça à être seul pour la création d’un album, je pense que la collaboration rend beaucoup plus difficile l’expérimentation. C’est un processus de découverte, de se creuser la tête et d’essayer de créer un projet clair avec un groupe d’idées potentielles. C’est peut-être la raison pour laquelle on voit très rarement de bons artistes collaborer sur une peinture.
Tu as quitté l’Australie, puis t’es lancé en solo, cette aventure loin de chez soi aurait pu être compliquée… Comment t’es-tu débrouillé dans un environnement si différent et pourquoi avoir choisi le Danemark ?
J’ai ressenti une sensation étrange lorsque je suis descendu de l’avion. Je ne connaissais presque personne, j’avais un Airbnb pour un mois, donc il y avait une certaine pression pour trouver un appartement (dans une ville très compétitive en matière de logement, en plus), et je ne savais pas vraiment quand, pourquoi ou comment recommencer avec la musique. Le confort de la maison et les connexions avec la scène musicale en Australie n’étaient plus là, donc d’une certaine manière, j’ai été forcé de creuser un peu plus en profondeur pour voir ce qu’il s’y faisait. Je pense que le Danemark était le lieu avec lequel j’avais senti la meilleure connexion lorsque j’étais en tournée avec mon ancien groupe [Gypsy & the Cat, ndlr] mais également le lieu que je connaissais le moins. C’était donc un challenge excitant pour moi.
Sur tes pochettes et noms d’album ou de morceaux, tu sembles très attaché à la nature. Pourquoi ?
J’aime regarder des choses que je n’arrive pas à cerner, et la nature est vraiment incroyable à ce propos. Elle est aussi très différente ici en Europe du Nord par rapport à l’Australie. Les espèces de plantes et animaux sont très différentes en raison du climat, donc je me sens comme un enfant découvrant de nouvelles choses tout le temps. La pochette de l’album est un très bon exemple d’un rivage danois, qui est si particulier à mes yeux, par rapport à toutes les plages de sable jaune parfaites et de petites eaux bleues qu’on trouve en Australie, que j’aime aussi bien sûr.
Si on le compare à tes trois premiers EPs, cet album se dirige plus vers une version modernisée de la synthpop. Ce projet marque-t-il un tournant dans ta carrière en termes de direction artistique ?
Oui, je pense qu’il pourrait l’être. Même si je continuerai à produire des sonorités house underground sur mes disques, que je mixerai ensuite avec de la synth pop. Cela me semble être un bon équilibre, qui garde les deux parties de mon cerveau heureuses, parce que j’aime vraiment la house mais j’adore aussi la pop quand elle est bien faite, par exemple avec les Bee Gees.
Dans une ancienne interview, tu disais à propos de ta musique qu’elle était « toujours en mouvement ». De quelle manière ton style de musique est impacté par le fait que tu grandisses humainement ?
C’est une excellente question. Je pense qu’il est réellement difficile d’y répondre. C’est étrange parce que j’ai fait cet album uniquement avec des synthétiseurs, mais j’ai ressenti un lien plus profond avec la nature. Pour moi, il y a un lien entre les synthés analogiques et la patience. Cela m’a fait réfléchir davantage sur les choix que je fais, notamment pour ce qui est des questions environnementales. Je ne peux pas vraiment expliquer pourquoi, mais cela m’a rendu plus conscient d’avoir moins de choses, de m’assurer que les choses que j’ai sont de bonne qualité et durables.
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