đ€ Rock brut, festivals, musique et genre : l’interview d’Ottis Coeur, duo Ă©tincelant
PrĂ©sent dans pas mal de festivals cet Ă©tĂ©, de Biches Ă Rock en Seine en passant par le MIDI festival, le duo Ottis Coeur trace son chemin. Ă coups de guitares lourdes, de textes carrĂ©s en français et d’harmonies dĂ©vastatrices. « Deux filles qui chantent fort » -ce sont elles qui le disent- pour une Ă©nergie positive et dĂ©vorante. Il y a un potentiel fou dans ce projet, alors Tsugi a tenu Ă leur proposer une interview, entre deux festivals et une tournĂ©e au PĂ©rou (oui). PrĂ©sentations. Â
Bon comment ça s’est passĂ© vos lives aux 24h de lâinsa, Ă Biches Festival, Ă Minuit avant la Nuit ?
Les 24h de lâINSA câĂ©tait un peu⊠inattendu, inespĂ©rĂ©. Le public câest souvent trĂšs âĂ©tudiants dĂ©jĂ bourrĂ©sâ. On ne sâattendait pas Ă avoir un tel accueil, câĂ©tait vraiment blindĂ© ! Personne ne nous connaissait, câest la premiĂšre fois quâon jouait Ă Lyon/Villeurbanne et les gens Ă©taient chauuuuds ! AprĂšs on a fait Biches, ils Ă©taient pas mal du tout. CâĂ©tait trop bien le cadre est cool, les gens aussi… LĂ on a jouĂ© en fin dâaprem, un festival Ă taille humaine câest trĂšs chouette⊠On sâest baladĂ©es un peu dans le festival et on a rencontrĂ© les gens, câĂ©tait hyper accessible. Minuit avant la nuit pareil, bon on est arrivĂ©es un peu tard pour profiter du fest, on a clĂŽturĂ©, aprĂšs nous câĂ©tait fini. On a Ă©tĂ© super bien accueillies, partout d’ailleurs!
Comment est nĂ© le projet Ottis cĆur ? Comment ça sâest montĂ© ?
Camille : En 2019 on sâest rencontrĂ©es avec Margaux, en formation de musique Ă Paris. Margaux mâaimait pas trop au dĂ©but, et puis on a fait des blagues et câĂ©tait parti quoi!
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Margaux : Et puis mars 2020, premier confinement, jâappelle Camille pour savoir ce quâelle fait et elle me dit⊠(On refait la scĂšne pour toi haha)
Camille : … Quâest-ce que tu fais pour le confinement ? Je lui dis que je vais chez mes parents, que je prends tout mon matos de musique. Et je lui dis de venir.
Margaux : « Je te réponds dans une heure, faut que je réfléchisse un peu » et en fait 5 minutes aprÚs je la rappelle en mode « On part à quelle heure demain ? »
Camille : Donc on a dĂ©barquĂ© chez mes parents, on pensait partir deux semaines et on sâest retrouvĂ©es⊠pendant 3 mois. Et puis ce qui Ă©tait cool ; câest quâon avait une piĂšce oĂč on dormait ET oĂč faisait de la musique. En fait on a complĂštement enregistrĂ© lâEP lĂ -bas, avec les moyens du bord, et câĂ©tait trop bien. Une sorte de grande piĂšce dans une maison encore en travaux, donc pas dâeau, pas de chiottes mais yâavait lâĂ©lectricitĂ©.
Vous avez commencĂ© Ă composer directement, ou juste vous avez fait de la musique et Ă force âŠÂ ?
Camille : On est parties dâun morceau, on a chantĂ© sur un titre et quand on a harmonisĂ©, on a fait « woaaaa » et on a enregistrĂ© direct. On a continuĂ© sur la lancĂ©e, on a crĂ©Ă© des titres toutes les deux sans forcĂ©ment penser quâon allait monter un groupe. Et au bout dâun moment on sâest dit « bonâŠÂ »
Margaux : Câest ta mĂšre qui nous disait tout le temps de monter un groupe. En fait câest arrivĂ© trĂšs vite : on est parties le 16, et quand on regarde la date des fichiers du premier enregistrement, c’Ă©tait le 17. On se disait « Bon ben on est lĂ de toute façon, quâestâce quâon fait ? »
De toute façon vous aviez des influences communes ?Â
Oui mĂȘme si souvent, lâune Ă©coute beaucoup de groupes que lâautre ne connait pas, et au final on aime trop. On reste quand mĂȘme dans un style rock, quâon a forcĂ©ment en commun. Pour Ottis CĆur on a beaucoup Ă©coutĂ© les Kills, Feist aussi dans la voiture pour aller en Loire-Atlantique, on Ă©coutĂ©e sa chanson « Pleasure » au moins 15 fois d’affilĂ©e sur le trajet… En fait Ă chaque fois, tu te focalises sur un instrument ou un traitement de son particulier. Je crois que ça a lancĂ© un peu le truc.
Des influences communes ? Des role models ?
Margaux : Camille elle a Francis Cabrel
Camille : Ouais Margaux mâa offert un t-shirt Cabrel
Câest plus en mode vanne, ou yâa un vrai truc ?
Ah non non câest premier degrĂ© ! Moi jâaime bien. [Elles se mettent Ă chanter] « Mon Enfant nue sur les galetsâŠÂ ». [Camille reprend la main] En role models yâen a plein⊠PJ Harvey surtout, Avril Lavigne aussi, d’ailleurs elle revient ! AprĂšs on est trĂšs fan dâAlison Mosshart, tous ses projets. TOUS ses trucs. Jack White aussi, Amyl and the Sniffers⊠On aime leur musique et c’est des sources d’inspiration avec, souvent, des attitudes qui nous plaisent.
Votre EP est sorti fin dâannĂ©e derniĂšre. Pour vous de quoi ça parle, câest quoi lâĂ©nergie commune de lâEP ?
On est vĂ©nĂšres. On ĂTAIT vĂ©nĂšres. CâĂ©tait un exutoire de cette colĂšre et de cette envie de vengeance quâon a eues. Quand on sâest rencontrĂ©es, quand on sâest confinĂ©es, on sâest pas mal racontĂ© nos histoires. Ce qui nous est arrivĂ© dans la musique et personnellement. On sâest rendues compte quâon avait pas mal dâhistoires en commun, qui se rĂ©pondaient. Quand on a composĂ© lâEP, yâavait toutes ces histoires-lĂ qui tournaient encore autour de nous. On les a matĂ©rialisĂ©es pour sâen dĂ©barrasser. Maintenant quand on les chante, câest un peu diffĂ©rent ! Ăa prend une autre dimension.
Vous avez dit plusieurs fois que Ottis Coeur câest « deux filles qui chantent fort ». Le rock en France câest un milieu trustĂ© par des hommes, comment on fait pour sâimposer dans ce milieu en tant que projet 100% fĂ©minin ?
On le fait en Ă©tant sur scĂšne, en Ă©tant nous-mĂȘme. Juste faire des concerts, produire, se rendre visible ! Du coup ça permet dĂ©jĂ de sâimposer dans ce milieu-lĂ , qui en effet est assez masculin. Je dirais que le confinement ca nous a aussi pas mal protĂ©gĂ© de tout ça. Yâavait pas de gens pour nous dire « ah tu devrais tester ça », « tu devrais pas faire comme ça »⊠On a fait notre truc sans vraiment penser Ă une suite, c’Ă©tait spontanĂ© ! Le projet s’est dĂ©veloppĂ©e avec juste une envie de crĂ©er et de faire de la musique. On n’a pas rencontrĂ© dâobstacle immĂ©diatement quoi. Je pense que ca nous a aidĂ©es. AprĂšs quand on fait des concerts, yâa toujours des remarques un peu sexistes quand mĂȘme jâavoue⊠Je crois quâĂ lâĂ©poque on avait fait 10 concerts, et on avait dĂ©jĂ notĂ© dix rĂ©flexions quâon nous avait faites⊠Câest plutĂŽt des gens qui essaient de tâapprendre comment rĂ©gler ton ampli, de te dire quoi faire alors que tu sais trĂšs bien le faire. Tous ces trucs dâinfantilisation de la femme. La femme câest pas ‘juste’ la chanteuse.
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Des trucs qui nous ramĂšnent toujours Ă notre genre quoi, alors quâen fait on fait de la musique, on fait du rock. Mais bon câest aussi important de le revendiquer : tu vois câest un peu la contradiction du truc. Câest important de montrer un peu lâexemple, en tout cas dĂ©jĂ dâĂȘtre sur scĂšne. On va pas nier et dire quâon veut ‘juste’ faire de la musique, on a des trucs Ă dire dâautant plus aujourdâhui.
On mâa parlĂ© du fanzine que vous aviez amenĂ© aux iNOUĂŻS du Printemps de Bourges
Le fanzine câest trĂšs Riot grrrl, lâidĂ©e câest de pouvoir se prĂ©senter Ă travers un support qui a du sens. Le fanzine câest toute une identitĂ© DIY, un peu Ă lâimage de notre musique et de notre premier EP. Tout a Ă©tĂ© fait Ă la maison, avec des contraintes techniques et matĂ©rielles. Le fanzine, pour moi câest vraiment lâobjet parallĂšle qui fait Ă©cho Ă notre musique, câest cohĂ©rent et ça a du sens pour nous.
Avec les Transmusicales, vous avez pu donner des lives devant des enfants, des Ă©lĂšves de primaire et collĂšge⊠Comment ça sâest fait et comment ça sâest passĂ© ?
Yâa eu deux jours de concerts. Le premier câĂ©tait avec une classe de primaire avec des petits de 7 ans et le deuxiĂšme, des collĂ©giens genre 4Ăšme. Pendant le concert ils connaissaient les chansons par cĆur, ils chantent, ils crient câĂ©tait fou. [La preuve en images ci-dessous] Ils avaient Ă©coutĂ© nos chansons sur Internet, sur Youtube. Et aprĂšs le live, les Ă©changes avec eux Ă©taient⊠trop mignons. Surtout une petite, qui au dĂ©but avait du mal Ă parler parce quâelle Ă©tait hyper timide, qui nous a dit Ă la fin « vous nous donnez de la force, je comptais monter un groupe et aujourdâhui vous nous avez inspirĂ©s » et lĂ on sâest mises Ă pleurer sur scĂšne. Quand ça sort de la bouche dâun enfant tu sais que câest hyper sincĂšre, et tu te prends ça en pleine tĂȘte.
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Un dĂ©clic qui se crĂ©e. C’est la rĂ©elle motivation Ă faire ce que tu fais, Ă faire de la musique. Tu te dis que rien que le fait dâĂȘtre sur scĂšne, de chanter des chansons, dâĂȘtre nous, ça donne envie Ă des gosses de faire la mĂȘme chose.
– Et des filles en plus tu vois donc⊠CâĂ©tait hyper fort. Deux jours dâĂ©motions intenses !
Jâimagine quâen plus Ă cet Ăąge-lĂ , pour la plupart câest leur premier concert ?
Ouais ! Yâen a qui ont dit « câest trop fort ! » niveau volume, dâautres Ă qui on donne de la force pour monter des groupes, donc l’un dans l’autre on est bien haha.
C’est quoi cette histoire de tournĂ©e au PĂ©rou ?
Câest grĂące Ă lâaccompagnement du FAIR [dispositif de soutien et accompagnement d’artistes pour leur dĂ©but de carriĂšre]. Eux sont en lien avec lâInstitut français qui, chaque annĂ©e, dĂ©voile leurs nouveaux laurĂ©ats et laurĂ©ates. Et je sais pas, notre nom a dĂ» circuler, le PĂ©rou nous a envoyĂ© un mail par lâAlliance française. Ils nous ont dit « on aimerait bien proposer une petite tournĂ©e Ottis CĆur, 3 dates⊠« donc on a rĂ©pondu non tout de suite haha. [Ceci est une blague]
GĂ©nial, vous jouez dans quels lieux ?
Câest lâAlliance française, aprĂšs yâa une place Ă Arequipa⊠Câest un truc oĂč tous les ans Ă cette pĂ©riode, les Alliances françaises de tous les pays essaient dâexporter la FĂȘte de la musique. Donc lĂ on est sur une place, yâa plusieurs concerts de groupes locaux, et nous !
Le FAIR, ça sâest passĂ© comment ?
Pour ceux qui connaissent pas câest un systĂšme dâaccompagnement, qui te suit pendant un an. Et en fait mĂȘme plus qu’un, parce que quand tu quittes le FAIR, tu peux toujours ĂȘtre en contact avec eux et leur demander plein dâinfos ! Ils conseillent, ils sont toujours lĂ . Et aprĂšs ça nous offre Ă©normĂ©ment de choses possibles : par exemple on a fait des formations oĂč on sâest informĂ©es sur des aspects comptabilitĂ©, contrats, plein de choses comme ça. On a gagnĂ© en visibilitĂ© parce quâils ont un rĂ©seau de fou, et une aide financiĂšre aussi. Ils nous aident Ă dĂ©velopper notre deuxiĂšme EP [ne serait-ce pas une exclu pour Tsugi?]. On a aussi fait une capta’ qui va nous servir pour avoir une belle vidĂ©o live⊠Ils aident vraiment le projet.
Bon alors ce deuxiÚme EP en préparation, vous avez des dates, quelques infos ?
Le deuxiĂšme EP prĂ©vu pour en janvier-fĂ©vrier 2023! Avec des petits singles qui seront parsemĂ©s jusque-lĂ . Peut ĂȘtre bientĂŽt. On sait pas.
Vous avez repris du Eddy Mitchell jâai vu, avec Dominique Blanc-Franquart, câĂ©tait dans quel cadre ? Pourquoi cette reprise ?Â
En fait on travaille avec BĂ©nĂ©dicte Schmitt et Dominique Blanc-Franquart, qui masterisent les titres. Et ca lui faisait vachement plaisir de nous avoir sur la rĂ©Ă©dition de son album, et du coup on a dit oui tout simplement. On a fait la petite expĂ©rience avec eux, câĂ©tait trop cool !
Cet album-lĂ il est mixĂ© en Dolby Atmos, câest une sorte de technique rĂ©cente au niveau du son. Et quand tu lâĂ©coutes avec le bon systĂšme son, qui est pas encore trĂšs rĂ©pandu, tâas lâimpression dâĂȘtre dans le studio avec les artistes ! Avec 11 ou 13 enceintes autour de toi, au niveau de la spatialisation câest novateur.
Les prochaines échéances pour vous ?
Rock en Seine ça va ĂȘtre trop chouette on a vraiment hĂąte ! AprĂšs yâa pas mal d’Ă©vĂ©nements et de festivals, on a par exemple le MIDI festival en juillet, la Guinguette du Moloco… Venez venez, on a hĂąte de vous voir !
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Ăcoutez Ottis Coeur et retrouvez-les sur scĂšne, et courez les voir en live. Promis, ça vaut vraiment -vraiment- le coup.