Rhum et reggaeton le cocktail cubain par excellence
Invités à La Havane par la marque de rhum Havana Club pour assister notamment à un prestigieux concours international de cocktails (le Grand Prix Havana Club), nous avons profité de notre séjour dans la capitale cubaine pour nous frotter à un club de reggaeton, le Salon Rojo. Caliente, évidemment.
Jorge, notre contact à Cuba, m’avait prévenu. « Lorsque tu vas rentrer, tu vas “illuminer“ la boîte. Un peu comme si tu avais une lumière au-dessus de toi. Je ne plaisante pas. » Il ne plaisantait pas. Après avoir donné quelques pesos de plus au portier pour qu’il laisse passer mon collègue et son bermuda, notre entrée au Salon Rojo nous laissa entrevoir ce que peut ressentir une fille canon lorsqu’elle débarque dans une boîte composée à 70% d’hommes ivres sur les coups de 4 heures du matin. Quasiment toutes les pairs d’yeux féminines du club – plus de la moitié de la clientèle, facile – se braquèrent vers nous.
Ceci étant dit, ce ne fût pas « l’enfer » promis par Jorge – « Elles ne vont pas vous lâcher ! Si tu veux être tranquille, dis-leur que tu es du parti communiste », nous avait-il mis en garde. Un refus poli à leurs invitations suffit en réalité à réfréner leurs ardeurs. Autour de nous, des Cubains – sans doute des privilégiés –, beaucoup de Mexicains, quelques Brésiliens et des Colombiens venus en bande se montraient moins distants, installés dans des boxes surélevés vers qui gravitaient les filles et les bouteilles de Havana 7. Se souciaient-ils seulement du concert à venir ? Difficile à dire.
Car en dépit de son nom et de la première impression qu’il peut laisser, le Salon Rojo est une petite institution havanaise réputée pour sa programmation musicale. Situé en contrebas de l’hôtel Capri, un établissement construit par la mafia américaine en 1957, le club a ouvert ses portes en 1961 dans ce qui était l’ancien casino de l’hôtel, laissé à l’abandon après l’arrivée de Castro. Depuis, du mambo à la salsa, en passant par le cha-cha-cha, quelques uns des meilleurs musiciens locaux s’y sont produits.
Aujourd’hui, évidemment, comme partout ailleurs sur l’île, c’est le reggaeton qui domine. Deux figures du genre doivent se produire ce soir : Jacob Forever, ancien membre du groupe Gente D Zona, accompagné d’El Dany. Pour patienter, le DJ résident joue un reggaeton lourd et traînant qui sied à merveille avec l’atmosphère sexuelle des lieux. La température monte encore d’un cran lorsqu’il lance un concours de twerk. Quatre filles – Touristes ? Clientes lambda ? On ne sait plus bien, elles sont toutes habillées super moulant – montent sur scène et soumettent leurs danses fessières à l’applaudimètre. La gagnante repartira avec un seau rempli de bouteilles de bière.
Vers une heure du matin, quand le concert débute enfin, une partie des filles occupées à déambuler autour du bar se presse vers la piste. Jacob Forever et El Dany déboulent habillés à la mode des Cubains de Miami, un peu bling. Ce qui l’est moins, c’est ce numéro de téléphone qui s’affiche en grand sur l’écran pendant presque la totalité du concert, indiquant où appeler pour booker le duo. Il faut bien gagner sa croute. Derrière eux, deux go-go et six musiciens, qui donnent à leur reggaeton une connotation plus douce, le rapprochant de la musique traditionnelle cubaine.
Une heure plus tard, estimant avoir bu un peu trop de mojitos – à deux euros le cocktail, pour un Français, c’est fête – nous décidons de rentrer. Au moment de filer, une fille tente de nous convaincre de la ramener à l’hôtel. Essayant sans doute de nous attendrir, elle me glisse cette remarque au demeurant fort pertinente : « Toi, tu visites mon pays, mais moi, je ne pourrai jamais visiter le tien. »
Quelques minutes après, le taxi qui nous ramène à l’hôtel, une antique Lada qui tremble de partout, roule à tombeau ouvert sur le Malecon, la grande promenade qui longe la côte. On peut encore apercevoir des groupes de jeunes gens en train de siffler des bières. Ceux qui ne rentrent jamais en boîte. La majorité. (Gérome Darmendrail)