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7 juin 2022

Renaissance sous le déluge : quand We Love Green 2022 devient We Love Rain

par Juliette Soudarin

We Love Green post-covid ça donne quoi ? C’est d’abord beaucoup de meufs qui nous ont fait vibrer, de la fête et puis surtout beaucoup de pluie et de gadoue. Enfilez vos bottes et vos K-way, on part en live report.

Deux ans de silence pour cause de pandémie mondiale, c’en était assez. Il fallait retrouver l’allégresse, la transpi, le partage et l’amour de la musique. Ce week-end le Bois de Vincennes ne s’est plus tu, il a vibré avec We Love Green. Une nouvelle édition joyeuse mais surtout très, très, très pluvieuse, poussant les organisateur•trices à annuler la soirée du samedi et au passage les très attendus Phoenix et Laylow.

Pourtant, tout avait bien commencé en ce jeudi d’ouverture. L’atmosphère était chaude et le ciel avait des couleurs de sex on the beach. Sur la grande scène de la Prairie, l’Argentine Nathy Peluso faisait tanguer nos hanches et nos coeurs, tandis que Jorja Smith nous enveloppait de sa soul et de sa voix d’or sous le chapiteau de la Clairière. Plus tard dans la soirée, Damon Albarn, habillé en livreur de pizza en veste rose, nous offrait le show de la soirée. Un enchaînement des tubes de Gorillaz – « On Melancholy Hill », « 19-2000 », « Pirate Jet » – et d’invités. La Malienne Fatoumata Diawara en featuring sur « Désolé » est apparue pour chanter le titre aux côtés d’Albarn, et étaler toute sa classe par la même occasion. Un moment de pure exultation. Peu après, ce sont les artistes Bootie Brown et Pos qui sont montés sur scène pour interpréter respectivement « Stylo », « Dirty Harry » et « Superfast Jellyfish », et un « Feel Good Inc. » en version ragga. Déroutant, mais parfait pour libérer les corps. Sur le fameux « Rhinestone Eyes » devenu une tendance TikTok, notre livreur de pizza rose a rejoint le public. Les mains vers le ciel, Damon Albarn lance la rengaine entêtante que la foule remplie de Gen Z connaît bien et s’impatiente de s’égosiller : à coups de « tu-tu-tu-tu ».

We Love Pluie

C’est le lendemain vers 18h, en plein show « incroyable » de SCH, que le Coachella français a pris des allures de Fyre festival. Même si là, l’orga a su réagir. Alors que le tube « Bande organisée » résonnait sous le chapiteau de la scène de la Clairière, les festivalier•es qui n’avaient pas la chance de sauter en rythme sur l’hymne de la France, cherchaient un endroit où s’abriter. Une heure plus tard, les quelques 40 000 participant•es pataugeaient dans les petits torrents boueux qui s’étaient formés sur le long chemin menant au festival.

Si vous avez en tête les images glamours d’Alexa Chung et Alex Turner en bottes de pluie main dans la main à Glastonburry, oubliez-les. Ce n’était rien de tout cela. C’était plutôt ambiance chiens mouillés et épreuve foireuse de Koh-Lanta. Evidemment c’est à peine le domaine quitté, que le soleil a décidé de re-pointer le bout de son nez. Les chanceux•ses encore présent•es sur place ont alors eu l’opportunité d’assister à une interprétation guitare-voix intimiste de « La Grenade » par Clara Luciani. Le dimanche matin on était tremblant•es, encore traumatisé•es par cette évacuation forcée. « L’orage est prévu pour quand ? » , « ils vont annuler » , « PNL sur la scène de La Prairie, on peut être sûr que c’est mort », peut-on lire çà et là, dans les groupes de discussion pour organiser entre potes ce week-end de festival. Heureusement, l’orage ne s’est pas arrêté au dessus du Bois de Vincennes comme la veille. Et seulement quelques averses ont surpris – ou agrémenté selon les perspectives – les sets de Arlo Parks, Wet Leg, Angèle et Slowthai. Pas de quoi annuler ce dernier jour de We Love Green donc, mais des saucées suffisamment importantes pour transformer ce grand espace vert en un gigantesque ventre-glisse boueux.

Merci les meufs !

Malgré la pluie, on a tout de même vu des belles choses. Déjà du côté des meufs qui ont transcendé cette édition post-covid. Samedi avant que l’orage ne gronde, Amaarae a surpris la foule en venant accompagnée d’un ensemble guitare, basse, batterie très rock pour interpréter sa pop r&b. Ainsi son hit très sensuel « Fancy » s’est métamorphosé en un slogan agressif que l’on hurle. De son côté Lous and The Yakuza a fait twerker nos boules et mouiller nos yeux en enchainant les bops r&b et les ballades où le texte nous prend aux tripes. Sur le titre « Amigo » Lous a été rejointe sur scène par ses deux soeurs pour danser ensemble. Tout d’un coup le show avait un air de grande fête familiale.

Lous and The Yakuza We Love Green

Lous and The Yakuza © HP

Dimanche, le bal des reines ne s’est pas arrêté, il s’est accéléré même : Ibeyi, Arlo Parks, Wet Leg, Juliette Armanet, Shy Girl, Angèle. On a ainsi découvert ce que le mot sororité signifie réellement avec le show d’Ibeyi. Les soeurs jumelles se sont épaulées tour à tour. Lisa-Kaindé était leadeuse de la prestation, Naomi ayant une extinction de voix. Mais la fragilité de ses cordes vocales n’a pa empêché Naomi de soutenir sa soeur.

Arlo Parks a quant à elle enchanté l’audience par son chant de velours qui tranche avec sa gestuelle de rappeuse. La Londonienne était à moitié courbée, fermait les yeux et balançait son bras gauche, quand elle soufflait sa soul au public. Au même moment de l’autre coté du bois, les filles de Wet Leg tentait d’embarquer un drôle de public dans leur univers indie rock. Devant elles étaient entassés des fans d’Angèle et PNL qui patientaient pour voir leurs artistes préférés fouler la grande scène quelques heures après. Quelque chose de magique est alors arrivé : la pluie (peut-être le seul moment où celle-ci a été appréciée). Et, nous avions définitivement « les jambes humides ».

Sous la tente de Lalaland, le public le plus branché de Paris (à savoir girls and gays) s’est rassemblé pour sauter au rythme de l’hyperpop de Shygirl. Si certain•es appréhendaient son set en raison de sa prestation jugée ratée au Pitchfork festival, rapidement Shygirl a mis tout le monde d’accord. Robe Marine Serre, wig multicolore et canons à étincelles, la chanteuse était tout sauf timide. En parallèle, sous le chapiteau de la Clairière un autre public s’essouffle. Celui de « la boule disco vivante Juliette Armanet », comme l’a décrite l’une de ses fans. Toute de paillettes vêtue, la chanteuse n’est plus sur scène elle est sur un ring. Un ring d’amour. Sa prestation est si intense que son heure de set semble avoir duré seulement deux minutes. Enfin, Angèle, a rendu la foule invincible à la pluie. Pendant une vingtaine de minutes, il a plu à verse, le ciel grondant même. Mais les fans sont resté•es stoïques, mêmes celles et ceux sans parapluie et k-way. Tous•tes étaient près à chanter les paroles des tubes de la star belge. Et puis soudain, au moment de « Ta reine », le soleil est revenu. Un message que chacun•e est libre d’interpréter comme il ou elle le souhaite…

Que du love

Des hommes se sont eux aussi démarqués de la programmation éclectique de We Love Green.  On a adoré l’ambiance troisième mi-temps de match de foot du set de Slowthai. Mention spéciale à Najwa, une fan qui a été invitée sur scène par l’artiste pour rapper à ses côtés. On ne peut pas non plus passer à côté du show peace n’ love du duo PNL. Si vous vous sentiez en manque d’amour et un peu seul, on peut vous assurer qu’après leur concert, nos coeurs débordaient d’amour. Entre chaque titre les deux frères s’arrêtaient pour scander de tendres et doux messages : « Regardez la lune, pensez à ceux que vous aimez ! ». Enfin, cette édition s’est clôturée sur une note de fête. Quand certain•es rentraient en état second et perdaient l’usage de leurs jambes sur le set enflammé du duo électro Disclosure, d’autres partageaient – littéralement  – une fin de banquet espagnol avec C. Tangana. L’artiste Madrilène avait ramené sur scène, table, et alcools mais aussi, et avant tout, guitaristes, chanteur•ses et percussionnistes de flamenco. Le temps d’un instant nous n’étions plus à Paris, nous étions transporté•es de l’autre côté des Pyrénées. Une performance cinématographique.

Meilleur moment : le show son et image de Gorillaz.

Ce que l’on a aimé également : le stand-up qui s’invite en festival. Chaque édition de WLG mêle musique et conférences, cette année pour la première fois, l’humour était également présent. Une innovation qui permet aux non-initiés de découvrir l’univers du stand-up au détour d’un concert.

Pire moment : la pluie et la gadoue, sans Petula Clark.

 

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