Une raretĂ©. On ne compte mĂŞme pas sur les doigts d’une seule main les labels français en activitĂ© Ă pouvoir prĂ©tendre remplir les pages d’un supplĂ©ment de Tsugi qui leur serait entièrement consacrĂ©. C’est dire la performance d’InFinĂ© qui, depuis sa fondation en 2006, ressemble Ă un vaste laboratoire passionnant dressant des ponts entre les genres. Voici quatre artistes qui prouvent que le label a encore de (très) beaux jours devant lui.Â
Article issu du supplĂ©ment InfinĂ© : 15 ans d’un label durable, Ă retrouver Ă l’intĂ©rieur du Tsugi 146 : Ascendant Vierge, gĂ©nĂ©ration dĂ©senchantĂ©e, disponible maintenant en kiosque et Ă la commande en ligne.
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O’oÂ
Un corps élancé, un bec fin, une longue queue noire et blanche, et d’élégantes houppes jaunes jaillissant des flancs comme quatre petites nageoires : le O’o était un joli oiseau d’Hawaï, dont on a entendu le dernier spécimen chanter dans les années 1980, appelant une éventuelle compagne… Sans réponse. Aujourd’hui, son ramage revit au travers des synthés et effets de voix de ce duo de Français basés à Barcelone, Victoria Suter et Mathieu Daubigné, auteurs d’un mélancolique et fascinant premier EP electronica en 2018 (Spells). Six titres – en attendant un premier album prévu en 2022 – où le chant est envisagé comme un instrument, parfois largement déformé, comme peuvent souvent le faire James Blake, la marraine des expérimentations vocales Laurie Anderson… Ou un oiseau qui se sent seul.
Fun, Ă©lectronique, chantĂ©e… La pop du duo de Brooklyn Bottler est aussi ludique qu’elle est inclassable, passant sans complexe de chansons bubblegum (sucrĂ©es, et qui restent dans le crâne comme un Malabar Ă la semelle) Ă de l’indiedance faussement bordĂ©lique, l’inspiration des voisins LCD Soundsystem n’étant jamais loin. Après deux EPs, sortis par InFinĂ© en 2020 et mixĂ©s par son camarade de label Cubenx qui s’était chargĂ© de faire les prĂ©sentations, Bottler prĂ©pare un premier album attendu l’annĂ©e prochaine. De la pop aux idĂ©es larges et dopĂ©e Ă la vitamine C : c’est peut-ĂŞtre ce qu’on se souhaite de mieux pour 2022.Â
Cindy Pooch, avec son timbre suave, caressant, chaleureux, entendu dans de nombreux projets blues, trip-hop, jazz, funk, maloya ou caracolant sur les productions disco de Bruno « Patchworks » Hovart sous son alias Mr President, est l’une des toutes dernières artistes Ă avoir Ă©tĂ© accueillie dans la famille InFinĂ©. Une Ă©vidence : autodidacte, curieuse, la chanteuse qui a passĂ© son enfance au Cameroun nourrit sa musique de gospel, de musiques africaines, noires amĂ©ricaines, caribĂ©ennes, de cuivres comme de machines, de ballades comme de grandes jams endiablĂ©es. De quoi abattre toujours plus de murs, une vibe Ă la fois.Â
Il y a des chansons qui marquent, libèrent l’imaginaire, invoquent un univers, font tomber raide dingue d’un groupe. « That Itch » d’UTO en est une. Une épopée qui transporte l’auditeur dans la cabane d’une sorcière en pleine forêt, où les synthés d’Émile Larroche (souvenez-vous, Saint Michel) cohabitent avec les chaudrons de la chanteuse et autrice Neysa May Barnett. Alors peut-être qu’on va un peu loin dans l’évocation, mais la pop de ce duo, en couple à la scène comme à la ville, sent effectivement le soufre, les cartes de tarot usées par le temps, et le trip-hop qui a bercé son adolescence dans les années 1990. Évidemment, il n’y a pas que « That Itch » dans le répertoire d’UTO, artisan de deux EPs épatants en 2017 et 2019. Le sortilège suivant sera lancé en 2022, avec la complicité de ses maisons InFiné et Pain Surprises.
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