Presse musicale en France : le CNM fait l’état des lieux
Alors que la presse musicale se bat pour exister et se faire reconnaître comme un acteur essentiel de la diversité culturelle, le Centre National de la Musique (CNM) publie un panorama socio-économique des magazines encore existant en France et dresse un constat alarmant.
Ce n’est plus un secret pour personne, la presse musicale est en difficulté et ça ne va pas en s’arrangeant. À l’initiative du Collectif des éditeurs de la presse musicale (CEPM), le CNM vient de publier pour la première fois un panorama de la situation socio-économique des titres musicaux de presse écrite diffusés en France en 2021/2022. Comme le montre l’étude du CNM, la presse musicale, dont le rôle reste essentiel pour le repérage et le décryptage des courants et des talents de demain, reste néanmoins majoritairement une affaire d’entrepreneurs indépendants passionnés, mais disposant de moyens de plus en plus limités. À la différence de ce qui se passe chez nos voisins anglais et allemands, où les rares titres encore existants ont pour la plupart été rachetés par des groupes de média plus puissants.
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Crise structurelle et conjoncture défavorable
En d’autres termes : la presse musicale française est en situation de survie économique dans un contexte où le secteur de la presse écrite connaît une chute progressive. Son chiffre d’affaires a reculé de 34 % entre 2009 et 2019. L’une des premières raisons à cette crise tient à la baisse des ventes et aux usages numériques qui sont venus concurrencer l’achat de magazines. Ajoutez à cela l’effondrement des revenus publicitaires aspirés par les réseaux sociaux des GAFAM, la crise sanitaire liée au Covid-19 et le contexte d’inflation du prix des matières premières qui a considérablement fragilisé le secteur de la presse culturelle, qui peinait déjà à survivre. Selon l’étude du CNM, la presse musicale est plus en difficulté que les autres types de presse spécialisée culturelle : « Les chiffres du ministère de la Culture montrent que les titres de presse hi-fi/musique observent entre 2016 et 2018 une chute de 27 % du chiffre d’affaires des ventes de magazine contre 5 % pour la catégorie cinéma/vidéo. »
La distribution du format physique dans les kiosques souffre aussi de problème d’exposition : « Nous subissons de manière permanente une réduction de notre surface d’exposition en kiosque, là où il s’agit pourtant d’un achat d’impulsion », regrette Edouard Rencker (Jazz Magazine) qui pointe à la fois la fermeture des lieux et la réduction des mètres linéaires dédiés aux magazines : « Dans certains kiosques, nos médias sont cachés derrière des gadgets et des couches de confiserie, et les petits Relay en aéroports n’ont souvent plus de sous-segment musique/culture dans leur rayonnage. »
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« Voulons-nous une société avec ou sans presse culturelle ? »
Les ventes à l’acte diminuent, en revanche celles à l’abonnement restent stables et représentent un tiers des revenus de vente en 2020. De nombreux titres se demandent quel format de parution adopter ? Certains magazines comme Magic RPM, sortent des kiosques et mutent pour devenir un cahier hebdomadaire de 16 pages et un mook (contraction de magazine et book) trimestriel de 180 pages, alors que d’autres, comme La lettre du musicien, qui perdait 20 % de son lectorat chaque année, ont développé une stratégie digitale afin de toucher un public plus large et plus jeune. D’autres encore, comme Tsugi ont choisi la diversification en créant une webradio (Tsugi Radio), en gérant une salle de concert ou en produisant des contenus pour d’autres.
Mais pour la survie du secteur, il est désormais nécessaire que les pouvoirs publics agissent. Si l’État a soutenu en 2021 la presse à hauteur de 91 millions d’euros, ces aides publiques vont exclusivement à la presse dite IPG, celle d’information politique et générale (les quotidiens, les news magazine…). Faire reconnaître l’intérêt général de la presse culturelle (musicale, cinématographique…) pour qu’elle puisse elle aussi bénéficier d’aide est d’ailleurs un des principaux combats du CEPM.
« Nous souhaitons qu’une réflexion soit menée autour des aides et des critères IPG. Ils ne sont plus en adéquation avec la réalité de la presse écrite, avec des titres suraidés et d’autres qui tentent de survivre alors qu’ils sont un relais avec le public et qu’ils jouent un rôle essentiel dans le maintien d’une réelle diversité culturelle. Nous sommes face à un choix de société. », conclut Alexis Bernier, le directeur de publication de Tsugi.