Portraits croisés : Black Yaya vs Tahiti Boy
David Ivar s’évade d’Herman Dune pour son projet solo Black Yaya là où David Sztanke réunit une nouvelle fois sa petite famille pour Songs Of Vertigo. David contre David, portraits croisés.
Black Yaya, en solitaire
Il enregistre tous les instruments seul, mais pour Black Yaya, ce projet c’est quand même “un peu les vacances”, nous confie l’évadé temporaire (?) d’Herman Dune, la voix calme, presque flegmatique. Temporaire avec un “?”, parce que David ivar ne sait pas si cette coupure est vouée à l’être, temporaire : “C’est ce que je fais pour l’instant. Je veux être tout seul sous la forme du nom”, explique celui qu’on appellera désormais Black Yaya, et qu’on avait découvert sous cet alias en 2013 grâce au single “Paint a Smile On me”, enregistré chez Yuksek. Enfin, n’oublions pas qu’il y a un peu plus de dix ans, le bonhomme barbu sortait un album intitulé Ya Ya : “J’aime bien qu’on me parle de ce disque parce que très peu de gens s’en souviennent. Mais j’avoue que je n’y avais pas pensé du tout.”
Et s’il n’avait pas été musicien ?
Entre divers pseudos et projets parallèles, le personnage semble une énigme, hors du temps, presque fuyant. Depuis le premier album officiel d’Herman Dune il y a quinze ans, on a vu David Ivar arpenter toutes sortes de scènes, des open mic à l’Olympia. C’est aussi un dessinateur merveilleux, dont on peut découvrir les comics et les étranges créatures sur les pochettes de ses disques notamment. Quand on lui suggère l’impensable, soit imaginer sa vie sans musique, son visage se renfrogne et il répond d’emblée, l’air grave : “J’aurais été très malheureux. J’ai toujours voulu composer de la musique et la jouer sur scène. Pour mes 13 ans on m’avait offert une cassette vidéo de la tournée de Tom Petty et Bob Dylan. Je la regardais en boucle. C’est ce que je voulais faire.”
Après l’effort, le réconfort
L’équation Black Yaya possède tout de même son dénominateur commun, et il prend sa source aux origines de notre bonne vieille planète Terre: l’eau. “Je suis tous les jours dans l’eau. Aux États-Unis c’est l’océan, à Paris je fais de la natation tous les jours. Soit je nage, soit je prends les vagues”, explique David ivar, que les simples pensées aquatiques semblent apaiser. un apaisement que le Français est allé chercher du côté de la Californie, au plus près du Pacifique, pour enregistrer ce nouvel album. un élément que l’on retrouve partout dans ce nouvel album qui suggère le ressac de l’océan à chaque refrain, du va-et-vient lascif des vagues sur la superbe comptine folk “Save Them little Children” à une houle plus endiablée (“Vigilante”).
Tahiti Boy en famille
Il se prénomme aussi David, mais au contraire d’Ivar, Sztanke a convoqué sa petite famille (la Palmtree Family) pour composer Songs Of Vertigo: “C’est comme dans le dessin animé Mask, ils avaient leurs occupations et quand le boss avait besoin d’eux il faisait sonner leurs montres et ils arrivaient tous. C’est un peu le même principe : je fais un texto et tout le monde se rassemble”, explique David Sztanke, alias Tahiti Boy à propos de son “crew”, dont les membres viennent de tous les côtés (on y retrouve un peu Jamaica, un peu La Femme, un peu Frànçois & The Atlas Mountains, un peu Rover) pour former le rêve de toujours de David : “À 16 ans, on m’a offert la réédition du live de Woodstock. C’est comme ça que j’ai découvert Sly&The Family Stone, ça a été révolutionnaire, je ne m’en suis jamais vraiment remis. Depuis, j’ai toujours rêvé d’avoir un groupe avec ‘& The” dans le nom.”
Et s’il n’avait pas été musicien ?
Ce deuxième album en sept ans, Songs Of Vertigo, prêche aussi bien du côté d’une pop enjouée (“Big Sur”), d’un esprit funk (“All That You Are”) que d’un étonnant alliage entre sonorités tribales et chant de Noël (“Where’s Your Soul ?”). Un album protéiforme pour un chef de gang qui aurait voulu faire “plein de choses” si cette cassette de Woodstock n’était pas tombée entre ses mains. Même s’il se considérait comme “nul en maths et en sciences”, il se serait bien vu chirurgien. Mais plus proche du rayon du “possible”, le chef d’orchestre de la Palmtree Family aurait voulu faire du journalisme: “J’ai écrit pour des fanzines quand j’étais plus jeune, notamment à propos de littérature. Je me souviens d’un papier sur Houellebecq. J’avais tenté le concours d’entrée du Celsa. J’aurais aimé être journaliste, pas pour parler de musique, plutôt de politique, de sport…”
Après l’effort, le réconfort
Quand Ivar, le solitaire, se relaxe dans les vagues, Sztanke, le familial, ne plonge pas la tête sous l’eau, il garde un œil ouvert sur le monde qui l’entoure : “Je suis très curieux : je lis le journal tous les jours, je me documente beaucoup. Je regarde aussi pas mal de séries. Il y a peu je me suis même mis à la cuisine, j’ai découvert il y a un an que j’adorais ça.” Et quand il n’est pas avec sa Family dans son studio parisien, David aime surtout se retrouver avec ses “autres” familles : parler de tout et de rien avec son meilleur ami, professeur d’économie, ou partager quelques moments avec son petit garçon qui le “détend beaucoup”. La famille, toujours la famille…
Article extrait de notre magazine numéro 80.