🌿 Plus verte la free : comment faire une teuf écolo ?
Comment faire une teuf écolo ? Si la conscience écologique semble largement partagée dans le mouvement des free parties, l’attention à l’environnement reste variable d’une teuf à l’autre. L’impact nul n’existant pas, le plus important reste encore de savoir trouver le bon lieu.
Les années passent, l’image reste. Après plus de trente ans, les raves ont toujours mauvaise presse. Et aux reproches habituels de nuisance sonore ou de dégradation de lieux s’en ajoute un, plus contemporain : les free parties menacent la biodiversité locale. Un reproche légitime ? C’est notamment ce que semble suggérer un communiqué publié le 27 juillet 2021 par les associations Bretagne Vivante et le Parc Naturel Régional d’Armorique. En plein été et avec le recul de la pandémie, la fête battait son plein en Bretagne. Y compris dans des lieux protégés, comme les bords du lac de Brennilis dans le Finistère, où nichent « les dernières populations de la région de courlis cendrés, de busards Saint-Martin ou encore de busards cendrés ». Des espèces menacées, et dont la nidification au sol a été dérangée par des fêtes répétées, soulignent les associations. Celles-ci « demandent conjointement à l’État de prendre les mesures qui s’imposent ». Un ton dur, tempéré lorsque nous contactons l’association Bretagne Vivante : « On n’a rien contre les gens qui viennent taper du pied en rave party, mais c’est toujours frustrant de voir des efforts de plusieurs années effondrés en un week-end. » Avant de poursuivre: « Notre but n’est pas tant de montrer du doigt les raves, mais de dire que la fréquentation de sites protégés a un impact. » Cela n’empêche pas l’association d’attendre des organisateurs de free parties qu’ils prennent leurs responsabilités : « La plupart sont du secteur, ils savent que ce sont des sites protégés. »
Nettoyer, encore et encore
Repris par l’AFP, ce communiqué n’a pas manqué de faire réagir les médias locaux. Mais cette stigmatisation facile, à laquelle les teufeurs sont habitués, n’atténue pas le fond de cette critique. Robin DK, organisateur de free depuis cinq ans, l’assure: « Il ne faut surtout pas entrer dans le face-à -face avec les associations écologistes, parce qu’on défend les mêmes idées. » Pour lui, la conscience écologique est forte parmi les teufeurs. Il y a, forcément, toujours un impact, mais selon lui, « s’il y a quelqu’un à blâmer, ce ne sont ni les teufeurs ni ces assos, mais le fait qu’il n’y a pas assez de lieux pour faire des fêtes en toute sécurité ». Il estime également que ces critiques restent marginales « par rapport au nombre de fêtes qui se tiennent à l’année en France ». La bonne volonté des participants ne fait aucun doute à ses yeux. Il en veut notamment pour preuve cette règle ancestrale de « laisser le site encore plus propre qu’en arrivant ». Certes, elle existe également pour des questions d’image, notamment auprès des propriétaires des lieux. Il n’empêche que cet état d’esprit est connu de tous, y compris de l’association Bretagne Vivante, qui estime ainsi : « Si on peut mettre des sacs-poubelles partout, on peut probablement donner d’autres consignes », plus poussées.
« Il y a une envie de limiter l’impact sur l’environnement, mais il y a avant ça la volonté d’éviter d’être saisi »
C’est au fond ce que pense également la jeune association Unisonord, active sur la prévention des risques en teuf (sur le modèle de l’historique Techno+). L’organisme sensibilise tant sur l’usage de drogues ou les violences sexuelles que l’environnement. Ainsi, le 25 juin, elle organisait une journée de nettoyage des terrils (ces collines de charbons nées des mines, considérées comme patrimoine local) d’Hénin-Beaumont, régulièrement salis par les passants. « On stocke notre matériel pas loin, explique Antonio, secrétaire général, donc ça nous semblait naturel de faire cet évènement. » La journée a réuni une centaine de personnes pour ramasser, en musique, environ 150 kilos de déchets. Fuir les sites protégés L’association Unisonord tente de prolonger cette mentalité dans ses fêtes, par la distribution de sacs-poubelles, l’installation de cendriers, et surtout une grande attention au site choisi. « On utilise Géoportail, une carte en ligne indiquant tous les sites protégés de France, qu’on élimine ainsi d’emblée », quitte à repousser une fête le temps de trouver un lieu propice. Antonio regrette que tout le monde ne fasse pas ces efforts. « Il faut bien comprendre qu’il y a énormément de sound systems en France, de tailles très diverses », et avec plus ou moins d’expérience dans l’organisation. Un constat partagé par Robin, qui insiste sur l’importance de « la communication entre nous, la transmission d’informations, la formation ». L’association Bretagne Vivante abonde : « Ça ne coûte rien de se renseigner, et les associations locales sont aussi là pour ça. »
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Mais au-delà des limites internes au mouvement, ce type de bonne volonté subit un important frein: la répression policière. « Il y a une envie de limiter l’impact environnemental, mais il y a avant ça la volonté d’éviter d’être saisi », explique Robin. Car si organiser une teuf sur un site protégé peut donner lieu à une forte amende, celle-ci pèse bien peu face à la perte de matériel, voire les violences graves comme à Redon ou Nantes. Pour Robin, « si la répression cessait, les organisateurs pourraient mieux se préoccuper du choix du lieu ». Un souci également bien compris par l’association Bretagne Vivante, qui souhaite surtout « que les organisateurs puissent avoir des lieux vraiment adaptés ». Robin se montre même très optimiste, la free représentant pour lui un modèle alternatif, pouvant incarner une forme de décroissance. Lui qui est par ailleurs technicien dans le monde du spectacle affirme que « même s’il y a beaucoup à redire sur les véhicules ou les générateurs, je vois bien qu’à fréquentation équivalente, une free consomme largement moins qu’un concert classique », bien qu’il n’ait pas de chiffres pour le certifier. La free party à l’avant-garde de l’écologie ? Cela reste plus facile à dire qu’à faire.