Plan B, la soirée qui fait tomber les barrières entre musiques contemporaines et musiques électroniques
« Truc d’intello », « public coincé », « ennuyant et compliqué »… La musique contemporaine ou la musique répétitive, parfois bizarrement nommé « musiques savantes », n’a pas forcément l’image la plus funky du spectre des genres musicaux. Mais qu’est-ce qui pourrait empêcher un fan de Steve Reich, le pape du genre, d’aimer également aller danser sur de la techno ? Pas grand-chose, si ce n’est le fait que peu de soirées et festivals osent le mélange des genres. Déjà repérée par les mélomanes qui aiment exploser les chapelles, il y a la soirée Marathon, se tenant chaque année à la Gaîté Lyrique. L’année dernière, Carl Craig et Francesco Tristano y présentaient leur collaboration « Versus », où un ensemble de synthétiseurs reprennent à la manière d’un orchestre les plus grands morceaux techno de Craig. La productrice Chloé et la joueuse de marimba Vassilena Serafimova y reprenaient Steve Reich, un travail présenté pour la première fois devant les caméras de Sourdoreille il y a deux ans. Et au milieu de tout ça se logeait la techno de Fabrizio Rat et de Bambounou. Grand écart, vous avez dit ? « Les musiques répétitives ou contemporaines sont rarement programmées en même temps que de la musique électronique. Beaucoup de programmateurs partent du principe que ce n’est pas le même public. J’ai eu envie d’inverser les clichés. Je viens moi-même de la musique classique, un milieu parfois un peu coincé. Puis je me suis mis à écouter de la musique contemporaine, pour ensuite avoir envie de faire la fête… Pourquoi choisir donc ? », raconte Laurent Jacquier, le programmateur de Marathon. Il lance aujourd’hui Plan B, une deuxième soirée prévue pour le 9 juin, cette fois à la Station, ancienne friche SNCF d’Aubervilliers réhabilitée par le collectif MU. « La Station, pour moi, c’est un des lieux les plus cools de Paris et d’Île-de-France. Il y a un espace extérieur, ce qui n’est pas si courant et toujours agréable, et on parle la même langue côté musique avec leurs équipes. On programme toujours de la musique répétitive et électronique, mais dans une ambiance plus détendue, plus festive, avec moins de têtes d’affiche et des prix plus bas (la prévente est à 12 euros, ndlr.). Ça durera plus longtemps aussi, et il n’y aura pas que de la musique, avec notamment une installation de feu sur les toits, et des numéros de cirque. On a voulu mettre en place une scénographie, proposer de la musique non-stop de 16 heures à 2 heures du matin, pas ‘juste’ une soirée de concerts ».
Ce 9 juin, on croisera donc à la Station Dudmode, Ambeyance, Le Comte (auteur du très beau « Eva » en vidéo ci-dessous), Renart en live ou Clément Bazin en DJ-set. Et puis des projets plus hybrides, comme la pièce « In C » du compositeur contemporain américain Terry Riley reprise par 13 musiciens, suivie du live de Cabaret Contemporain (un groupe capable de jouer de l' »électro » avec des instruments acoustiques, à voir absolument !) puis d’un set techno de The Driver aka Manu Le Malin. » C’est rare dans notre scène de musiques actuelles qu’on laisse la place à ce genre de projets. Je suis toujours surpris de voir qu’à Concrete ou Nuits Sonores, on ne croise pas de pièces de Steve Reich ou Philip Glass. Pourtant, ce n’est pas forcément chiant comme musique ! Mais les deux mondes ne se connaissent pas, musicalement ou humainement. Je ne suis pas sûr que les 13 musiciens qui reprennent ‘In C’ sachent vraiment qui est Manu Le Malin. Ils viennent de la musique contemporaine ou improvisée, ont été formés au conservatoire… L’idée de Plan B est aussi de faire en sorte que tout ce petit monde se rencontre ! Et puis on peut avoir tendance à prendre le public pour plus con qu’il ne l’est réellement, en imaginant que personne ne viendra si on propose un line-up différent. Sur une soirée Marathon, les gens vont peut-être venir essentiellement pour Carl Craig… Mais une fois qu’ils se retrouvent devant Chloé et Vassilena Serafimova reprenant Steve Reich, ils apprécient », se rappelle Laurent Jacquier. C’est tout le mal qu’on leur souhaite.