Pitchfork Music Festival Paris, une programmation qui a tenu ses promesses
Mauvais soir pour le marché noir. Sur le parvis froid et humide du Parc de la Villette, sans grande conviction, un revendeur esseulé demande si quelqu’un cherche des places, espérant que personne ne remarquera qu’à une dizaine de mètres de là, la billetterie est encore ouverte. En cette première soirée du Pitchfork Music Festival Paris, la Grande Halle est loin de faire le plein, malgré une affiche alléchante. John Maus pour les branchés, Mac DeMarco pour rappeler qu’on est bien au Pitchfork, Etienne Daho pour ratisser encore au-delà. Mais la perspective de pouvoir faire le pont a semble-t-il été plus forte pour une partie des Parisiens.
A l’intérieur, la programmation tient ses promesses, en tout cas. John Maus est un peu l’attraction de la soirée, même si certains font remarquer que lors de sa dernière venue à Paris, il était entouré d’un groupe. Seul au micro, les cheveux ébouriffés et le visage en nage, l’Américain s’accroupit ainsi à chaque fin de morceau pour lancer la lecture du suivant, avant de revenir chanter face à la scène et reprendre ses pas de danse rigides et désaxés. Le show est minimaliste, mais dégage une énergie certaine, bien aidé, il est vrai, par la qualité des morceaux qui défilent. L’ancien clavier de Panda Bear n’est pas du genre à faire des courbettes. Quand le dernier titre s’arrête, il se retourne et quitte la scène sans un mot.
Une austérité qui tranche avec l’enthousiasme de Daho, visiblement heureux d’avoir été programmé pour la première fois au Pitchfork. Une curiosité locale pour la toujours importante colonie étrangère venue assister au festival, une madeleine pour les Français, qui reprennent ses tubes en chœur.
Mais si Etienne Daho peut constituer une tête d’affiche à Rock en Seine, au Pitchfork, il attire moins les foules qu’un Mac DeMarco. Comme à son habitude, le Canadien se la joue décontracté. Look de pêcheur, blagues et fans installés derrière le groupe, en train de siffler des bières. Faux laisser-aller. Le répertoire est exécuté au cordeau, avant un sympathique final punk.
Le lendemain, succède à l’électro-pop boursoufflée de Chvrches l’un, voire le meilleur concert du festival : Blood Orange. Devonté Hynes n’a pas besoin d’en rajouter, semble même ne pas vouloir voler la vedette à ses choristes et musiciens, il étincelle, au chant, à la guitare ou au piano, héritier de Prince sans ressembler à cette idée éculée que l’on peut se faire d’un héritier de Prince. A le voir évoluer sur scène, on ne peut s’empêcher de penser qu’il va bientôt basculer dans une autre dimension.
Kaytranada, qui lui fait suite, tombe à point nommé. On a envie de danser. Tant pis si le Québécois propose quelque chose qui n’est ni un vrai DJ set, ni un vrai live — en gros, il joue ses morceaux et remixes —, ça fonctionne.
Le meilleur DJ set, on l’aura le samedi, jour traditionnel du clubbing au Pitchfork. Au même endroit où deux heures plus tôt, Bon Iver a plongé la Grande Halle dans une léthargie profonde, DJ Koze la transforme en un superclub bouillonnant. Une demi-heure de douce montée en puissance deep-tropicale, avant de lâcher au bon moment le toujours imparable « Higher State Of Consciousness » de Josh Wink. A partir de là, c’est euphorie et bras en l’air jusqu’à que l’Allemand cède les platines à Peggy Gou, laquelle aura eu le mérite de rappeler ce qui différencie un DJ d’une productrice devenue DJ par nécessité.
Meilleur moment : Outre Blood Orange et DJ Koze, la plupart des fois où l’on aura eu affaire au personnel du festival, prévenant et souriant.
Pire moment : Souvent à la fin des concerts. Si le principe de double scène est bien, permettant de basculer d’un concert à l’autre sans temps mort, il a un effet pervers : dégarnir les fins de concerts, une partie du public partant se positionner pour le suivant.