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25 octobre 2013

Pitchfork, de blog indé à média majeur

par rédaction Tsugi

Troisième édition de son festival à Paris fin octobre, lancement d’un site de cinéma… la référence américaine des médias de musique indé s’appuie sur la force de son contenu pour tisser sa toile.

Pitchfork organise des festivals – dans sa ville de Chicago depuis bientôt dix ans et depuis trois ans à Paris -, Pitchfork fait de la production de contenu vidéo, Pitchfork lance cet été un site sur le cinéma… à l’origine blog prisé des barbus de Brooklyn à chemise de bûcheron, Pitchfork s’est imposé comme une marque internationale à plusieurs casquettes – et pas seulement celles des barbus de Brooklyn. Créé en 1995, le site musical ne s’est professionnalisé que dans les années 2000 pour acquérir une vraie dimension internationale à partir de 2004, année où son fondateur Ryan Schreiber embauche son premier employé, Christopher Kaskie, qui présidera l’entreprise. Avec sa trentaine de salariés désormais répartis entre son siège de Chicago et New York, ses 45 à 50 millions de pages vues et ses 3,5 millions de visiteurs uniques par mois, un chiffre d’affaires annuel en publicité qui oscille entre 5 et 10 millions de dollars, Pitchfork a gagné son pari en termes de solidité financière et de percée dans la musique dans son acception la plus large, comme en témoigne la présence de R. Kelly et Björk au festival de Chicago l’été dernier. Tout cela en gardant le même modèle économique lié à une source de revenus qui a décollé comme une fusée?: la publicité.

Indépendant et visible

“Nos premiers annonceurs ont été les magasins et les maisons de disques, rappelle Chris Kaskie… Mais dès le début, nous avons veillé à une séparation très forte entre la publicité et l’éditorial?: qu’un label achète de la publicité, cela ne change absolument rien à ce qu’on écrira. C’est quelque chose qu’ils ont très vite compris. Du coup, une relation forte et saine s’est nouée avec l’industrie musicale.” L’opération séduction repose sur une recette?: la force de conviction que le site s’est forgé et a imposée au fil des ans. Dès le lancement, Schreiber décide de critiques aux avis tranchés, longues et corsées d’une note de 1 à 10. Sans forum ni espace de commentaires pour des discussions de café de commerce qui gonfleraient pourtant les statistiques. En 1997, un mythique 10 attribué par Schreiber lui-même au OK Computer de Radiohead sort Pitchfork de son ornière indé et lui offrira à la fois une visibilité auprès d’un vaste public et une crédibilité grâce à la validation de son choix par le succès de l’album qui caracole en tête du Billboard. En trois ans, les gloutons publient 1?500 chroniques en plus du contenu quotidien. En 2004, un autre 10 attribué au Funeral d’Arcade Fire se révèle capital dans l’explosion du groupe canadien?: les rôles se sont inversés. Pitchfork s’est transformé en marque prescriptrice.

À son arrivée, Chris Kaskie sent bien que Pitchfork ne jouit pourtant pas encore de l’aura d’un magazine. Alors que les rouleaux du raz-de-marée Internet ont déjà commencé à saper les fondations de l’industrie du disque, il va veiller à ce que sa société échappe à une dépendance qui aurait pu s’avérer fatale. Avec toujours cette liberté éditoriale brandie comme étendard. “Cette ligne de conduite a été une base solide de notre croissance publicitaire. À tel point que nous avons progressé dans des secteurs hors musique et que celle-ci ne représente qu’entre 10 et 20?% de nos revenus tandis que tout le reste provient d’autres domaines comme l’électronique, l’automobile, l’alcool…” Pour parvenir à une telle réussite, Pitchfork s’appuie sur un rayonnement sur le continent américain qui lui permet de toucher un public jeune (28 ans de moyenne d’âge) passé par des études supérieures. Avec un taux de fidélité rare (88?% de ses lecteurs s’y connectent quotidiennement), le site bénéficie d’une base de fans qui, à l’inverse, lit peu de magazines papier (seulement 23?% d’entre eux) et lui fait peu d’infidélités avec d’autres blogs musicaux. Enfin, selon les études menées par le site, ses lecteurs apparaissent clairement comme des spécimens connectés de l’âge numérique. Bref, une cible rêvée pour les annonceurs que Pitchfork chouchoute en refusant les bannières immenses et les publicités intrusives. Deux pubs par page en moyenne, histoire de garantir le confort de navigation et l’efficacité du message délivré. “Quel que soit le secteur, nous avons gardé le même principe?: rien de ce que nous publions n’est destiné à un annonceur. Nous essayons d’être aussi créatifs et innovants que possible sur la publicité sans polluer l’éditorial.” Pitchfork propose par exemple aux marques de s’associer aux vidéos maison, de la retransmission des concerts, des festivals en passant par les sessions live et les programmes à la carte, autant de contenus qui “ont ouvert de nouvelles opportunités pour les sponsors et les annonceurs”.

Une offre diversifiée

Sa réussite publicitaire, Pitchfork la doit à sa toute-puissance sur le public américain mais aussi à un rayonnement à l’international renforcé depuis 2010 par la première édition parisienne de son festival. “35?% de nos internautes viennent d’ailleurs que d’Amérique du Nord. Un festival en Europe nous est donc apparu aussi vital que celui de Chicago.” Côté programmation, l’édition parisienne est loin de singer sa grande sœur américaine. “On peut y inviter des artistes européens qu’on aurait adoré avoir à Chicago mais qu’il est impossible de faire venir car le public américain les connaît moins.” Pendant ce temps, le site profite aussi des retombées de l’événement parisien. “Depuis trois ans, le nombre d’internautes non-américains a considérablement augmenté, ce qui est important car ce ne sont pas nos festivals qui génèrent la grande partie de nos revenus.”

Pitchfork vient d’ailleurs d’élargir son offre de contenu avec le lancement l’été dernier de The Dissolve, un site consacré au cinéma. “Ce secteur manquait d’un équivalent de Pitchfork. On a mené une étude et plutôt que d’ajouter une rubrique, il valait mieux créer un site à part, qui se consacre aux amoureux du cinéma comme Pitchfork s’est imposé pour les amoureux de la musique.” La palette culturelle de Pitchfork prend ainsi forme dans sa globalité après s’être frotté aux arts, au design et à la mode via le site Nothing Major qui dispose aussi d’une boutique en ligne. Vélos, chemises, lampes, tee-shirts… Et forcément, un max de casquettes.

pitchfork.com / thedissolve.com / nothingmajor.com

Pitchfork Music Festival avec The Knife, Disclosure, Hot Chip, Darkside… du 31 octobre au 2 novembre à la Grande Halle de la Villette et au Trabendo (Paris)

pitchforkmusicfestival.fr

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