Philippe Zdar raconte ‘Bankrupt !’ (partie 2)
On ne change pas une équipe qui gagne. Le vieux cliché s’avère une nouvelle fois très efficace. En travaillant à nouveau avec Philippe Zdar, ce coup çi officiellement intronisé “producteur”, après le carton de leur précédent album, les Phoenix sont restés en terrain connu. Mais la “dream team” s’est réinventée en donnant à Bankrupt ! une tonalité futuriste qui se bonifie au fur et à mesure des écoutes. La marque des grands disques. Un nouveau cliché là encore plus que jamais d’actualité. Ce n’est pas Philippe Zdar qui nous contredira.
Est ce qu’ils t’ont épaté ?
Ils m’ont plus épaté que jamais, sur des points philosophiques comme des points plus pratiques. J’ai été épaté par leur ténacité. J’avais un petit peu peur parce qu’il y avait ce gros succès américain qui est un truc que l’on ne connaît pas, nous les Français. Bien sûr je savais que ça ne leur monterait pas à la tête, mais je ne m’attendais pas à ce qu’ils restent toujours aussi simples, solidaires, à l’écoute de l’autre. Et puis j’ai été épaté au niveau de l’écriture, quand j’ai entendu les premiers travaux, je me suis dit qu’il y avait de gros morceaux. Même moi qui ne lâche pas grand chose, je crois qu’ils ont été pire que moi, ils ont été plus loin que j’aurais été. Est ce que leur secret ne serait ce pas finalement l’absence de leader ? C’est ça. C’est un monolithe, le leader c’est Phoenix. Je crois qu’il y a ça aussi dans AC/DC depuis que Bon Scott est mort (leur premier chanteur décédé en 1980 après une nuit d’excès NDR) Au début, c’était une espèce de mec qui buvait plus que les autres, qui se couchait le plus tard mais qui se levait aussi le plus tôt. C’était vraiment le leader mais quand il a été remplacé par Brian Johnson, AC/DC est devenu un énorme bloc et leur musique d’ailleurs est devenu monolithique. Il y a un côté comme ça chez Phoenix. Tout le monde est leader. C’est un peu comme en psychanalyse quand on a dit qu’il y a le monsieur, la dame et que leur couple forme un troisième personnage. Les quatre Phoenix forment un cinquième phoenix qui n’est pas moi mais Phoenix donc moi je suis le sixième on va dire !
C’est toi qui a fait la connexion avec Adam Yauch (membre des Beastie Boys décédé l’an dernier des suites d’un cancer NDLR) ?
Quand je terminais l’album des Beastie Boys, les garçons sont venus à New York pour commencer leur disque. Adam était le mec le plus cool de la terre et il m’a dit : pourquoi ils ne viennent pas dans mon studio, le matos est fabuleux ? J’ai répondu : super, je vais leur en parler. Moi je suis rentré à Paris et eux sont venus le rencontrer. Mais la première connexion s’est faite le soir du concert de Phoenix au Madison Square Garden où j’étais venu avec Yauch et Mick D. Et puis si j’ai travaillé avec les Beastie, c’est parce que Yauch avait adoré Wolfgang Amadeus Phoenix.
Est ce que sa disparition a eu une influence sur cet album ?
Adam a eu une grosse influence, il était souvent présent dans nos discussions pendant que l’on enregistrait le disque. On s’échangeait les uns et les autres sur ce que l’on avait découvert de lui, parce qu’on a rarement été tous ensemble avec lui. Sa disparition a eu une influence sur notre vie à tous. Je pense régulièrement à lui, même si je n’ai vécu que six mois de ma vie avec ce mec. C’est comme quand tu vis une histoire d’amour qui dure que quinze jours mais à laquelle tu penses beaucoup plus que celle qui a duré plusieurs années.
Jamais deux sans trois ?
Je n’en sais rien, peut être qu’eux auront envie de faire autre chose ou peut être que ce sera moi qui aura cette envie. Pour le moment, j’ai envie de savourer à fond, j’ai hâte de voir les concerts, de voir comment le public va réagir. Quand je l’ai fait écouter pour la première fois à des amis très chers, j’avais le cœur qui battait à 200 à l’heure c’était ouf. À la fin du disque, ils m’ont regardé et ils m’ont dit : on peut le remettre ? J’ai envie de savourer ça avant de penser à quoi que ce soit d’autre. Je pense aussi vachement aux garçons et je me dis qu’ils ont à la fois de la chance et de la malchance parce qu’ils sont obligés de penser aux concerts. Ce recul que j’ai aujourd’hui, ils ne l’auront pas d’ici deux ou trois ans.
Propos recueillis par Patrice Bardot