Panoramas, jour 2
À peine fatigué. Tranquille. Fraises de Plougastel et crème d’amande sur baguette fraîche constituant un remontant fort à propos après une première journée de Panoramas bien dense, on attaque ce samedi avec la foi du brave, ce dernier ayant par contre oublié de nous refiler un petit stock d’énergie. Pas grave, rien ne presse, la première surprise, à peine dévoilée par l’équipe du festival au point presse-café allongé de midi, tombe en plein milieu d’aprem.
16h30 : Bienvenue dans les locaux de la CGT de Morlaix. Ou plus précisément au dessus, dans la semi-délabrée Maison du Peuple, petit bijou secret du patrimoine local. On nous a traîné jusqu’ici sans nous dire ce qui nous attendait, ce qui nous amuse pas mal, entre les deux monolithes électro qui constituent les deux piliers de Panoramas. On reconnaît la mine malicieuse et burinée du type qui traîne à l’extérieur de la salle avec un petit blanc à la main : le seul et l’unique Rodolphe Burger, qui régale son (petit) monde avec un concert guitare/voix/sampler sublime, et empreint d’une émotion structurée par la perte de l’un de ses proches, le trompettiste de Kat Onoma. Probablement le plus beau moment du week-end.
18h30 : Run en Xsara toutes options avec l’équipe de fiers photographes officiels du festival, et nous revoilà dans l’espace presse à enquiller les cafés. On entend une rumeur folle : un type serait en train d’enchaîner 15 interviews à la suite, en mode sur-homme. On va voir, forcément curieux, mais on n’est pas franchement étonné de tomber sur Fakear, toujours aussi sympa avec tous les êtres humains du monde, et qui nous précise « en fait, j’en ai fait 16 ». Allez, un burger et direction gros son.
20h20 : Les Popopopops, pour le coup, vont gagner la palme du vu-mètre : le son serait presque trop fort pour une entame de festival. À moins que ce ne soit leur énergie qui fasse déborder le niveau sonore ? Toujours est-il qu’on apprécie au max, avec les oreilles parfois bouchées. Un poil moins fort et tout aussi rafraîchissant, les popeux de Sarah W. Papsun jettent leurs forces dans la bataille toujours difficile de l’ouverture de scène. Vu l’évolution du taux de remplissage entre le début et la fin de leur set, ils peuvent se coucher avec la fierté du travail accompli.
22h30 : Un peu désolés pour Encore!, dont l’audience était un poil trop clairsemée, et moyennement convaincus par la formule sans surprise (mais efficace) d’un Parov Stelar qui blinde la grand club sans problème, direction Cashmere Cat. Le Norvégien androgyne, fidèle à lui-même, ne dit mot, reste dans sa bulle… et lâche ce qui ressemble bien au meilleur set du festival. En une heure trente chrono, le public se prend une leçon de bass music mélodique et rêveuse… ou de R’n’B avant-gardiste déstructuré aux accents trap music, au choix. Ce jeune homme est décidément le fils caché de Beyoncé et Squarepusher, élevé discrétos par Hayao Miyazaki et Hudson Mohawke en forêt scandinave. La fin du show nous échappe pour cause de Fakear, dont les nouvelles surfaces de contrôle clignotantes font leur petit effet. Son show tient toujours le coup, après, il est possible que ce doux poète doive faire des choix pragmatiques à moyen terme : peut-être va-t-il falloir coller ses rêves dans un stimulateur électrique qui lui donne l’écho nécessaire pour tenir des foules encore plus conséquentes. En admettant qu’on soit clair dans nos explications.
1h00 : Entre Valentin Marlin et Bondax, notre cœur et nos pieds ont choisi la seconde option après des tests grandeur nature. Les deux (très) jeunes Anglais, s’ils ne peuvent pas encore s’enorgueillir de posséder une identité ultra-solide, livrent un DJ-set tout à fait honnête, très coloré facile à saisir. Et ils passent du Modjo, cette carte étant difficile à parer.
1h50 : Ah non, Zeds Dead, non non non. On a beau aimer le dubstep de manière parfois déraisonnable pafois, là, c’est pas possible. Surprise, le salut viendra du set de Claptone, représenté par un seul individu tout de même masqué à la vénitienne, et distributeur agréé en house élégante et élastique. Ce qui nous amène, naturellement…
2h30 : … au set de Pan-Pot. On en rêvait depuis le début de la soirée, nous voilà servis : la grande scène accueille une entité musicale qui sent le four to the floor sans livrer les acouphènes qui vont avec. Bonheur, partagé par la plupart des festivaliers qui réagissent positivement, même si une minorité semblait préférer la machine à laver sonore qui a précédé. Coincés, nous sommes : Danton Eeprom, que nous avons croisé plus tôt dans les couloirs avec une mine fatiguée, entame également son set sous le chapiteau extérieur. On tente l’ubiquité, ça foire, on va donc voir avec nos petits pieds ce que ça donne. Le froid n’aide pas, mais le producteur estampillé InFiné tient un fil qu’il refusera de lâcher, celui de l’élégance.
4h : dernier saut au Club Sésame. N’To a la cote en ce moment, et s’inscrit dans une dynamique techno accessible qui a le mérite d’être classe, sans pour autant nous emmener totalement en voyage. Mais ça tombe bien, on comptait réserver notre dernier billet de ferry pour filer en Angleterre avec Daniel Avery. On l’a attendu 48h, celui-là, et on n’est visiblement pas les seuls vu le nombre de citations de son patronyme en espace presse. Autant le dire franchement, on n’était pas là pour se prendre une surprise de dingue, l’ayant déjà vu cent fois. Mais à chaque coup ça marche. Sa vision de la techno râpeuse et acide, qui laisse place au travail des textures et des espaces entres les sons, dépasse son travail de prod’ et structure également sa sélection. De fait, on tient là l’un des meilleurs constructeurs de set-lists du monde. Daniel Avery ne fait pas dans l’esbroufe technique, il se contente de savoir exactement quelle galette est la bonne à jouer à chaque moment de son temps de passage. En bref, il connaît son boulot de DJ sur le bout des doigts, et roule par conséquent la moitié de la planète platinisme dans le goudron. Une énième fois, un grand respect, direction la navette aux mille câlins avec nos amis festivaliers. Le plus fou dans tout ça ? On aimerait bien passer une soirée de plus auprès d’eux que de rentrer.
Meilleur moment : « t’as déjà vu un accident dans un tunnel ? » Si vous ne connaissez pas la fin de cette vanne, demandez à l’équipe des relations presse du festival.
Pire moment : « Enter Sandman » de Metallica au bar VIP. On adore le morceau, mais se le passer tranquillou entre trentenaires professionnels qui réseautent sec au comptoir, ça sent un peu la sueur froide.
– Lire notre compte-rendu du jour 1 de Panoramas –