🎪 Ouest Park : on vous raconte le festival le plus perché de Normandie
Dans l’enceinte du fort de Tourneville, nichĂ© sur les hauteurs du Havre, environ 18 000 festivaliers se sont donnĂ© rendez-vous du 20 au 24 octobre pour le Ouest Park Festival. Un retour en force après une Ă©dition 2020 un peu transformĂ©e Ă cause de la crise sanitaire. Tsugi s’est rendu sur place pendant deux jours. Du soleil, de jeunes talents, des cĹ“urs qui battent et des pieds qui tapent : on vous raconte comment c’Ă©tait.Â
En ce début de week-end, aller au Havre depuis Paris n’est pas un long fleuve tranquille. Le train direct au départ de la capitale est bondé. Après un trajet rallongé d’une heure à cause de travaux sur la ligne, un arrêt d’une vingtaine de minutes à Rouen, on finit enfin par y arriver. L’hôtel se situe à deux pas de la gare. Le temps de déposer les affaires, deux ou trois gorgées d’eau, un bon vieux sandwich triangle (oui oui), et c’est parti. Direction le Ouest Park Festival qui se situe sur les hauteurs de la ville. Le Havre a la particularité d’être une citée divisée en deux : la ville basse, partie la plus riche. Et la ville haute, secteur le plus populaire.
Sur le trajet qui mène au Ouest Park, on peut dire qu’on est loin des ambiances d’avant-festival : les rues sont presque vides, seul deux ou trois groupes de jeunes qui déambulent nous rappellent que nous sommes bel et bien samedi soir. On est loin d’imaginer qu’à quelques centaines de mètres a lieu le plus grand événement musical de la ville et cela depuis maintenant 17 ans. Et pourtant, après 20 minutes de marche et la montée d’un escalier bien abrupte d’environ 700 marches (pas eu le temps de les compter), on arrive au fort de Tourneville. Quelques festivaliers se pressent déjà devant l’entrée du site. Au moment de récupérer les accréditations, un « Vladimir Cauchemar vient d’arriver » lancé au talkie-walkie nous met déjà dans l’ambiance.
Premiers pas sur le site et premières impressions à chaud (ou plutôt à froid au vu de la température extérieure) : le Ouest Park est un festival, comme le veut la formule, « à taille humaine ». On se rend compte tout de suite que, pour une fois, on sera épargné des interminables files d’attente qui caractérisent généralement ce type d’événement. On découvre d’emblée trois scènes : les deux premières sont nichées sous un chapiteau. On apprend d’ailleurs que la tempête de mercredi soir a bien failli mettre un terme au festival. La partie basse du grand chapiteau s’est détachée, ce qui a fragilisé l’ensemble de la structure. Une heure de plus et c’est la tente entière qui s’envolait. Soupir de soulagement de la part des salariés du festival et des 200 bénévoles qui travaillent d’arrache pied, pour certains depuis quelques heures, pour d’autres, plusieurs mois, voire 365 jours par an. La troisième scène est, elle, située à l’intérieure du Tetris, la salle de musiques actuelles de la ville.
Assez parlĂ© et passons aux choses sĂ©rieuses. Cette soirĂ©e s’ouvre en douceur sur la grande scène avec Ayo. Ambiance familiale, on sent que le week-end commence, les jambes peines Ă se dĂ©gourdir. La chanteuse a mĂŞme ramenĂ© sa tasse de thĂ© sur scène. Mais pour un dĂ©but de soirĂ©e, c’est parfait. Avec sa voix dĂ©licieusement soul, Ayo nous met dans un cocon pour les premières chansons. Puis, elle dĂ©gaine une reprise de « NĂ© quelque part » de Maxime Le Forestier. Un titre qui ne sort pas de nulle part puisqu’il figurait dĂ©jĂ sur son album Royal, sorti en 2020. Enfin, la magie opère. Les esprits et les corps s’échauffent. Ă€ peine le temps de se refroidir sur le chemin et on enchaine avec le concert de Silly Boy Blue sur la scène du Fort. Ca y est, on entre bel et bien dans le feu de l’action, et ça fait du bien. Les festivaliers ont eux aussi l’air d’apprĂ©cier le moment : les verres se remplissent, les voix s’élèvent. Parmi eux : des familles, des retraitĂ©s et beaucoup d’Ă©tudiants. On sent que dans une ville oĂą l’offre culturelle est en pleine effervescence, le festival rassemble au-delĂ des gĂ©nĂ©rations. Un mĂ©lange que l’on doit sĂ»rement aux prix très attractifs de l’évĂ©nement (32e pour une soirĂ©e, 52e les deux jours). CĂ´tĂ© consos, mĂŞme constat, les prix sont plus que raisonnables. La bière sans alcool est mĂŞme gratuite, fait assez rare dans un festival pour ĂŞtre soulignĂ©.
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Une rapide pause repas et c’est déjà l’heure d’Hervé. « Tu vas voir, sur scène, il se donne ». Ce n’est pas la première fois que de telles paroles sont prononcées concernant les concerts du chanteur. La confirmation vient quelques minutes plus tard. Qu’on aime ou pas, Hervé diffuse une énergie bluffante pendant l’heure entière du show (oui, appelons-le comme ça). Il danse, joue du clavier, chante, saute, crie, monte sur les structures de la scène. La liesse atteint son paroxysme lorsqu’il dégaine une écharpe de l’équipe du Havre Athletic Club, choppée au stade avant son concert. Dans la foule, c’est l’explosion.
Au Tetris, les suédois du groupe post-punk Viagra Boys viennent de commencer leur concert. Là aussi, pur shoot d’énergie. Les corps transpirent, on balance de la bière sur la scène. Bref, un concert de rock comme on les aime. À la seule différence que les morceaux du groupe sont nourris de délicieux solos de saxophone, rendant le tout singulièrement moderne. À la sortie de la salle, le coin jeux d’arcade est plein : flippers, baby-foot géant… L’expression « deux salles, deux ambiances » prend alors tout son sens. Malgré le froid dehors, la foule se fait de plus en plus dense. À l’intérieure de la caravane spectacle, quatrième scène un peu spéciale du festival, un concert de Pink Flamingos se prépare. La promiscuité de la caravane donne une ambiance feutrée, qui l’est de moins en moins au fur et à mesure qu’avance la nuit. Un exemple concret nous est donné par ce festivalier qui se saisit du micro et lance « Y’a-t-il un pilote dans l’avion ? ».
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Il est 00h30, Vladimir Cauchemar sera sur la scène du fort dans 10 minutes et dĂ©jĂ , le chapiteau est plein Ă craquer. Le DJ masquĂ© dĂ©roule son set habituel (on l’avait vu en aoĂ»t dernier au Delta Festival Ă Marseille) et joue avec ses rappeurs fĂ©tiches : des remixes de Laylow, Soso Maness ou encore 13 Block. Certes un peu rĂ©pĂ©titif, mais on lui accorde, la formule fonctionne : le public est aux anges. Au Tetris, on reste dans l’électro avec Tolvy qui vient clĂ´turer la soirĂ©e. AccompagnĂ©e de ses pads, la jeune artiste prĂ©sente ses productions : de la techno Ă la dubstep en passant par la trance, avec une scĂ©nographie impeccable. Ă€ pianoter de la sorte face au public avec une dextĂ©ritĂ© folle, Tolvy nous rappelle un peu Fakear (repris d’ailleurs dans son dernier track), Ă la diffĂ©rence que les BPM sont relativement plus Ă©levĂ©s. On serait bien restĂ© jusqu’au bout de la nuit, mais le set se termine et, on l’avoue, cette soirĂ©e nous a bien fatiguĂ©s.
Au Ouest Park, la dernière journée du festival est toujours gratuite. Un peu comme une tradition. Malgré ce dimanche ensoleillé, le site peine un peu à se remplir. À côté de la caravane spectacle, la compagnie « Stand 2000 » fait défiler les enfants au micro. Ambiance école de fan un peu trash avec à la clé des cadeaux de récup’. Tordant. Au Tetris, C’est Karma nous confirme que la musique est bien au rendez-vous aujourd’hui. Elle enchaine des solos de guitare et des titres aux accents électro. Avec sa voix cristalline et un humour décalé, la jeune artiste arrive aussi bien à nous impressionner en parlant d’amour que de spaghettis, référence à son dernier single.
Alors qu’on sentait l’ambiance du dimanche prendre le dessus, cornets de glace dĂ©gustĂ©s au soleil et discussions Ă mi-voix en sirotant une bière, l’énergie dĂ©bordante de Bandit Bandit vient tout balayer d’un revers de la main. Comme possĂ©dĂ©e, la chanteuse du groupe de rock pose sa voix sur des notes de guitare Ă©lectrique qui font dĂ©cidemment beaucoup de bien en cette fin de Ouest Park. Le dĂ©montage de la scène principale commence, le ciel se couvre, noyĂ© dans l’effervescence du festival, on ne pensait plus trop Ă ce moment fatidique. Avant de partir, un rapide passage par la scène du Fort : Java donne le dernier concert. Le chapiteau plein Ă craquer nous confirme que Ouest Park a rĂ©ussi son pari : proposer un Ă©vĂ©nement accessible et familial, tout en gardant une programmation Ă©clectique et pointue, en laissant une place Ă©gale aussi bien Ă des artistes confirmĂ©s qu’Ă de jeunes talents. Durant le festival, des nombreuses voix auront raisonnĂ© dans l’enceinte du fort. Parmi elles, on en entend une s’élever un peu plus que les autres : celle du retour Ă la vie.