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© Bartosch Salmanski
27 septembre 2022

Ososphère 2022, l’utopie électronique

par Alexis Bernier

À Strasbourg, une édition extrêmement riche et réussie des Nuits de l’Ososphère avec des dancefloors bondés, des expos innombrables et le quartier de la Laiterie transformé en cité de l’art, de la musique et de la fête. Nous y étions, d’autant que Tsugi y célébrait aussi ses 15 ans.

Le quartier est bouclé, mais ce n’est pas pour une opération policière. C’est pour faire la fête. On danse, tout autour de la Laiterie et dans ses salles de concerts et d’expositions ouvertes en 1994 par la ville de Strasbourg et gérée depuis par l’association Artefact. Ce sont les Nuits de l’Ososphère, que les lecteurs de Tsugi connaissent bien puisqu’elles marient musique électronique et art numérique d’une manière vraiment originale depuis la fin des années 90, et que nous les avons régulièrement évoquées. C’est au nom de ce compagnonnage historique que Tsugi y a fait escale vendredi pour fêter son quinzième anniversaire en compagnie de Mo Laudi, le résident de Tsugi Radio au son afrohouse toujours euphorisant, et des collectifs Camion Bazar et la Mamie’s qui se sont affrontés jusqu’à l’aube dans un B2B totalement jouissif, dont la diversité des sonorités et l’énergie vitale partage nos valeurs musicales.

ososphère

© Bartosch Salmanski

Alors qu’elle est si souvent rejetée en périphérie, à Strasbourg la musique a encore le droit de cité en ville dans le quartier de la Laiterie, à dix minutes à pied de la gare. Un quartier où la mixité sociale est encore forte et où les habitants ont depuis longtemps adopté l’Ososphère. D’ailleurs, comme le raconte Thierry Danet de l’association Artefact « les riverains sont de moins en moins nombreux à souhaiter être relogés durant les Nuits de l’Osophère. Ils se sont appropriés l’évènement ».

Mais de quoi est-ce qu’il s’agit exactement ? De musique évidemment avec quatre dancefloors sur lesquels on a retrouvé dans les nuits de vendredi et samedi, Mila Dietrich (elle aussi résidente de Tsugi radio), Maud Geffray, NTO, Dj Vadim, Fakear, Breakbot & Irfane, Meute, Gargäntua ou encore Traumer. Un programme qui a fait le plein, au point qu’il était parfois difficile d’entrer dans les salles ou d’y rester trop longtemps. Tous ceux qui ont essayé d’approcher les platines de Jeff Mills comprendront. Mais pour ceux qui ont réussi à se faire une place en arrivant tôt, le spectacle a été à la hauteur de sa réputation. Le vétéran de Detroit a enchaîné avec souplesse et élégance sur cdj et vinyle quelques tracks de techno bien sentis, alors que sa fameuse TR808 ajoutait un sacré swing à l’ensemble.

ososphère

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Mais de toute manière, durant l’Ososphère le spectacle est partout. C’est une véritable ville nouvelle qui sort de terre durant le festival, avec ses façades d’immeubles qui servent d’écran de projection ou d’écrin pour des œuvres de street art. On se croirait un peu dans Blade Runner, la pluie en moins, la joie en plus. Une soixantaine d’installations de tous genres étaient présentées autour des dancefloors et elles restent d’ailleurs accessibles en journée jusqu’au 2 octobre. Il y en avait partout, des œuvres originales créées pour l’occasion par des artistes avec qui l’équipe d’Artefact a noué des liens solides ou des œuvres déjà montrées à d’autres occasions… Comme cette installation réalisée pour l’exposition électro à la Philharmonie de Paris en collaboration entre Laurent Garnier, qui a composé une série de playlist thématiques retraçant l’histoire de la techno, que l’équipe de 1024 Architecture a mis en lumière. Mais comme le dit Thierry Danet : « On ne fait pas une exposition d’art contemporain, ce n’est pas notre truc, on ne sait pas faire, mais on essaye de construire un récit et de présenter les œuvres dans un contexte ouvert où elles peuvent plus facilement séduire le plus grand nombre. Ososphère pour moi, c’est comme une pochette de disque, tu peux y faire de l’art contemporain mais cela reste une pochette de disque. Ici, tu peux présenter des œuvres très pointues, cela reste une grande fête musicale. »

ososphère

© Bartosch Salmanski

Belle définition. D’ailleurs, manifestement à l’Ososphère, tout le monde prend autant de plaisir à danser qu’à déambuler parmi les créations artistiques de cette ville utopique à l’allure de gigantesque dancefloor visuel. Outre le set à l’esprit joyeusement disco-pop de Breakbot et Irfane et la techno sans concession au clin d’œil punk-rock de Mila Dietrich, Gargäntua qui fait chanter à tue-tête la salle de l’Abysse sur leur tube “Immoral et Illégal” et le collectif Contrefaçon qui a offert dans la nuit de samedi un grand revival big beat, avec édit des Chemical Brothers et un finish happy hardcore trancey, une de nos œuvres non-musicales préférées a été celle de Pascal Dombis. L’artiste habitué des galeries prestigieuses, projetait sur la façade d’une maison, un invraisemblable montage en vitesse accélérée des dernières secondes de films en forme de cut-up cinématographique passant du technicolor au noir et blanc, d’Hibernatus avec De Funès à M*A*S*H de Robert Altman -et tant d’autres- sans que jamais les mots The End ne soient réels. Mention spéciale également aux ‘Céramix’ de Stéphane Kozik, une collection ‘d’assiettes musicales’ placées comme des vinyles sur des platines, et dont les aspérités jouent une bien drôle de musique.

 

Meilleur moment : Se promener dans la nuit de vendredi avec Mo Laudi et le voir être félicité par de nombreux festivaliers qui découvraient son set euphorisant.

Pire moment : Toujours un peu frustrant de ne pas pouvoir approcher un dancefloor victime de son succès.

 

Alexis Bernier et Luc Leroy

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