On y était : Baleapop #6
Petit par la taille, grand par le degré de “cool”. Telle pourrait être la définition de Baleapop, festival lancé en 2009 par le collectif Moï Moï. Viscéralement attachée au Pays Basque, cette joyeuse bande a pensé ce rassemblement comme une manifestation pluridisciplinaire à la programmation aventureuse. Un pari risqué qui ne cesse au fil des ans de séduire un public venu des quatre coins de l’hexagone attiré par une jauge à taille humaine et la soif de la découverte. Durant le premier week-end d’août se tenait sa 6ème édition, un anniversaire qui en mettant à rude épreuve les qualités de l’organisation a prouvé que le petit festival était bel et bien devenu événement incontournable pour tout mélomane qui se respecte.
La qualité plus que la quantité
Sorte d’épicerie fine de la culture underground, Baleapop met tous les ans les petits plats dans les grands pour accueillir les festivaliers. Scénographie et décors léchés, installations d’art contemporain exclusives, programmation musicale pointue et éclectique, voici ce qui a attiré ce week-end-là une petite dizaine de milliers de personnes au cœur du Pays Basque, en pleine période estivale. Exact opposé des manifestations sans âmes pensées pour les foules compactes, Baleapop a cette année élu domicile au parc Ducontenia de Saint Jean-De-Luz.
Sur place, à aucun moment nous n’avons été déçus. Nous sommes parfois restés perplexes, notamment face au groupe expérimental portugais Fumaça Preta, mais à part les épisodes de pluie, rien n’était “nul”. Nos coups de cœur du jeudi reviennent ainsi à Odei, jeune groupe récemment signé sur le label Moï Moï. Avec leur live électronique aussi inspirée des tubes d’Aphex Twin que de The Inheritors, l’excellent projet développé par James Holden en collaboration avec Etienne Jaumet, les Basques nous ont vraiment scotchés. Leur prestation d’une heure a d’ailleurs parfaitement servi d’entrée en matière au live de Paranoid London. Chauffé à blanc par Odei, le public (nous y compris) n’a eu aucun mal à plonger dans l’univers très acid des Britanniques. Leur live, aussi rythmé que noir a comblé les amoureux de TB-303 et de kicks ravageurs. Dans la même veine, Jessica93 nous a une nouvelle fois tapé dans les tympans. La dernière fois que nous l’avions vu, c’était à Nuits Sonores, festival électronique dans l’âme trollé lors de son passage par un rockeur pur jus. À Baleapop, son noise-punk nous a marqués comme jamais. Programmé au moment où les conditions climatiques étaient les plus exécrables, il a réalisé une performance apocalyptique, poussant la foule à se vautrer dans la boue pour un pogo dantesque… jusqu’à la coupure d’électricité.
Mais le parc Ducontenia n’a pas fait que dans la fureur, en témoignent deux beaux moments passés le samedi après-midi en compagnie de Lena Willikens et Superpitcher. Si la première est en ce moment très présente en France (Wet For Me, Nuits Sonores, Villette Sonique…) le second se fait plus discret lorsqu’il s’échappe de Pachanga Boys. Avec leur techno downtempo ils nous ont préparé de la meilleure des manières à la série de showcases disséminés dans le centre-ville de Saint Jean-de-Luz le samedi soir. Avec son ambiance détendue de fête de village rehaussée d’un bon goût musical sans faille, cette soirée fut sans conteste un des highlights de Baleapop.
Le cadre, aussi important que la programmation
Au-delà d’une programmation musicale sans faille, Baleapop séduit également grâce au soin apporté à l’esthétique des lieux investis. Au parc Ducontenia, pas l’ombre d’un panneau publicitaire, pas de camions à churros douteux. Au milieu de la verdure, il fallait davantage compter sur des stands en bois au design rétro et surtout sur des installations d’art contemporain imaginées par le collectif Polar Inertia. Pour une fois, ce n’est pas de la musique qu’ils ont produit, mais des vidéos et des installations immersives. On retiendra particulièrement Whiteout, une sorte de cube lumineux rempli de fumée dans lequel le visiteur pénètre et perd instantanément tout repère. Psychédélique au possible, ce projet a pour but, comme l’a rappellé Polar Inertia à Sourdoreille de plonger le visiteur dans une mésaventure qui leur est toute personnelle, au cœur du “blizzard aveuglant des plaines de Sibérie”.
Mais le froid n’était pas la thématique de Baleapop, en témoigne l’excellent showcase du vendredi après-midi imaginé par le tout aussi excellent label parisien Antinote. À quelques mètres de la plage de Cenitz à Guetary, Zaltan, DK et Geena, les trois têtes chercheuses du label ont investi une sorte de piscine désaffectée dans une ambiance mi-Berlin mi-Ibiza : sable, océan, mais aussi béton et techno. Sous le soleil, des centaines d’amateurs de house et de techno se sont ainsi déhanchés avant d’aller se plonger dans l’océan. Difficile de faire plus agréable.
Même en réfléchissant bien, à aucun moment nous n’avons entendu quelqu’un se plaindre du festival, même pas un petit peu. Et pourtant il faut dire que l’organisation a été mise à rude épreuve cette année, la pluie ayant décidé de jouer les trouble-fêtes les vendredi et samedi soir. Tant pis pour elle, elle ne nous a pas tant gêné que ça. Malgré sa présence nous avons passé un excellent festival. Une chose est sûre, l’année prochaine nous serons de nouveau de la partie, mais sans la pluie qui elle ne sera pas invitée.