On a changé d’heure à la Belle Electrique de Grenoble
Quitte à perdre une heure de sommeil, autant ne pas dormir du tout. Samedi dernier, on s’est donc rendu à Grenoble pour découvrir La Belle Electrique, « scène de musiques amplifiées » ouverte en 2015. Faisant la part belle aux musiques électroniques, elle en constitue le nouvel épicentre dans une ville qui a toujours été une place forte de l’électro/techno.
C’est dans une ancienne zone industrielle à la lisière du centre-ville de Grenoble, non loin de la rivière Le Drac et de l’autoroute menant aux grandes stations de l’Oisans, que se dresse La Belle Electrique. Un environnement à priori pas très sexy mais que l’ouverture de cette scène de musique amplifiée – le lieu n’a pas encore le label SMAC – a permis de rendre nettement plus attrayant. Au point que, avec la présence d’autres espaces dédiés à la musique et la fête comme l’Ampérage et le Drak Art, le quartier est devenu l’un des principaux point de convergence des noctambules locaux. Récemment immortalisé dans les médias nationaux lorsque, sur son parvis, Bertrand Cantat a tenté de dialoguer avec des manifestant-e-s féministes, La Belle Electrique est un remarquable bâtiment charpenté en bois et aux larges baies vitrées. Le bois pour la proximité avec la montagne, ses forêts et ses chalets. Le verre pour l’ouverture sur la ville. Enfin, c’est ce qu’on imagine. A l’intérieur, la salle principale est une sorte d’amphithéâtre cubique, avec de vastes balcons et des gradins descendant vers une fosse chaleureuse et intimiste. Un véritable « chaudron » – n’en déplaise aux fans de l’ASSE – parfait écrin pour accueillir aussi bien des concerts de tous poils que des soirées « clubbing ». Il s’agit là de l’une des marques de fabrique de la salle, qui en accueille une trentaine chaque année, soit plus de deux par mois.
D’ailleurs, après avoir loupé de peu le dernier tramway et rejoint notre Belle d’un soir à pied, nous sommes accueillis par la techno percutante, dévastatrice et sans répit de Blawan. Le Britannique a visiblement choisi de lâcher les chevaux, la salle lui plait, la sono est impeccable. Il n’est pas sur scène, le DJ booth ayant été judicieusement placé au niveau du public, lui-même conquis. La salle n’est pas totalement blindée, environ 700 personnes se sont déplacées ce soir pour une capacité de 950. Ce n’est pas plus mal, on a de la place pour danser, on peut se déplacer facilement et commander une Chartreuse au bar sans perdre une plombe, on l’a déjà paumé avec le changement d’heure en fait. Il y a un vrai public techno à Grenoble et cela n’est pas dû au hasard. La ville héberge plus de 60 000 étudiants, et même si tous ne sont pas des fans de gros beats 4/4, cela laisse une belle marge de manœuvre. Surtout, la capitale des Alpes a été dans les années 90 l’un des principaux pourvoyeurs d’artistes électro-techno comme The Hacker, Miss Kittin, Oxia ou encore Kiko. Un contrepied salvateur, froid et robotique à la French Touch parisienne qui s’est même imposé lors du déclin de cette dernière. Une histoire qui a durablement marqué la ville avec des musiciens emblématiques qui pour la plupart tournent encore à l’international.
Si l’on ne voit pas – pour l’instant – de DJ’s/producteurs équivalents ayant émergé dans les années 2000/2010, la scène locale reste très dynamique. De nombreux collectifs – Icone, Hidden Plaza, Hedone, Nymphony, The Dare Night ou Carton Pâte – animent les nuits grenobloises, accueillis dans différents lieux – on pourrait aussi parler de la Bobine, du Mark XIII ou du Keep It Weird en plus de ceux cités en début d’article – avec La Belle Electrique comme point d’orgue. En recevant aussi bien ces indispensables artisans du cru que des grosses pointures – depuis la rentrée ont a vu défiler Marcel Dettmann, Speedy J, Michael Mayer, Nicolas Jaar, Rone, Bjarki ou même le trio Body & Soul – la salle comble les attentes et entretien un public, créant sur place une indispensable émulation.
Tandis que DVS1 a succédé à Blawan aux platines, déroulant une techno linéaire et hypnotique, très allemande – pourtant le bonhomme est américain – on discute avec Alban Sauce, directeur adjoint et responsable de la programmation électronique de « La Belle ». Il nous confirme que le lieu a une image très électro/house/techno même si ces dernières ne représentent en réalité que 30% du total de la programmation. Démontant aussi les clichés sur Grenoble et ses musiques glaciales et industrielles, il nous rappelle que la ville a été un bastion du reggae/dub – par exemple le groupe Sinsemilia – des musiques plus lumineuses et enjouées donc, et que la house y est également populaire. Enfin, quand on lui demande s’il va enfin y avoir une relève à Miss Kittin & The Hacker, un artiste solo ou un groupe électro qui va émerger par ici, il nous présente un membre de « La Marine », un trio qui vient de signer sur Speicher, une subdivision de Kompakt. « Mais le morceau sur lequel a flashé Michael Mayer a été produit il y a plus d’un an. Depuis ils ont pris un virage plus pop. Du coup on va sans doute monter un label pour sortir leur album ». On suivra cela de près. Et on reviendra à La Belle Electrique, c’est sûr. Pour l’heure d’hiver peut-être….