Nord Fiction : une première édition furieusement réussie malgré l’orage
Canicule le premier jour, froid glacial et pluie diluvienne le second. Cette première du petit dernier des festivals normands, Nord Fiction, restera dans les annales. Pour le meilleur mais aussi pour le plus décevant -la faute aux intempéries- au grand dam des organisateurs de l’évènement. Eux qui étaient autant (voire plus) déçus que les quelques milliers de festivaliers à avoir fait le déplacement, sur le terrain de l’ex-hangar à dirigeables de la Seconde Guerre mondiale d’Écausseville.
Il est 22 heures le samedi 18 lorsqu’un déluge de pluie et de tonnerre s’abat sur la paisible commune normande d’Écausseville. L’épisode orageux durera jusqu’à quasiment minuit, un laps de temps beaucoup trop long pour assurer la sécurité des quelques milliers de teufeurs à avoir fait le déplacement, les pompiers lancent la procédure d’alerte… « Veuillez évacuer », peut-on alors entendre résonner dans les enceintes des deux scènes. Quelle déception. « On vient à peine d’arriver. On doit déjà repartir ? », peut-on entendre d’un rennais fraichement débarqué pour la seconde soirée et qui vient à peine de commander sa première pinte au bar. En deux temps, trois mouvements et sous une pluie battante, le public quitte le site et rejoint ses tentes/voitures situées à seulement une dizaine de mètres des portes du festival dans une ambiance de fin du monde éclairée à la lumière des éclairs. Finalement, à 1 heure du matin, c’est officiel : la fête ne reprendra plus, on ne verra pas sur scène u.r.trax, Maud Geffray, COUCOU CHLOÉ, Dr.Rubinstein ou encore LSDXOXO…
La déception est immense de tout bord et notamment pour Marlène Huard, programmatrice et figure forte de l’organisation de l’évènement. Mais tout ne fut pas gâché, loin de là. Ça avait pourtant si bien commencé lors d’une première journée caniculaire, le vendredi. Malgré tout, cette annulation pourrait presque sembler anecdotique car aucun blessé n’est à déplorer, le pire aurait pu arriver. On ne peut qu’avoir une pensée pour le kitesurfeur disparu dans la soirée du samedi sur le littoral de Villers-sur-Mer en Normandie, victime d’une tempête d’une rare violence.
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Un gros travail scénique a été réalisé sur les deux scènes du festival. Le Ring et la Minard en avaient mis plein les mirettes des intrépides fans de musiques électroniques en plus de l’immense hangar à dirigeables érigés pendant la Seconde Guerre mondiale. À la fin du premier soir, tous les ingrédients étaient là pour passer une seconde soirée de folie. La DJ résidente du Macadam, 소윤 (Soyoon) avait bien lancé la soirée avec un séduisant set hybride entre vinyle et digital, enchaînant les morceaux bien diggés et dansants, lors d’un set pile à l’heure de l’apéro. À 23 heures, La Mverte avait ensuite pris le relais sur le Ring. Cette scène camouflée dans un écrin de piliers métalliques disposés en cercle et reliés entre eux par de gigantesques draps blancs, donnait l’impression d’être dans une salle à ciel ouvert, participant à l’architecture soignée du site du festival. Elle qui n’a pas manqué de faire son petit effet. Tout comme les visuels acides du festival, violets et verts, qu’on retrouvait sur les gobelets éco-cups estampillés de… la marque de bière 8.6, audacieuse partenaire de l’évènement dont on a plus l’habitude de retrouver les canettes lors de nos « soirées shlag » qu’en festival. Quelle surprise ! Toutefois oubliez la bière à 12°, la 8.6 se dégustait dans sa surprenante version IPA ce week-end, et devant Voiron s’il vous plait. Le DJ-producteur breton a retourné le public de la scène Minard dans un live à la sauce techno saisissante, saupoudrée de morceaux drum n’bass cathartiques. Parfait pour le public de Nord Fiction, qui ne semblait attendre qu’une percée du genre, après s’être pris en pleine face la voix de diva de Mathilde Fernandez sur la gabber et la techno de Paul Seul, son binôme d’ascendant vierge. La prestation live des deux intrépides compères et artisans de la musique électronique sur le Ring, en a presque fait oublier au public la bonne performance de Roi Perez sur l’autre scène, pourtant à la hauteur. La Normandie a totalement été sous le charme des bangers organiques du duo et happé par la puissance de la voix de Mathilde Fernandez. On aurait presque fait abstraction du site bourré d’Histoire sur lequel on se situait…
À l’intérieur du hangar se tenaient les expositions de December, Marie Quéau, Cécile di Giovanni et Space Mec, pour toutes les personnes en manque d’art aussi expérimental qu’intimiste et personnel. Il s’agissait d’une bien jolie trêve qu’il fallait saisir, avant d’enchainer pour les quelques performances qui ont pu se tenir le samedi soir. On retiendra notamment le live de Fasme, dont l’EP Streched World présente un dirigeable en couverture (tiens, tiens, tiens) et le DJ-set de Blutch sur la scène Minard juste avant l’arrivée du déluge. Deux performances où la house était à l’honneur et où les bassins ont bougé avant de frissonner à l’arrivée de l’orage… En passant de températures caniculaires flirtant avec les 40° à un pénible 20° en l’espace d’une dizaine d’heures, en plein contexte global de dérèglement climatique… Les aléas climatiques dont Nord Fiction a été victime posent une nouvelle fois la question de la sauvegarde de l’environnement, et du changement dans nos modes de consommation. Et si ces changements brutaux de températures, passant du ciel bleu aux épisodes d’orage intenses en un éclair, étaient amenés à se répéter ? On en a bien peur. En revanche, ce qu’on a déjà très hâte de retrouver, c’est Nord Fiction pour sa deuxième édition… Et on lui en souhaite beaucoup -beaucoup- d’autres !