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©Emmanuelle Descraques
27 août 2020

Non mais cette reprise de Mylène Farmer au piano façon Satie par Joseph Schiano Di Lombo…

par Léonie Ruellan

On l’invitait fin mars au Maison Tsugi Festival, où il nous offrait 40 minutes de contemplation auditive seul avec son synthé Clavia Nord Stage : l’artiste aux multiples talents Joseph Schiano di Lombo dévoile un premier EP qui sortira demain, Sans Contrefaçon, composé de deux reprises de Mylène Farmer au piano, l’une façon Satie (qu’il nous offre en avant-première), l’autre façon Debussy.

Joseph Schiano Di Lombo n’est pas qu’un pianiste, c’est un artiste au sens large : il dessine, il écrit, il compose. Originaire de Savoie et désormais basé à Paris, le jeune artiste de 29 ans a déjà un prodigieux parcours de touche-à-tout. Essayons de résumer brièvement : il a écrit pour l’Opéra national de Paris, a dessiné pour France Culture (et pour Tsugi, aussi), a présenté des expositions personnelles et collaboré à des expos collectives, a joué seul ou accompagné lors de nombreuses représentations, et il publiera son premier roman en 2021. En février, il sortait le morceau « If You Had My Love », reprenant d’une manière singulièrement personnelle Jennifer Lopez. Il réitère demain avec l’EP Sans Contrefaçon, toujours dans l’idée de s’approprier des tubes de musique pop pour les présenter sous un tout nouveau jour.

 

Joseph Schiano Di Lombo

©Marion Berrin

Qui es-tu et d’où viens-tu, Joseph Schiano Di Lombo ?

« Je suis un garçon », comme dit la chanson ! C’est tellement tout et rien, de dire ça, que je serais tenté d’en rester là ! Je me souviens précisément de la fois où, enfant, au milieu de nulle part, sur un sentier rempli de sensations et de pensées que j’ai oubliées (parce qu’il leur manquait peut-être cette fraîcheur qu’ont les gouffres) m’est venue l’idée que je serai désormais un garçon pour de bon. Avant ça, je flottais un peu. Mais quand je croyais avoir enjambé la question, quand je croyais être fixé, le gouffre est resté pas loin. Comme dit Virginia Woolf dans son roman Orlando : « Rien n’existe ». J’aime cette phrase, elle trouble comme il faut. Entre les bords du gouffre chéri, derrière le « garçon », miroitent toutes les variations de la forme, tous les échos de l’éthos, les failles et les feintes de la vie sous la carte d’identité, les improvisations de l’être, ce qui le façonne, ce qui le contrefaçonne. Si je suis un garçon, rien ne m’empêche d’être autre chose qui rime en -on. Un héron ? Du phytoplancton ? Non, c’est ça, c’est dans la chanson : «Je suis caméléon».

 

Qu’as-tu voulu créer avec cet EP ?

Je chéris toutes les approches qui peuvent venir perturber le cliché du démiurge, c’est-à-dire celui qui crée ex nihilo (à partir de rien). Ce qui me touche, c’est de comprendre que nous nous influençons tou·te·s, que nous travaillons un même matériau, que ce qu’on croit être soi est tissé de ce qu’on appelle les autres, qu’il est doux de s’avoir l’accueillir — quelle que soit la discipline dont on parle — et que styles et époques sont perméables. Un joyeux compost, où les morts et les vivants cohabitent et dialoguent ! C’est pour cela que j’ai pensé le terme « compost-itions » pour nommer ces reprises. Je l’ai trafiqué près avoir lu la penseuse féministe Donna J. Haraway, qui utilise la métaphore du compost et de l’humus pour re-penser la place de l’Humanité au sein d’une planète endommagée. On ne devrait pas parler de « post-humanité, dit-elle, mais de « compost » ; pas d’Humanités, mais d’Humusités. L’humus, dans la nature (comme le compost), c’est un processus continu et fabuleux de mort et de vie : la pourriture aide les graines neuves à germer. J’ai envie que la musique qui me traverse soit une « humusique ». Je ne veux pas être compositeur, mais compost-iteur.

 

« Je chéris toutes les approches qui peuvent venir perturber le cliché du démiurge, c’est-à-dire celui qui crée ex nihilo (à partir de rien). »

 

Joseph Schiano di lombo

©Alfredo Piola

Quelles sont tes inspirations  ?

Mes influences transparaissent clairement dans ces deux petites pièces pour piano : ce qu’on appelle la « musique française », c’est mon péché mignon (Debussy, Fauré, Séverac et mon héros Ravel). Mais par chance je n’ai pas grandi dans un univers de classiqueux, je puise aussi à d’autres sources ! Si ma mère écoutait le Requiem de Mozart en boucle pendant qu’elle était enceinte (j’adore d’ailleurs l’idée d’avoir germé au milieu de la messe des morts), c’est surtout la variété française qui passait à la maison : Jean-Jacques Goldman, Véronique Sanson, Le Forestier, Maurane, Alain Souchon, France Gall, Étienne Daho… Et — bien entendu — Mylène Farmer !

 

Avec qui as-tu travaillé sur cet EP ?

Ça peut sonner weirdo, mais j’ai vraiment l’impression d’avoir travaillé avec ces personnes qui, vivantes ou mortes, semblent à priori trop loin de moi pour être appelées des collaborateur·rice·s. Mylène Farmer, déjà, mais aussi le compositeur de ladite chanson, Laurent Boutonnat. Quant à Debussy et son ami Satie, tout morts qu’ils sont, ils y ont mis tous les deux leur grain de sel et de sépulture ! Debussy, surtout, a forgé ce que j’appellerai prudemment « mon style » — qui, pour rester vivant, peut être gravé sur vinyle mais pas dans le marbre… Dans les gens qui sont plus proches de moi, je suis entouré de belles personnes, qui me prêtent une oreille et parfois une main, je pense plus particulièrement à mon ami musicien Clément Variéras (son nom d’artiste : Variéras) et à Sam Tiba, qui m’a invité à faire cette série sur son label (Land Arts).

 

C’est quoi la suite pour toi ?

La suite prendra des formes et explorera des territoires un peu différents, notamment via des collaborations. Avec Saint DX et Clara Cappagli (la chanteuse d’Agar Agar) très bientôt, mais aussi deux musiciens de la scène electro : Marino ainsi que Tocor. Avec l’un, on développe un projet hydride joyeux et bizarroïde, avec l’autre on explore une dub très planante et synthétique ! D’autres projets aussi arrivent, mais je ne peux pas encore en parler…

Joseph Schiano di lombo

©Rebekka Deubner

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