Micky Green, Para One, Tahiti Boy : interview croisée
Fan de Donna Summer, elle voulait un album “enjoué”. Épaulée par David “Tahiti Boy” Sztanke et Para One, sa pop-soul fait des merveilles. Micky Green, ou La parenthèse enchantée de cette rentrée.
Quand on arrive au Fantôme, nouveau bar-restaurant de la rue de Paradis truffé de machines de salle d’arcade et de flippers, Para One (Jean-Baptiste de Laubier) est déjà en plein Super Street Fighter 2, vite rejoint par Tahiti Boy (David Sztanke). Les deux affichent un niveau impressionnant quand débarque la sculpturale Micky Green. Révélée par le tube “Oh !” en 2008, la jeune femme venue d’Australie à 18 ans et depuis installée à Paris était retournée dans l’anonymat avec un deuxième album passé inaperçu. Voir ces trois-là associés sur Daddy, I Don’t Want To Get Married, le nouvel album de la chanteuse, est une surprise, même si les deux producteurs (pour schématiser, l’un représentant le versant pop sophistiquée, l’autre l’électro tous azimuts) avaient déjà pratiqué le crossover ultime en travaillant à un autre album de pop, celui d’Alizée il y a trois ans.
Tsugi : Micky, pourquoi être allée chercher ces deux-là ?
Micky Green : J’avais croisé David par le passé, à diverses soirées ou divers endroits.
David Sztanke (Tahiti Boy) : Notamment via Renaud Letang, qui a produit Micky (ses deux albums précédents, ndlr), et avec moi un album de Saul Williams. Quand on m’a appelé pour l’aider à écrire son album, on m’a aussi demandé de le produire. Je voulais un coproducteur, et parmi les quelques noms que Polydor m’a proposés je pensais que Jean-Baptiste ferait la meilleure combinaison.
Micky : Je souhaitais changer mes méthodes de travail, ouvrir de nouvelles portes. Je voulais un album enjoué, optimiste. J’avais besoin d’un élément qui lie la musique à la dance et au hip-hop, ce pourquoi Jean-Baptiste était parfait.
Tu écoutes beaucoup de musique électronique ?
Micky : Pas vraiment ! Le truc le plus électronique que j’écoute, ça doit être… Moloko ! (rires)
Et vous les gars, vous écoutez de la pop radiophonique ?
David : Pas vraiment en fait !
Jean-Baptiste de Laubier (Para One) : Je ne suis pas à la page du tout. Non pas que je déteste tout. Parfois je suis surpris, j’entends un truc bien à la radio et je demande autour de moi : “Mais au fait, c’est qui Katy Perry ?”. Enfin ça n’est pas arrivé avec Katy Perry. Bref, c’était un accident heureux qu’on se retrouve avec des références communes. Des groupes des années 80 et 90, Madonna…
Micky : Beaucoup de hip-hop des années 90. Jean-Baptiste nous sortait des beats old-school, comme celui de “Ignition” de R. Kelly.
Jean-Baptiste : Je m’inspirais pas mal de Timbaland. On a beaucoup parlé d’Outkast.
D’où vient la touche funk ?
Micky : Je suis complètement dingue de Donna Summer.
Jean-Baptiste : C’est entre funk et disco… Le funk digéré par la pop de l’époque en fait, Blondie, Talking Heads, Tom Tom Club, etc.
Micky, tu es en France depuis des lustres, non ?
Micky : Je suis venue pour ma carrière de mannequin il y a dix ans. J’aime qu’ici ce soit petit. En Australie, tu peux voyager douze heures et les gens parleront toujours ta langue. Je suis fascinée par la diversité de l’Europe. Être mannequin n’avait jamais été mon rêve, depuis toute petite je jouais de la batterie, chantais, écrivais… J’ai même bossé chez un disquaire en Australie avant de déménager.
Tu as eu un départ heureux avec “Oh!”, mais ton deuxième album n’a pas marché. Comment te sentais-tu alors ?
Micky : J’étais heureuse de mon second album, musicalement je trouvais qu’il représentait une bonne évolution. J’étais déçue évidemment que la sortie ne se passe pas si bien. Mais je n’avais jamais espéré avoir le succès du premier…
Ça t’a libérée ?
Micky : Oui et non, de toute façon il faut essayer de ne pas trop penser à ça. J’arrive vraiment à garder un oeil émerveillé.
Racontez-moi la première rencontre.
Micky : C’était chez moi, je me souviens d’avoir dit à David : “Oh merde, JB arrive il va falloir que je mette un jean.”
David : Elle était tout le temps en pyjama.
Jean-Baptiste : Ton chien était blessé, il avait un genre de minerve et toutes les pattes dans le plâtre. Micky m’a joué quelques chansons juste au clavier.
Micky : C’était très excitant mais j’étais hyper nerveuse. Je suis toujours nerveuse. Ensuite, le processus a été très long, j’ai travaillé sur les chansons un an, puis peut-être quatre mois avec David…
David : Et encore une année à trois.
Vous avez des chansons qui sont les vôtres plus que d’autres ? “Daddy” est la plus électronique par exemple…
Jean-Baptiste : C’est drôle, c’est la seule que David et moi n’avons pas produite.
David : Sur chaque chanson je reconnais l’apport de chacun et pourtant tout me semble cohérent.
Micky : Ils ont eu beaucoup d’impact sur ma confiance aussi, quand parfois j’avais peur de chanter. David me disait toujours : “Tu es Donna Summer, tu es Donna Summer”. Je suis tellement fan de cette femme.
David : Je n’allais pas lui demander de viser juste un bon niveau. Tu demanderais à un basketteur de shooter comme Michael Jordan, pas comme Robert Horry.
Micky : Qui est Robert Horry ? (rires)
Les gars, vous aviez déjà produit Alizée, ce qui avait précipité la mort d’Institubes. Vous en gardez quels souvenirs ?
Jean-Baptiste : C’est la première fois que je l’entends résumé comme ça.
David : Oh moi, je n’étais pas chez Institubes alors bon.
Jean-Baptiste : Oui mais moi j’étais dessus ! (rires) J’adore cet album, mais ma contribution était vraiment sur une chanson. Alizée est une icône pour ses fans, c’était difficile de les secouer.
David : Alizée ne bossait pas sur la musique. Alizée est une interprète, Micky, une musicienne. Quand j’ai enregistré la voix de Micky juste sur du piano il y avait un groove fort. Et j’ai beau aimer la voix d’Alizée sur cet album, je ne suis pas sûr qu’il y aurait eu du groove sans toute la production.
Vous aviez ce complexe gainsbourien de façonner une jeune chanteuse ?
David : Bien sûr, mon idole c’est Phil Spector… avant qu’il tue quelqu’un !
Jean-Baptiste : Mais Gainsbourg invitait ces jeunes filles dans son monde, pour Micky c’était l’inverse. Il y a maintenant une grosse vague de pop à la lisière mainstream/indé ou de producteurs indés qui bossent pour le mainstream.
La pop vient-elle de se réveiller après une phase d’endormissement ?
Micky : Je ne sais pas ce qui s’est passé mais c’est assez triste. Les gens se foutent de moi parce que je n’ai rien dans mon iPod des années 2000. Pour moi les classiques ce sont George Michael, Donna Summer…
Jean-Baptiste : C’est excitant que des producteurs indés produisent de gros trucs.
David : On a attendu ça longtemps, nous, les petits. (rires)
Jean-Baptiste : En tout cas en France il y a une vraie frilosité des majors à proposer de la pop un peu avant-gardiste. À part Manu Chao ou Katerine…
Micky, avec quel producteur rêverais-tu de bosser ?
Micky : Dr. Dre ! J’adore tout ce qu’il a fait avec Eve.
Et vous les gars, avec quelle chanteuse aimeriez-vous travailler ?
Jean-Baptiste : Kate Bush !
David : Moi, Carole King. On est tous très old-school !
Micky : Pourquoi pas Azealia Banks ? Ce serait marrant.
Jean-Baptiste : Elle est venue au studio un jour, figure-toi, avec tout son entourage, elle courait partout. Ça doit être épuisant.
Daddy I Don’t Want To Get Married
(Polydor/Universal)
www.mickygreen.com