Marsatac : la diversité musicale, contre vents et marées
Festival bien installé dans le cœur du public, Marsatac n’en a pas moins connu moult péripéties en 21 années d’existence. Brinqueballé d’un endroit à un autre, se délocalisant partiellement à Nîmes, trouvant un temps ses marques à la Friche Belle de Mai, il semble s’être calé dans une configuration plus pérenne depuis 2017. L’incontournable rendez-vous du Sud ne se déroule plus à la rentrée mais au mois de juin et investit le Parc Chanot, un parc des expositions situé au pied du mythique Stade Vélodrome. Un lieu à priori pas hyper sexy mais que l’équipe du festival tend à magnifier en imaginant chaque année une nouvelle thématique. « Dans l’idéal on aimerait occuper les plages mais politiquement c’est très compliqué même si nous avons obtenu celle du Petit Roucas pour la journée du dimanche » confie Béatrice Desgranges, figure historique et directrice de Marsatac. « Nous étions un peu à l’étroit à la Friche qui a une jauge d’environ 9000 personnes. Le Parc Chanot nous paraît être un bon compromis, on peut y accueillir le double de spectateurs tout en restant en centre-ville, c’est accessible en métro. Notre volonté a toujours été d’être un festival urbain ». L’année passée, faute de plage, c’est elle qui était venue aux spectateurs sous forme de tonnes de sables et de structures gonflables. Pour cette édition, la scène extérieure accueillant les plus gros concerts étant située littéralement sur un parking, c’est la carte du kitsch qui a été jouée. Avec la présence de plusieurs voitures de tuning aux couleurs de Marsatac, dont l’une était même à gagner dans le cadre d’une tombola. Et pour remplacer l’inénarrable concours de sono, la présence de quatre scènes revenant aux fondamentaux du festival, à savoir un savant mélange de hip-hop et d’électro. « C’était notre idée dès le départ en 1999 » poursuit Béatrice. « Nous n’étions pas du tout des professionnels du métier, juste des passionnés de musique. Nous voulions organiser quelque chose pour défendre ce que nous aimions. Le hip-hop bien sûr dont Marseille était – et est toujours – une place forte en France et qui avait alors très peu de lieux pour s’exprimer. Mais aussi l’électro que nous avions découvert lors de raves en Angleterre ». Longtemps, les deux genres étaient présentés lors de deux soirées séparées. Mais avec l’évolution des goûts des jeunes générations, les proposer simultanément ne pose aujourd’hui plus de problème.
Les australiens en force
Le vendredi, à peine débarqués du TGV, on apprend que l’ouverture du festival a été décalée de deux heures. La faute au « Sirocco » un vent venu du Sahara qui rendait dangereux l’exploitation du site. Mais tout est rentré dans l’ordre et on peut apprécier sans se prendre du sable dans les yeux le show d’Eddy De Pretto. Le jeune homme possède déjà une belle présence scénique devant un parterre conquis. Les plus geeks peuvent aussi se pavaner sur l’énorme synthé modulaire amené par l’un de ses musiciens. On passe ensuite une tête voir le rappeur Alpha Wann. On s’attend à du boom-bap à la sauce 1995 mais c’est plutôt de la trap que le parisien privilégie ce soir-là. On n’est pas fan, mais à sa décharge on reconnait qu’il n’est pas aidé par la qualité de la sonorisation. Etrangement celle-ci s’améliore lorsque la salle bascule en mode électro. On y découvre la DJ australienne HAAI qui navigue joyeusement entre house et techno avec des phases breakbeat UK et acides. Assurément pour nous, le meilleur set de la soirée. A l’extérieur, les français de The Blaze déroulent leur électro-deep gentillette avec cependant un très beau dispositif visuel. On rentre dans le hangar principal nommé le « Grand Palais » pour un back to back entre deux personnages qui étaient fait pour se rencontrer : Carl Craig et Bambounou. Un son principalement techno avec quelques passages plus house, notamment le tube « Pick Up » de DJ Koze qui fait toujours son petit effet. Cette première soirée se conclut entre Charlotte de Witte et sa techno un peu trop prévisible, et un autre australien Mall Grabb qui joue plus pêchu que prévu avec des respirations d’électro froide et puriste comme on aime.
Orel et les filles
L’apéro du samedi soir est placé sous le signe du « rap de iencli » avec les groupes Columbine et Odezenne mais surtout avec Orelsan qui sans surprise remporte la palme du meilleur show. Accompagné de musiciens, le caennais joue avec le public, entre référence geek et footballistiques, et met tout le monde d’accord avec son flow placé au millimètre sur des instrus généreuses. On adore mais on file très vite voir Jon Hopkins, summum pour nous de cette deuxième soirée. Un live splendide entre IDM et techno mélodique accompagné de deux danseuses porteuses de bâtons de lumière, comme pour renforcer plus encore l’expérience onirique. Difficile après cela d’apprécier le concert beaucoup plus « plan plan » de Polo & Pan. On effectue alors des allers retours entre les lives de Ouai Stéphane qui mélange les influences – piano house, deep techno, trance, drum’n’bass – dans une mise en scène très ludique et de Dima aka Vitalic pour une techno ravageuse aux synthés 80’s. Il conclut sa prestation par un morceau de Kompromat, son récent projet avec Rebeka Warrior. Les femmes sont à l’honneur de la fin de nuit avec Paula Temple et AZF en mode clairement techno/rave à réveiller les morts. Dans une autre salle, plus petite, réservée aux artistes « émergents » on retrouve une Deena Abdelwahed presque intimidée qui défend son album en live. Entre bass music, techno breakée, électro inclassable sur laquelle elle susurre des parfums d’orient, elle offre aux spectateurs une véritable bulle plus expérimentale et intimiste. Classe. Ainsi se termine pour nous ce Marsatac 2019, un festival à la fois installé et toujours en mouvement, qui brasse les musiques et les publics, à l’image de Marseille la ville qui l’a vu naître, grandir, galérer, rebondir et réussir. On valide.