Manu Le Malin en couv’ de Tsugi 114, en kiosque le samedi 7 juillet
C’est une question récurrente au coeur de notre métier. Des étudiant(e)s qui préparent des mémoires sur le sujet me la posent même très souvent : quel rôle pour la critique musicale dans un monde où chacun possède, et surtout diffuse, son propre avis ? On ne prétendra pas avoir trouvé la réponse. Mais au fil des mois, quelques certitudes nous sont apparues. Fini le temps du rock critic gourou où chaque phrase couchée sur papier était prise pour sacrée. Aujourd’hui, il nous semble plus important d’offrir longuement la parole à des acteurs musicaux passionnants plutôt que de s’étendre dans des logorrhées où le journaliste est plus concerné par mettre en avant sa petite personne que celle de l’artiste sur lequel il écrit. Peut-être du “gonzo” journalisme, mais il n’y a eu, et il n’y aura, qu’un seul et unique Hunter S. Thompson. Les faits nous donnent particulièrement raison dans ce numéro, où nous publions la plus longue interview de l’histoire du magazine. Un entretien passionnant dont la longueur permet de comprendre au plus près la personnalité de l’interviewé. En l’occurrence Emmanuel Dauchez, alias Manu Le Malin, dont le parcours depuis 25 ans, alternance de chaos et de rédemption, est unique. Et pas seulement dans l’univers de la musique électronique. Cela méritait largement cette couverture, en dépit des hésitations de Manu, méfiant face à l’exposition médiatique. La modestie sera toujours la marque des grands.
Vous retrouverez également dans ce numéro un CD mixé par Folamour, Fishbach qui nous parle de sa passion pour les jeux vidéo, Etienne de Crécy dévoilant les albums, films et livres qui l’ont inspiré, une interview croisée entre la productrice techno La Fraicheur et la réalisatrice Jacqueline Caux, un reportage sur l’éveil à l’électronique du Kirghizistan, Chilly Gonzales se racontant en images, le récit d’une nuit mouvementée par Moha La Squale… Et comme d’habitude votre lot de chroniques, compte-rendus de festivals, bons plans, tests de matériel et autres rencontres avec les artistes faisant l’actu cet été ! Retrouvez votre Tsugi, 114ème du nom, en kiosque ou sur notre boutique en ligne à partir du samedi 7 juillet. En attendant, vu qu’on est sympa, voilà le début de l’interview de Manu Le Malin par Patrice Bardot et Clémence Meunier :
Sa personnalité sans compromis mais très attachante va bien au-delà de la scène hardcore dont il est le héros intouchable. Entretien-fleuve avec Manu Le Malin, où il est question de techno bien sûr, mais aussi et surtout d’une vie hors du commun à l’allure de grand huit.
Deux. Ils ne sont que deux. Ce sont des amis. Ils appartiennent quasiment à la même génération. L’un se nomme Laurent Garnier, l’autre s’appelle Emmanuel Dauchez alias Manu Le Malin. Aucun autre DJ dans notre pays ne jouit d’une telle cote de popularité doublée d’un incommensurable respect. De la part du public comme de leurs pairs. Mais si “le patron”, comme le surnomme affectueusement Manu, a connu depuis 30 ans qu’il est dans le métier un parcours d’une exemplaire continuité, le Prince d’Aubervilliers a lui suivi une route beaucoup plus sinueuse, où Le Malin a souvent pris le pas sur Manu. Tel un phoenix techno, il a connu la rédemption à deux reprises. D’abord, lorsque la découverte de la rave lui sauve une première fois la vie au début des années 90 alors qu’il vient de passer par la case prison. Et puis une seconde fois, beaucoup plus récemment, perdu dans un triptyque jeu-alcool-drogue, la techno l’a remis en scène. Au propre comme au figuré. Enfin quand on parle de techno, c’est bien sûr au sens large, à commencer par le hardcore, son style de prédilection, dont il est la figure incontestée ici et même ailleurs. Une musique sombre et violente, qu’il vit comme un exutoire à ses nombreuses fêlures. Mais qui n’est pas forcément le pur décalque d’une personnalité très attachante à l’humour solidement chevillé à la peau. Qui l’eût cru ? Certainement pas ceux à qui nous avons demandé de donner leur vision de “leur” Manu, parce que passer près de trois heures avec lui pour une conversation garantie sans langue de bois ne nous avait pas suffi. Nous avions envie d’en savoir encore plus sur ce héros électronique hors norme, DJ jusqu’au bout des doigts, le seul à notre connaissance à mettre au sommet de son panthéon musical Barbara et Lenny Dee. Et rien que pour ça, cette couverture de Tsugi est largement méritée.
Jeff Mills, dans le documentaire Sous le donjon qui t’est consacré, dit que tu transformes du bruit en symphonie. Serait-ce une bonne définition de Manu Le Malin ?
J’ai été très touché par la présence de tous ces invités dans ce film. Ils ont été très bienveillants à mon égard. Mais c’est la définition de Jeff Mills. Je n’ai pas l’impression de jouer du “bruit”. Aussi, la traduction en français du mot “noise” n’a pas vraiment la même signification en anglais. On a beaucoup joué ensemble à une époque. On discutait un petit peu, on discute beaucoup plus maintenant, c’est très agréable. D’ailleurs, je dois lui envoyer ce que j’aime en ce moment parce qu’il est curieux. J’aime bien commencer mes sets par des morceaux à 110, 115 BPM, il trouve ça très intéressant et il voudrait bien entendre ces titres. Ce n’est pas illogique. Tu prends les premières prod de UR, X-101 ou X-102 par Jeff Mills, ou son morceau “Wrath Of The Punisher”, on est très loin de “The Bells” ou ce qu’il a pu faire ensuite : c’était du hardcore !
Et pour toi, ce serait quoi la définition du son Manu Le Malin ?
Je joue la musique des autres, je suis un DJ, je le revendique haut et fort. Donc je préférerais donner la définition de la musique des autres : sombre et intense.
… La suite à retrouver en kiosque ou sur notre boutique en ligne à partir du samedi 7 juillet ! Et en attendant, écoutez donc ce nouveau morceau par Manu Le Malin et Lenny Dee, avant leur passage ce week-end au festival Astropolis :