Ce n’est un secret pour personne, Teki Latex aime se fringuer. Avec ses doudounes gigantesques, ses pantalons aux couleurs vives ou bardĂ©s de fermetures Ă©clairs (voire les deux) et ses sneakers Nike souvent introuvables en France, le membre de TTC et co-fondateur du label Sound Pellegrino ne passe jamais inaperçu. Cela tombe bien, c’est exactement ce qu’il cherche : que tout le monde se retourne quand il rentre dans une piĂšce. Ăa nous a donnĂ© envie de parler chiffons avec Teki. De ses lubbies d’adolescent Ă sa passion dĂ©vorante pour les vĂȘtements techniques japonais (entre autres !), le producteur, rappeur et programmateur des Boiler Room parisiennes nous raconte ses souvenirs et envies de fringues. Le premier tĂ©moignage d’une sĂ©rie d’interviews oĂč des musiciens nous parlent de leur autre dada : la mode.
Ton premier souvenir lié à la mode ?
Teki Latex :Â Porter mes baggies et mes jersey de baseball Ă l’envers quand j’avais 13 ans pour faire comme Kris Kross.
La premiÚre fois que tu as cassé ta tirelire pour une piÚce ?
Vers 15 ans une veste en jean verte Karl Kani, avec la petite plaque en métal sur la poche bien sûr ! Il y a eu quelques visites chez Ralph Lauren qui ont fait mal à ma tirelire pendant ma jeunesse également.
Le créateur fétiche de ton adolescence ?
J’avais pas vraiment accĂšs Ă des habits de « crĂ©ateurs » quand j’Ă©tais adolescent mais on va dire la marque Cross Colors. Mais en vĂ©ritĂ© je portais surtout du merchandising de groupes de rap, des trucs achetĂ©s en surplus, des trucs un peu foireux, du Levi’s, des trucs de la NBA, des Nike, des Adidas et des Timbs.

Teki Latex, printemps-Ă©tĂ© 2018 – CrĂ©dit : Tristan Popescu
Pour ton premier concert, tu portais quoi ?
La veste Karl Kani citĂ©e plus haut, des bandanas verts autour du crane et autour du cou, un bob « Naughty By Nature – OPP » par dessus le bandana. Un pantalon Cross Colors si je ne dis pas de bĂȘtises et des Timberland. J’arrive pas Ă croire que je m’en souvienne aussi bien !
La piĂšce que tu gardes depuis des annĂ©es et que tu portes jusqu’Ă Ă©puisement ?
J’avais une doudoune Bear qui m’a lĂąchĂ© il y a 3-4 ans, mais que je gardais depuis 1997, un truc comme ça. Je dois avoir quelques paires de baskets qui datent de la moitiĂ© des annĂ©es 2000… Mais le reste de mes vieux vĂȘtements est bien trop serrĂ© pour moi aujourd’hui. RĂ©cemment en faisant un vide grenier je me suis sĂ©parĂ© de vielles sapes, du vieux merchandising TTC, et quelques trucs un peu « skate » de la marque Pimp et un t shirt « PNB nation » qui devaient vraiment dater de 1998.
PlutĂŽt sneakers ou chaussures de ville ?Â
J’ai eu une pĂ©riode « chaussures de ville » mais je suis retombĂ© dans les baskets encore plus sĂ©rieusement par la suite, vers 2008. En fait c’est depuis 2008 et un voyage au Japon et la rencontre avec Takeshi Osumi « Big O » de Phenomenon que je fais vraiment attention Ă comment je m’habille. Donc depuis mes 30 ans ! Avant ça, c’Ă©tait du brouillon et je ne savais pas ce que je faisais. Pour les sneakers je suis 97% Nike, 2% Adidas et 1% « autres » on va dire. Et chez Nike c’est surtout du ACG et ses dĂ©rivĂ©s. Mon modĂšle culte : je dirais la Terra Albis ? Non en fait c’est la Mowabb, la reine incontestĂ©e des chaussures toutes pĂ©riodes et catĂ©gories confondues.
Ton obsession du moment ? Il y a quelques annĂ©es tu donnais une interview mode sur Greenroom et confiait ĂȘtre fascinĂ© par les vĂȘtements techniques japonais…Â
Eh bien j’ai approfondi, notamment dans le vĂȘtement outdoors et de mountaineering, qu’ils soient japonais oĂč non. Aujourd’hui les tendances du streetwear et du prĂȘt-Ă -porter (qui se « streetwearifie » un peu plus Ă chaque saison si je puis me permettre) commencent Ă rejoindre la façon dont la poignĂ©e de passionnĂ©s dont je fais partie s’habille depuis plus de dix ans, Ă savoir les vĂȘtements fonctionnels outdoors et leur appropriation d’une part par les gens du rap, d’autre part par les collectionneurs et street-stylers japonais. Par exemple, je retrouve plein de trucs que je portais depuis plusieurs annĂ©es qui arrivent aujourd’hui dans la tendance via Supreme, Cav Empt, Junya Watanabe, Louis Vuitton ou Comme des Garçons. Il y a aussi le fait que beaucoup de marques se replongent dans leurs archives et rĂ©-Ă©ditent certaines lignes de leur catalogue qui correspondent Ă des choses que j’ai aimĂ©. Ralph Lauren avec Snow Beach, Nike avec ACG, Levi’s avec Silvertab, Napapijri avec sa collection rĂ©alisĂ©e par Martine Rose, Adidas avec Atric, mais aussi The North Face qui remet l’accent sur les Nuptse etc… Il y a encore quelques annĂ©es quand je portais des vestes de pĂȘche Ă Paris on me demandait si je partais Ă la pĂȘche Ă la mouche. Aujourd’hui le moindre hypebeast porte ça. Du coup ma maniĂšre un peu « niche » et particuliĂšre de m’habiller commence Ă rejoindre la maniĂšre dont tout le monde s’habille. C’est cool mais du coup c’est d’autant plus un challenge aujourd’hui pour trouver la bonne piĂšce qui va me permettre de me dĂ©marquer.

Gauche et centre : Junya Watanabe (S/S 19). Droite : Supreme (2018)
La prochaine piĂšce que tu souhaites acheter ?
La collection Polo Hi-tech de chez Ralph Lauren, mĂȘme si j’ai bien peur que les gens chargĂ©s de faire les commandes pour les magasins français n’aient pas pris de XXL et donc que les modĂšles disponibles Ă la vente en France soient bien trop petits pour moi, comme c’Ă©tait le cas pour la collection CP93 il y a quelques mois. C’est la grande tragĂ©die de ma vie. Il y a dĂ©jĂ un pantalon qui circule et qui fait Ă©normĂ©ment envie :
La derniÚre que tu as achetée ?
Une paire de Nike Aqua Socks 360 achetĂ©e en ligne chez un vendeur hong-kongais. Pas sortie en Europe. C’est une rĂ©-interprĂ©tation moderne d’une ligne mythique de chez Nike. Des chaussures amphibies dĂ©diĂ©es aux sports marins, vendues Ă l’Ă©poque par la marque comme « des chemises hawaiiennes pour les pieds ».
PlutĂŽt achat en ligne ou en magasin ?
Franchement, quand on est gros et qu’on veut bien s’habiller, c’est trĂšs compliquĂ©, il faut faire les deux. Et je dirais qu’en plus de ça il faut avoir de bonnes connections. On va dans les magasins, ils n’ont pas notre taille, avec un peu de chance ils ont un autre modĂšle de la mĂȘme ligne dans notre taille, on voit si ça nous va bien, puis on va acheter le modĂšle qu’on veut en ligne. Mais la plupart du temps en ligne ils n’ont pas notre taille non plus sur le magasin français (puisque c’est bien connu aucun français n’est gros et ne s’habille en XXL), alors il faut appeler le pote de pote qui bosse pour Ralph Lauren, Adidas ou The North Face et lui demander de nous commander le modĂšle dans un autre pays. Ou alors on se le fait ramener par un pote canadien, ou on passe par ebay… On ruse. J’en suis Ă me faire pote avec les shops vintage pour qu’ils m’appellent avant tout le monde lorsqu’ils reçoivent des piĂšces susceptibles de me plaire, Ă ma taille.
La mode du moment que tu trouves horrible ? Les claquettes-chaussettes, les crocs Ă talons ?
Ce que je trouve horrible: l’ironie dans la mode. Les claquettes-chaussettes c’est logique, ça s’inscrit dans une recherche de confort, je suis pour. Les crocs Ă talon je vois plus ça comme un gadget, je ne vois pas la logique derriĂšre, mais bon chacun fait ce qu’il veut, tant que tu arrives Ă les « rocker ».
Pourquoi c’est important pour toi, la mode ?
Ce qui est important c’est de rester le gars ou la fille qui s’habille le mieux de la classe, toute sa vie, mĂȘme longtemps aprĂšs d’avoir fini d’aller en classe. C’est pas nĂ©cessairement important pour tout le monde mais j’ai choisi un mĂ©tier du spectacle, et je veux que quand je rentre dans la piĂšce tout le monde se retourne. Ce n’est pas uniquement une question de vĂȘtement mais ça joue, un peu.