Le premier album de FKA Twigs est en écoute intégrale, et c’est notre album du mois
Une partie de la foule gronde, semblant arriver à saturation et déplorant la surabondance de R&B dit “indépendant” ces dernières années. Pourtant avec des premiers albums comme celui de FKA Twigs, le genre prouve non seulement qu’il n’est pas prêt de tomber dans l’oubli, mais qu’en plus il est le terrain de jeu propice aux expérimentations les plus fascinantes de son époque. Par ses feulements, hypersexualisés mais jamais vulgaires, et un refus de jouer sur la puissance vocale, Tahliah Barnett, la jeune Anglaise d’origine jamaïcaine qui se cache derrière FKA Twigs rappelle évidemment Aaliyah, dont on louait le même sens de la retenue à une époque plutôt gueularde. Mais si son chant l’ancre définitivement dans le genre (plus volontiers sur cet album que sur ses EP précédents) la jeune femme n’est pas une resucée des icônes des années 90. Il n’y a qu’à la voir sur scène, possédée par des démons païens, à onduler comme si ses os se brisaient et se recomposaient instantanément (“twigs” veut dire brindille, surnom qu’on lui donnait pour le bruit de ses os). FKA Twigs fascine et son charisme exceptionnel constitue probablement la moitié du miracle de ce LP1.
Le reste vient de l’équilibre parfait entre les chansons et leur production. Alors que sur son précédent EP, la patte d’Arca (producteur vénézuélien entendu chez Kanye West) semblait prépondérante, on découvre ici que la jeune femme a produit 80 % de son album et qu’elle fait au moins aussi bien seule qu’accompagnée. Souvent abrasive, lourde en basses mais articulée autour d’éléments percussifs singuliers (métronomes et cascades de cliquetis étranges), la production lorgne le hip-hop ou le trip-hop mais mise surtout sur un minimalisme si fort que chaque son semble transpercer le silence. Comme son corps, la musique de FKA Twigs ondule, perdant ses chansons dans des limbes ésotériques pour mieux retomber sur des mélodies imparables. Et ce LP1 est une réussite rare, le genre d’œuvre parfaite de la première à la dernière seconde qui donne envie à celui pour qui le gagne-pain consiste à s’enfiler des disques jusqu’à ne plus en pouvoir, de s’emballer comme au premier jour. LP1 est déjà notre disque number 1 de l’année… et si l’on y réfléchit bien, on ne lui trouve pas beaucoup de concurrents sur les années précédentes. (François Blanc)
Et pour écouter l’album, ça se passe sous ce lien les amis !