Le Nuba accusé de racisme, d’homophobie et de transphobie
Vendredi dernier, quai d’Austerlitz. La soirée Fluogram bat son plein sur le rooftop Nuba. Au programme : lumière noire (avec maquillage adapté offert sur un stand), DJ sets, performances de drag-queens… Bref, une nuit ouverte à tous les fêtards, qu’ils soient hétéros, gays, trans, peu importe. « On cherche toujours à offrir des soirées mixtes, ouvertes, et le fait d’être éclairé à la lumière noire et maquillé permet cela : tous les participants sont égaux », racontent Candy et Eman, les deux organisateurs. De leur propre constat, c’était une belle fête, avec 2000 personnes en tout, une bonne ambiance et des looks au top – « on est suivi par toute une communauté toujours ultra-prête pour venir à Fluogram, habillée spécialement pour l’occasion ».
Sauf qu’en coulisses, la soirée ne se passe pas aussi bien. Nuba, et plus précisément son service de sécurité managé par le gérant Paul-David Bensemoun (père de Lionel Bensemoun, créateur de Calvi On The Rocks ou encore du Baron), sont aujourd’hui accusés par énormément d’internautes de racisme, d’homophobie et de transphobie. La mobilisation s’est majoritairement organisée sur Facebook, où il est possible de laisser une note (de 1 à 5 étoiles) sur un lieu. Dès samedi matin, les très mauvaises notes se sont multipliées (à l’heure où on écrit, il y a 455 commentaires à une étoile pour 419 avis à cinq étoiles, et finalement très peu de notes intermédiaires). « Si j’étais Nazi, j’aurais en affection les pseudo-physio de ce club. Mais il se trouve que je ne le suis pas. Sexistes, homophobes, transphobes, stupides, mal éduqués et violents… Je pense que vous touchez le fond les gars », peut-on notamment y lire. Candy et Eman, les organisateurs « extrêmement choqués » par l’attitude du gérant et du service de sécurité de Nuba, nous ont raconté ce qu’il s’est passé selon eux :
– Quatre danseurs (noirs) recalés alors qu’ils étaient inscrits sur la fiche technique et sur liste en tant que staff. Réponse à l’entrée ? « Tu ne danseras pas, tu ne me plais pas ».
– Sur une liste de 60 personnes bien transmise au service de sécu (ce qui n’est pas énorme vu la capacité d’accueil de 1000 personnes du Nuba), beaucoup n’ont pas pu entrer. La copine et un ami d’un des DJs par exemple. Réponse du vigile : « Ton DJ je m’en fous, on en a plein, si je ne veux pas qu’il joue il ne joue pas ». Des amis gays de l’organisatrice également. Quand elle descend pour voir ce qu’il se passe, le vigile aurait répondu « Il fait peur. Et si tu redescend je ne fais monter plus personne ». « Tous nos amis hétéros inscrits sur la liste sont rentrés sans problème. Les gays, non », raconte Candy.
– Deux drag-queens venues pour donner un spectacle ont dû poireauter pendant une demi-heure à l’entrée devant un vigile qui ne leur adressait pas la parole tout en faisant passer les spectateurs – alors qu’elles étaient bien inscrites sur la liste artistes.
– Raya Martigny, mannequin trans qui travaillait ce soir-là au stand maquillage, est accusée d’avoir griffé la poitrine d’une cliente. La cliente en question ? Elle n’est pas là, personne ne sait qui c’est, Raya ni ses collègues au stand (des filles jamais embêtées par la sécu) n’ont remarqué aucune participante mécontente. Pour le gérant Paul-David Bensemoun, l’accusation était trop faible pour confronter la « victime » et Raya : « c’était une griffure de rien du tout, ce n’était pas la peine que ça tourne au crêpage de chignon ». Sauf que le vigile met dehors Raya. Eman, qui pour rappel organise la soirée, vient voir ce qu’il se passe. « Toi, tu dégages ou je te mets dehors aussi », lui répond le vigile. Ce dernier finira par dire à Raya « tu fermes ta gueule et tu dégages », en l’attrapant par son sac, en plaquant contre le mur un ami venue la défendre et le traitant de « fils de pute ». Raya n’a pas pu remonter au club pour récupérer ses affaires, et on a exigé d’elle qu’elle attende « plus loin », histoire que les clients ne la voient pas. Elle a dénoncé cette scène sur sa page Facebook, un message partagé plus de cent fois sur le réseau. « Je n’étais pas au courant qu’elle avait été virée, et je ne savais pas que cette jeune femme travaillait à la soirée », assure Bensemoun – pour Fluogram, il a assisté à l’agression.
– Quand, face à tous ces comportements du service de sécurité, Candy va retrouver le gérant pour lui demander des explications, il lui aurait répondu : « Tu m’as ramené des monstres. On refera une soirée mais sans les monstres ». Pour Candy, les vigiles agissaient sous les ordres directs de Paul-David Bensemoun. Joint par téléphone, il nie son implication et surtout les accusations d’homophobie. « On a fait plusieurs soirées gays ou lesbiennes au Nuba, sans aucun problème. Mais jamais plus je ne referai de soirée comme ça, où l’on mélange les communautés : j’ai entendu des insultes, des moqueries, et je n’aime pas ça. Les ‘monstres’, c’étaient les personnes qui ne se comportaient pas bien ce soir-là, c’est tout ».
Dimanche, Candy, Eman, Raya, des amis recalés à l’entrée et d’autres membres du staff de Fluogram (32 personnes ce soir-là) se sont retrouvés chez Candy et Eman pour mettre au propre ce qu’il s’est passé. Raya quitte l’appartement avec un ami, descend la rue Oberkampf… Et là, depuis l’intérieur d’un kebab, un homme tambourine à la fenêtre. Il s’agit du chef de la sécu de Nuba. Il leur aurait crié « tu sais, Paris, c’est petit ! », l’air menaçant.
Paul-David Bensemoun, le gérant du Nuba joint par téléphone, est « écoeuré » par cette polémique. « Il y a eu un incident, on ne peut pas le nier », raconte-t-il, avouant ne pas en avoir dormi de la nuit. « On dirait un coup monté contre le Nuba. Il suffit qu’un membre d’une communauté se sente agressé pour que toute la communauté se ligue et exagère. Nous ne sommes pas homophobes ou racistes : plusieurs membres du staff sont homosexuels, noirs, arabes… Peu importe ! ». Il poursuit : « Je me suis excusé auprès de l’organisatrice, sur Facebook, et j’ai viré les agents qui ont posé problème. J’ai même déchiré le tee-shirt d’un agent ce soir-là pour le calmer. « La porte », c’est un métier difficile, certes. Mais je leur dis souvent qu’ils sont payés pour être insultés, il faut qu’ils gardent leur calme. Certains membres de l’équipe n’arrivent plus à maîtriser leurs nerfs et font n’importe quoi. Les vigiles impliqués dans les incidents de vendredi ne remettront plus les pieds au Nuba dès que leur préavis de licenciement sera terminé – quant au chef de la sécurité, il a déjà été licencié pour des faits antérieurs, mais son préavis n’était pas terminé vendredi dernier ». Les organisateurs de Fluogram ont quant à eux contacté SOS Racisme et SOS Homophobie.