Le nouvel album de Alt-J est en écoute, et c’est notre Bouse du mois
On a eu un gros doute dès que l’on a entendu les premiers sons de This Is All Yours. On s’est même demandé si on ne s’était pas trompé de CD. Mais d’où peuvent bien sortir ces insupportables vocalises, sorte de remake de la BO des Choristes mixé avec la world new age d’Enigma ? Ce n’est quand même pas le successeur de An Awesome Wave, carton pop inattendu de l’année 2012, couronné du prestigieux Mercury Prize ? Eh bien si. Cette entrée en matière laissait envisager le pire. Nous avons vite la confirmation de ce naufrage avec les deux titres suivants “Arrival In Nara” et “Nara”, composés en l’honneur de la ville japonaise de… Nara, capitale du Japon entre 710 et 784. Cette ode au pays du Soleil-Levant à une époque que ni vous, ni moi, n’avons connue lui donne un agréable côté concept-album.
On plaisante. On se croit plutôt revenu aux pires heures du rock progressif lorsque Gentle Giant, Emerson Lake & Palmer ou Jethro Tull nous faisaient vomir à coups de batailles de flûtes et de concertos de Moog. Puis le très rock sudiste “Left Hand Free” tente de redresser la barque, qui se maintiendra encore un instant hors de l’eau le temps de ballades très classiques comme “The Gospel Of John Hurt” (beau titre ma foi) ou le mollasson “Pusher”. De purs chefs-d’oeuvre même, face à cette purge progressive. Impossible aussi de passer sous silence “Hunger Of The Pine” où on a l’impression d’entendre un Radiohead de sous-préfecture à la sauce électro, un titre gratifié d’un sample de hum… Miley Cyrus. La preuve que le trio a définitivement basculé du côté obscur. Oui, trio, car entre-temps le guitariste/bassiste Gwil Sainsbury a claqué la porte en début d’année. Parce qu’il ne cautionnait pas l’orientation musicale de ce second album bouffi de prétention ? Si c’est le cas, on ne peut que louer son geste. Qui n’a pas servi cependant à grand-chose. Hélas.
Article paru dans Tsugi 75 (octobre 2014)