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4 février 2016

Le File7, salle de concert d’Île de France en danger : interview de la directrice

par rédaction Tsugi

Quiconque est déjà allé au File7, la SMAC (Salle de Musiques Actuelles) de Seine-Et-Marne (proche du parc Disney), sait comme on y est bien accueilli : de la structure, en passant par les gens qui la font tourner et même le catering qui nourrit artistes et techniciens, tout y est fait pour que l’expérience soit la plus satisfaisante possible. Aujourd’hui le File7 est en danger de fermeture. Bénédicte Froidure, directrice et programmatrice de la salle, nous explique pourquoi.

Le File7 est aujourd’hui une salle en danger. Peux-tu nous expliquer pourquoi ?

File7 est né de la volonté des élus du Val d’Europe (secteur de Marne-la-Vallée, ndlrr) il y presque 20 ans afin “de renforcer l’attractivité du pôle et proposer une ouverture culturelle alternative aux divertissements largement proposés par le parc d’attraction” juste à côté, c’est écrit dans notre contrat. Le projet artistique et culturel est porté par une association loi 1901, “Café-musiques du Val d’Europe”. Notre association, financée par l’Etat, la Région et le Département est surtout soutenue par l’agglomération du Val d’Europe via un contrat de Délégation de Service Public depuis 6 ans. Ce contrat, qui représente 50% du budget de la structure à ce jour, s’achève bientôt, le 31 mars 2016.

Sans le soutien de l’agglomération, nous ne pouvons poursuivre l’activité : environ 80 événements par an, une centaine de jours de résidence scénique, 10 groupes accompagnés à la professionnalisation, des formations, des masterclass, des studios de répétition ouvert 7 jours sur 7, des projets d’actions de sensibilisation qui touchent chaque année environ 2500 personnes, enfants principalement… A l’heure qu’il est, nous sommes dans l’attente d’une confirmation des élus et techniciens de l’agglomération : nous espérons que ce contrat soit, à minima dans un premier temps, prorogé jusque fin décembre 2016.

Qu’est-ce qui pousse l’agglomération à vouloir fermer l’endroit ?

L’agglomération ne s’est pas encore clairement positionnée sur une fermeture, mais oui, elle en a le pouvoir : le bâtiment et le matériel lui appartiennent et sans son soutien financier nous ne pourrions pas continuer. Jusque début décembre, l’agglo était prise dans un calendrier insitutionnel très compliqué. Dans le cadre du Schéma Régional de Coopération Intercommunale (une réorganisation des communes de la grande couronne d’île de France), nous ne savions pas si l’agglomération disparaitrait au sein d’une plus grande ou si elle serait dérogatoire. Elle avait en plus l’obligation de changer ses statuts administratifs (d’un Syndicat d’Agglomération Nouvelle à une communauté d’agglomération) avant le 31 décembre. Val d’Europe agglomération est finalement restée telle quelle. Elle doit à présent travailler sur le contenu de ses statuts, notamment la part facultative accordée au sport et à la culture, dans un cadre financier annoncé comme délicat. 

Les raisons sont bien sur politiques, mais aussi financières. Quelle politique culturelle les élus souhaitent ils pour leur territoire aujourd’hui ? Quel projet, quels lieux de vie, quelle culture et type de programmation pour les habitants ? File7 est un projet qui coûte de l’argent certes. Son projet est ambitieux, il dépasse les frontière administratives du Val d’Europe pour rayonner au delà. Derriere la logique comptable il faut que les élus examinent projet par projet ce qu’ils souhaitent encore mettre en oeuvre.

Quelles sont les démarches entreprises par l’équipe pour la maintenir ouverte ?

Depuis novembre nous sommes plutôt dans une phase de discussion. Nous demandons du temps pour expliquer et discuter des enjeux avec les élus: la solution immédiate est un avenant au contrat de Délégation de Service Public. 

Les élus ont le pouvoir de décider de ce qu’ils souhaitent mais qu’ils le fassent en tout état de cause. Nous sommes des professionnels du spectacle. Ils  sont les maitres d’oeuvre de leurs politiques publiques.  Les politiques publiques ont de tout temps été imprégnées de l’ expérience du terrain confrontée à la vision des élus.

Quand va tomber le couperet ? Le verdict final sera-t-il tout noir ou tout blanc ou pourra-t-il y avoir un entre-deux ?

Nous aurons une réponse claire, j’espère au minimum sur la poursuite de l’activité sur tout 2016, la semaine prochaine car un conseil communautaire doit se réunir le 12 février. Nous militons pour qu’ils n’appliquent pas la politique de la terre brulée : on ferme tout, on réfléchit, quitte à repartir sur autre chose dans quelques mois. Ca serait catastrophique au regard de notre bilan, du travail mené depuis 20 ans, des 13 salariés qui portent ce projet et des usagers.

Sa situation de SMAC, subventionnée, fait-elle la faiblesse du FIle7 ou sa force ?

Le cahier des charges des lieux labelisés SMACs est ambitieux, certes, mais il répond à des besoins adaptés à notre secteur d’activité : diffusion mais aussi création, accompagnement d’artistes, actions culturelles, travail en réseau… C’est une force bien que les moyens mis en oeuvre par l’Etat pour soutenir cet ambitieux programme soient encore trop faibles, surtout en Ile de France où les structures culturelles du spectacle vivant sont très nombreuses. L’Etat, la Région et le Département soutiennent la poursuite du projet. Le partenariat autour du label est fort. On ne peut pas tout balayer d’un revers de main. 

Sur Facebook vous parlez d’une initiative des musiciens pour soutenir le lieu ?

Les musiciens des studios, qui pour certains fréquentent File7 depuis presque 10 ans, ont lancé une pétition. C’est une démarche privée que nous n’avons pas motivée. Je comprends que les usagers, musiciens, abonnés, bénévoles commencent à bouger. Les abonnés ne peuvent plus souscrire de formule de réduction, les musiciens ne peuvent plus prendre de forfait… J’avoue que ça fait un bien fou à l’équipe de sentir ces soutiens. Mettez vous à la place des 13 salariés qui défendent ce projet jour après jour quand ils lisent dans la presse locale “à une époque, le File7 faisait appel à sept personnes et cela fonctionnait bien”. L’équipe est très touchée. Les gens qui nous connaissent savent quel accueil nous réservons à File7, quelle énergie nous mettons dans nos actions, quels sens ont nos projets. L’association a répondu au cahier des charges du marché public publié par l’agglomération il y a 6 ans : pour mettre en oeuvre ce projet décidé par les élus et accompagner sa montée en puissance (et en volume d’activité), l’association a déployé les moyens humains nécessaires (et la masse salariale inscrite au contrat). Si l’agglomération veut repenser son cahier des charges, elle peut le faire, mais qu’elle ait conscience qu’on ne mène pas à 7 le projet qu’on conduit aujourd’hui à 13.

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