Le festival I Love Techno casse son format et s’étend pour la première fois sur trois jours et sept lieux
Cette année, I Love Techno explose son format. Alors que les éditions précédentes se déroulaient sur un jour dans un lieu unique (le parc des expositions de Montpellier), le festival s’étend dans le temps et dans l’espace : sur trois jours et sept lieux. On a discuté de ce nouveau format avec Armel Campagna, directeur et programmateur d’I Love Techno depuis sa création en France en 2011 qui est aussi directeur de Mainsquare et Lollapalooza, et Etienne Héraud, co-programmateur du festival (mais aussi manager de Mind Against, Kas:st…). Entre le line-up massif, les afters à foison et de nouvelles cabanes pour le main event, I Love Techno 2019 va en mettre plein la vue.
L’organisation du festival évolue au fil des années. Cette édition 2019 se déroulera pour la première fois sur trois jours et sept lieux. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur ce changement de format ?
Armel : La version française I Love Techno a été créée en 2011, c’est mine de rien un festival assez historique en France par rapport à d’autres événements qui sont arrivés après. On avait envie de passer à autre chose par rapport au côté un peu warehouse de l’événement qui était à l’origine sur une nuit et un lieu donné. C’est vrai que ça fait deux ou trois ans que je me disais qu’il fallait que j’éclate un peu ce truc là. L’année dernière on a accueilli un peu plus de 15.000 personnes, ce qui était bien, mais il faut regarder la réalité en face : on n’atteint plus aux 25.000 voire 30.000 qu’on faisait il y a six ou sept ans. On n’est pas les seuls, pas mal d’événements de musique électronique ont souffert cette année. Mais le format multi-jours a un côté plus fidélisant. Donc quoi de mieux que de travailler avec la métropole (de Montpellier) et créer ce nouveau format sur trois jours et sept lieux.
Ça fait vivre la ville et permet aux festivaliers de bouger, de visiter.
Armel : Exactement. Ce qui était à la fois une bonne et une mauvaise chose avant c’est que les gens arrivaient et repartaient trop vite. On n’avait pas le temps de leur proposer une offre culturelle plus large et de leur faire découvrir la métropole de Montpellier qui est culturellement hyper forte ! Dans les années 80, Georges Frêche a fait de cette ville un porte-étendard culturel avec des centaines de lieux. Par exemple le vendredi on fait une soirée house française dans le théâtre du domaine d’O. C’est un lieu historique de la ville qui n’a encore jamais reçu de musique électronique : on va aussi convertir des lieux qui n’ont jamais eu cette utilité là auparavant.
Et justement, la programmation du vendredi ?
Etienne : On trouvait ça super pour une ouverture de festival de mettre en avant la scène française qui est foisonnante. Qui de mieux que Folamour pour leader cette soirée : il a eu une énorme année, sa musique tourne énormément en France comme à l’étranger donc ça nous a paru normal de proposer un plateau autour de lui pour cette ouverture. Ça faisait complètement sens pour nous que cette première soirée se déroule au théâtre du domaine d’O – qui est un très beau bâtiment, tout en bois. Le lieu se prête complètement à la musique de Folamour, de Piu Piu, de Mézigue aussi qui présentera son tout nouveau live, et de Palavas, les locaux qui commencent à bien marcher en France et surement bientôt à l’étranger ! On dédie cette ouverture à la house française, c’est une musique qu’on retrouvera moins sur le main event, qu’on veut assez techno pour revenir à l’essence d’I Love Techno.
Quelle place pour les jeunes talents à I Love Techno ?
Armel : On a travaillé avec la Sacem pour la Orange Room du vendredi. En fait I Love Techno organise depuis quatre ans un tremplin avec le Dernier Cri (autre festival à Montpellier), avec un contest live et un contest DJ. Ça a aidé pas mal de jeunes talents et on a eu des super retours ! D’ailleurs l’année dernière dans le cadre du MaMA à Paris, la Sacem avait demandé à I Love Techno de venir pour sa soirée French Beats. Cette année encore ils ont souhaité s’associer, d’où aussi la programmation 100% française. La musique électronique est un des genre musicaux qui s’exporte le mieux en Europe. On a une scène foisonnante et il faut la défendre.
À la différence des éditions précédentes, le main event aura lieu en journée (de 14h à 2h). Pourquoi passer en mode jour ?
Armel : Sur les éditions précédentes on avait plein de gens qui nous disaient « j’ai mes partiels », « c’est chaud, il faut que je rentre en voiture ». Faire le main event de jour c’est plus pratique non seulement par rapport aux transports mais même pour les autorités locales. Quand tu dis que tu es format de jour ça rassure un peu tout le monde. Mais ce n’est pas plus compliqué de le faire la nuit, simplement il y a toujours ce côté un peu clivant avec « les vieux démons de la musique électronique », alors que ce n’est pas du tout ça ! On a un public super gentil et fédérateur. On crée vraiment du lien social, ce n’est pas du tout un festival violent.
Etienne : Aussi ce qui nous plaît bien avec plusieurs événements c’est que chacun peut se faire sa propre expérience I Love Techno. Il y en a qui peuvent décider de faire le vendredi et le samedi, d’autres de tout faire, ça dépend !
C’est sûr, en plus du côté des afters il y a le choix !
Etienne : La proposition musicale reflette bien le festival, c’est assez techno mais globalement très éclectique. D’un côté on a Bambounou et le crew My Life au Rockstore, et on a aussi Marco Bailey et Shlømo, qui est un historique du Dieze donc ça nous paraissait super cohérent de le programmer dans ce club là.
Armel : Il y a aussi un nouveau petit club à Montpellier : le Mélomane. On voulait vraiment bosser avec les gens du coin qui font l’activité à l’année.
Et pour la programmation de samedi pour le main event au parc des expositions, ça donne quoi ?
Armel : On a un petit village avec quatre cabanes. Il y a qu’une seule programmation qui a été annoncée : celle de la Red Room avec Adam Beyer, Amelie Lens, mais aussi des lives de Fjaak et Modeselektor. On a aussi la Purple Room, dans laquelle se produiront entre quatre et six DJs locaux, les lauréats du contest Dernier Cri. Pour les deux autres cabanes, la programmation sera annoncée dans le mois à venir… On agrandit le village : l’année dernière il y avait seulement deux cabanes et c’était l’émeute donc cette année on en met quatre !
On trouve au line-up pas mal de noms féminins (Amélie Lens, Piu Piu, Marina Trench et j’en passe). Est-ce que ça vous paraît important que les femmes soient représentées sur la scène des musiques électroniques ?
Etienne : Bien sûr, c’est important pour nous. À la fois ça nous paraîtrait grotesque de faire un line-up complètement masculin, mais au-delà de ça le monde des musiques électroniques est dominé en partie par des femmes, c’est ce que les dernières années ont apporté à la scène.
Armel : C’est peut-être le seul genre musical où on se rapproche de la parité. Sur les festivals de pop-rock on galère. L’année dernière on a quand même eu Jain et Christine and the Queens qui rééquilibraient un petit peu, mais c’est quand même super compliqué.
Etienne : Mais oui, et il faut vraiment le faire exprès si tu fais un festival de musiques électroniques en 2019 et que tu as un plateau à 90% masculin. C’est que tu as mal fait ton boulot et que tu as raté beaucoup de noms super intéressants. On est ravis d’avoir Park Hye jin, d’ailleurs je pense que c’est sa première date dans le sud de la France ! On est aussi ravis d’avoir Piu Piu, et Amélie Lens qui est quand même la locomotive de la techno actuelle.
La programmation est 100% musiques électroniques mais j’ai lu que vous aviez hésité à ouvrir le festival à des artistes hip-hop. Déjà est-ce que c’est vrai ? Et si oui, pourquoi ne pas l’avoir fait ?
Armel : Ce n’est pas tout à fait ça. Depuis quelques années on observe une explosion du hip-hop en France, qui est devenu la nouvelle variété. L’attraction des jeunes pour la musique électronique a un peu switché sur le hip-hop, donc effectivement je voulais une scène plus live mais pas hip-hop non plus : j’avais envie de me recentrer sur l’ADN I Love Techno et je suis super content de ce qu’on a réussi à faire. On va faire découvrir plusieurs lieux tout en restant 100% musiques électroniques. Cela dit il y a un enjeu sur ce type de musique. Cette édition va être déterminante, on va voir si on arrive à maintenir ces événements ou si effectivement la baisse d’écoute des musiques électroniques se confirme. En tout cas je pense qu’il y a un vrai avenir, même si depuis deux ou trois ans c’est un peu compliqué, mais les marques qui sont là depuis longtemps (comme I Love Techno) ont encore un devenir. On se bat pour ça, et c’est franchement pas facile. C’est un peu une profession de foi de continuer. Après il y a l’émulation autour du nouveau format qui nous fait super plaisir, on a des retours très positifs donc on va voir ce que ça va donner !
Pour finir, c’est quoi l’esprit I Love Techno ?
Etienne : L’esprit historique d’I Love Techno, c’est un rassemblement majeur de musiques électroniques en Europe qui a démarré en Belgique pour ensuite atterrir à Montpellier. Ce sont des gens qui se retrouvent pour la dernière fête de l’année avant d’aller faire Noël en famille !
Armel : Et c’est le seul gros événement comme ça sur l’automne dans le sud de la France. Quand tu vas à I Love Techno tu sais qu’il y aura une vraie représentativité des musiques électroniques à un instant T dans une même ville. Le festival fait gage de qualité sur la production visuelle et sonore avec une densité de programmation et un line-up massif. Il y a cette garantie là, dans un endroit très sécurisé et facile d’accès. Bref, c’est une grosse fête avec de belles valeurs !
Plus d’informations sur le site d’I Love Techno.