L’autre passion de… Gener8ion
Extrait du numéro 90 de Tsugi (mars 2016)
Touche-à-tout, Surkin s’est fait connaître avec “White Knight” ou ses remixes pour Justice et Boys Noize. Alors qu’il publie son troisième maxi sous le nom de Gener8ion et son magazine Unite Or Perish, il revient sur ses influences et notamment sa passion pour les arts graphiques japonais.
« Les visuels japonais m’ont très tôt attiré, gamin j’étais pas mal dans les mangas, les jeux vidéos japonais. Au final, j’ai donc grandi entouré d’objets pensés par des graphistes japonais, sans vraiment le savoir. Ensuite, avec ma carrière dans la musique, j’ai eu assez régulièrement l’occasion de m’y rendre, que cela soit pour jouer ou de simples vacances. Depuis le début des années 2000, on peut dire que j’y vais au moins une ou deux fois par an. C’est grâce à ces différentes visites que j’ai pu réellement me plonger dans le design et le graphisme japonais de manière un peu plus sérieuse. Dès que j’ai l’occasion de passer par ce pays, j’essaye d’y rester le plus longtemps possible. La plupart de mes connexions sur l’archipel sont à Tokyo, donc je fais mon maximum pour m’y arrêter au moins une semaine à chaque fois. C’est là-bas que l’on se procure les meilleures éditions, tant pour des livres japonais qu’occidentaux. D’ailleurs, la plupart des ouvrages de ma bibliothèque ont été achetés à Tokyo.
Le magazine Unite Or Perish
Dans la capitale nippone, il existe même un quartier dédié, Jimbocho, le quartier des libraires. C’est le centre névralgique des productions graphiques au Japon, c’est de ce quartier que tout découle. À chaque fois que j’y passe, je vais forcément faire un tour chez Bohemian’s Guild, mon adresse favorite. Et rien qu’en me baladant dans la ville, je suis frappé par tout un tas de détails, comme les logos que l’on croise dans la rue. La qualité graphique est visible même au quotidien, et j’aurais tendance à dire que le niveau moyen est bien plus élevé dans ce domaine que ce qu’on peut croiser en Europe ou aux États-Unis. Ils ont aussi une interprétation assez inédite de l’alphabet latin. De par leur culture, ils n’ont pas la même approche typographique que les graphistes occidentaux formés dans un certain cadre. Cela donne une production très intéressante, un avis extérieur sur un alphabet et sur des équilibres entre les lettres, on constate un énorme travail sur la verticalité par exemple. Assez logiquement, c’est une influence que l’on retrouve dans tous les visuels qui accompagnent ma musique.
Ce que je vois à Tokyo lorsque je suis sur place a aussi eu énormément d’incidence, de répercussions sur les choix esthétiques que j’ai opérés dans la création de mon magazine Unite Or Perish. On peut le constater, je pense, sur la construction de la maquette et la sélection de la couverture. Tout l’univers visuel que je développe a été forcément influencé par cette culture esthétique et ça se ressent dans ma bibliothèque, particulièrement chargée en monographies japonaises. Il y a plusieurs graphistes que j’adore, Takenobu Igarashi, Yusaku Kamekura, dont j’achète tous les livres et qui sont mes deux préférés. Le premier est intéressant par son travail dans les années 80, très lié au développement informatique de l’époque, il a créé beaucoup de visuels générés par ordinateur à un moment où ce n’était pas encore la norme. Pour ce qui est de Yusaku Kamekura, il a lui aussi brillé par son travail sur les posters, dans les années 70 et 80. Toujours dans le secteur des affiches, je pense également à Shigeo Fukuda, un illustrateur, qui a fait notamment beaucoup de créations assez engagées contre la guerre. Tout ce travail, de la moitié des années 80, jusqu’à la fin des années 90 m’a énormément apporté. Ce sont des esthétiques qui ont eu une influence très forte, sur moi comme sur ma musique… même si je ne pense pas forcément au graphisme japonais quand je me fais un café le matin. »
G8N003 EP (Bromance), sorti le 4 mars.
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