Laurent Garnier: « Je me suis toujours senti plus proche de l’underground »
C’est un peu l’homme qui ne s’arrête jamais. Ces derniers temps il a écrit un livre, composé pour des spectacles de danse et un (superbe) documentaire sur le sport, participé à l’élaboration d’une BD et donné une multitude de set de Djs. A bientôt cinquante ans Laurent Garnier n’a jamais été aussi actif. Nous lui avons posé quelques questions sur ses projets pour 2014.
Cinq ans après Tales Of A Kleptomaniac, on s’attendait à te voir revenir avec un nouvel album et tu annonces au contraire cinq maxis sur cinq labels différents en 2014. Pourquoi ce choix ?
Je suis un musicien qui se pose toujours beaucoup de question. Je me demande par exemple si le format « album » correspond toujours à la manière dont on écoute la musique aujourd’hui. Est-ce qu’un album, tel que j’ai pu en publier par le passé, est encore pertinent ? Je ne sais pas. Par ailleurs, en tant qu’artiste, j’ai parfois eu le sentiment que certains de mes titres auraient mieux vécu isolés sur un format court plutôt que coincés entre d’autres titres au sein d’un album. Je pense par exemple au titre « Hip Hop » que j’ai fait avec Tumi And The Volume, « Freeverse Part 2 », ou encore à « Pay TV », qui sont des titres qui sans doute auraient connu un meilleur rayonnement s’ils avaient été publiés ailleurs que sur un album. A partir de ce double constat j’ai voulu tenter une expérience : composer en toute liberté, sans le moindre projet en tête, ni d’album, de spectacle ou de film comme j’ai pu en avoir ces cinq dernières années. Travailler sans idée ou influence d’aucune sorte et voir ce qui allait naître. Je me suis retrouvé avec des morceaux d’identités très différentes, certains rappelant l’ambiance de Chicago, d’autres plus downtempo ou carrément techno, et cette idée de maxis est née. Attention, cela ne veut pas dire que ces morceaux ne seront pas regroupés d’une manière ou d’une autre plus tard. En tout cas, je ne sais pas encore sous quelle forme car il me semble important aujourd’hui de proposer autre chose qu’un simple CD de 12 titres. J’ai envie de plus d’originalité que le format traditionnel.
Comment as-tu choisi les labels avec qui tu vas travailler en 2014 ?
À mon sens les labels les plus intéressants aujourd’hui sont les labels de « niche » qui s’expriment sans concession dans leur propre univers. J’ai eu envie de faire un travail spécifique avec certains de ces labels, comme Still ou 50 Weapons. Ensuite il y aura un disque plus calme sur un label français. Les deux derniers, vous aurez la surprise, honnêtement ils ne sont pas encore signés, je ne peux donc pas en parler.
Dans l’univers des musiques électroniques il est difficile de ne pas envisager cette volonté de publier uniquement des maxis comme une forme de retour à l’underground. C’est ton envie aujourd’hui ?
Je suis heureux de ressentir aujourd’hui un véritable militantisme underground au sein de la nouvelle génération de producteur et de label. J’aime ça. Cela dit je trouve le disque de Gesaffelstein, que j’aime beaucoup, très underground. Et pourtant c’est un album sorti sur un gros label. En ce qui me concerne, je ne me suis jamais vraiment soucié des formats et je me suis senti toujours plus proche de l’underground que du mainstream.
C’est quoi ce mystérieux « journal de Garnier » qui vient d’être annoncé ?
Je ne sais pas encore (rire). Plus sérieusement, j’ai toujours envie et besoin d’échanger et de communiquer avec les gens qui me suivent. J’avoue que je ne sais jamais vraiment comment utiliser Facebook (rire). J’ai envie de quelque chose qui pourrait prendre la forme d’une sorte de blog dans lequel je ne serais pas le seul à m’exprimer. J’y inviterais des gens avec qui je travaille, des gens que j’aime… J’ai toujours envie de transmettre, de communiquer… J’ai besoin de ça.
Tu joueras deux dimanche de suite au festival de Coachella en Californie. Heureux ?
Je suis très excité à l’idée de jouer à nouveau à Coachella et de retourner aux USA pour une tournée à cette occasion. Depuis mon premier passage en 2004 le festival a grandi. Pour moi il n’a qu’un seul défaut, on ne peut pas y jouer de long set, jamais plus de deux heures, ce qui ne me correspond pas vraiment. Je me sens plus à l’aide dans des festivals où je peux jouer des sets à rallonge ou qui sont complètement fous comme Kazantip. C’est pourquoi cette année j’ai prévue de faire une sorte de performance à Coachella en jouant en compagnie de mon pote l’artiste Mambo qui a notamment réalisé l’affiche du festival Yeah! dont je suis un des organisateurs.
Le retour live de Laurent Garnier c’est pour quand ?
Il n’est absolument pas prévu pour le moment. Pour l’instant je suis focalisé sur la composition de ces maxis et la finalisation du scénario original que j’ai écrit à partir de mon livre Electrochoc. Un projet qui me tient à cœur de longue date et qui ne sera pas du tout un documentaire mais une vraie fiction pour le cinéma. L’idée n’est pas de raconter l’histoire de la techno, comme c’était le cas dans le livre, mais de raconter une histoire originale qui se déroule dans l’univers de la musique électronique. Mais il reste encore du travail…
Lors d’une récente soirée pour Arte au Trabendo tu as joué « Laurent Plays Garnier », un set uniquement composé de tes propres titres. Tu vas le refaire bientôt ?
J’ai pris beaucoup de plaisir lors de cette soirée. D’ordinaire, je ne laisse que peu de places à mes propres titres dans mes sets. Cela a été l’occasion pour moi de réécouter tous mes titres et d’en redécouvrir certains très anciens que j’avais oublié et que j’ai envie de remixer pour les sortir à nouveau aujourd’hui. Je referais peut être un « Laurent Plays Garnier » un jour, pourquoi pas à l’occasion d’un très long set comme j’aime en mixer où je pourrais consacrer quelques heures à ma propre musique. Rien n’est prévu en tout cas pour l’instant.
Quel est ton état d’esprit en ce moment ?
Je suis heureux et je m’amuse, surtout parce que j’ai l’impression d’être enseveli sous les bons disques. J’ai l’impression que la période est riche pour la musique électronique. Dans tous les styles, il y a des choses de grande qualité. J’ai surtout l’impression que la musique est de nouveau sans concession, ni compromis. Je suis très impressionné par la nouvelle génération. Le public aussi me semble de plus en plus passionné en France. Espérons que cela dure.
« Bang (The Underground Doesn’t Stop) » est le premier extrait de AF 0490, signé sur Still Music.