Lamont Dozier, prolifique et méconnue légende de la soul, est mort à 81 ans
Lamont Dozier n’est peut-être pas un nom familier du grand public. C’est pourtant une légende de la musique soul qui vient de nous quitter, à l’âge de 81 ans. Il a passé la majeure partie de sa carrière chez le label Motown et a composé ou écrit pour The Supremes, Marvin Gaye, Phil Collins, les Isley Brothers… Entre beaucoup d’autres.
Le décès d’Olivia Newton-John, star iconique d’un film marquant, a failli éclipser le sien. Lamont Dozier a pourtant légué des dizaines de classiques qui ont durablement marqué la musique américaine. Et même au-delà. Il a notamment co-écrit et produit 14 titres qui se sont hissés à la première place du classement Billboard US, et 4 numéros Un en Grande-Bretagne. C’est dire le poids du bonhomme.
Né le 16 juin au début de l’été 1941 à Détroit, il crée dès ses 13 ans le quartet The Romeos avec qui il sort quelques 45 Tours, puis enchaîne avec les Voice Masters qui surfent sur un doo-wop propre à l’époque, de cette fin des années 1950. Il change de pavillon et de dimension en signant chez Motown au début des sixties, où il est vite associé aux frères Holland. Ensemble, le trio infernal HDH (pour Holland-Dozier-Holland, tout simplement) sera sur-productif et va lâcher des chansons devenues mythiques : « Heatwave » et « Quicksand » de Martha Reeves & The Vandellas, « Where Did Our Love Go » et « Stop! In the Name of Love » des Supremes, et quelques titres de Marvin Gaye, des Four Tops, des Temptations ou encore des Isley Brothers.
Le trio d’auteurs-compositeurs s’engueule avec le patron Berry Gordy et crée ses propres labels Invictus et Hot Wax, sous des noms d’emprunt. Eh oui, ils sont à l’époque toujours en contrat avec la Motown. Ils vont encore y signer des hits comme « Give Me Just A Little More Time » des Chairmen of the board ou l’incroyable « Want Ads » de Honey Cone. Puis ils se séparent et chacun tente sa carrière solo. Dozier aura objectivement plus de réussite.
Lamont Dozier sort son premier album en 1973, intitulé Out Here On My Own avec en chanson introductive, le bien nommé « Breaking Out All Over » où on retrouve un peu de jazz et un peu de ‘Philly sound’. Il sort l’année suivante le titre « Why Can’t We Be Lovers« , monstre soul, et enchaîne avec l’album Black Bach, où il prouve sa virtuosité à allier pop et soul en y glissant habilement des éléments de la culture afro-américaine. On y déniche la pépite « Put Out My Fire » : écoutez ça, près de 50 ans plus tard ça n’a pas pris la moindre ride.
À l’aube des années 1980, il file en Angleterre avec sa moitié, et la soul s’éloigne. Lamont Dozier lui préfère les sons en vogue, plus métalliques, moins moites quoi. Il produit pourtant pour les autres, notamment Alison Moyet, Simply Red et Phil Collins -avec qui il chope un Grammy pour « Two Hearts »… Bien loin des débuts, finalement.
En décédant à 81 ans en ce mois d’août 2022, il laisse derrière lui un héritage musical immense, et continue de vivre à travers des artistes d’aujourd’hui. Black Bach a notamment été samplé dans tous les sens, OutKast, Pete Rock, The Police, Kendrick Lamar, IAM… La liste est longue. Quittons-nous là-dessus : son titre « Going Back to My Roots » sorti en 1977, a été maintes et maintes fois repris, et aussi par un Français bien connu. Sous la plume d’Étienne Roda-Gil et dans la voix de Claude François cela va donner « Alexandrie, Alexandra ». Quelques mois plus tard, les deux chanteurs partagent même la scène pour un medley Motown sur Antenne 2. Quelle époque.