En 1986, le groupe amĂ©ricain Naked Prey sort Under The Blue Marlin. Un album un peu oubliĂ© qui mĂ©ritait largement qu’on s’y (rĂ©)intĂ©resse. 

Chronique issue du Tsugi 145 : les grandes énigmes de la musique, disponible en kiosque et en ligne.

La poussĂ©e Ă©lectronique et hip-hop a Ă©tĂ© tellement forte Ă  partir de la seconde moitiĂ© des eighties que l’on peut facilement en dĂ©duire que le rock avait dĂ©jĂ  dĂ©sertĂ© la party. Sauf que cette rubrique – les oreilles grandes ouvertes dans toutes les directions – dĂ©montre souvent le contraire. Comme avec nos hĂ©ros de sĂ©rie Z du mois. Tandis que dans le Midwest amĂ©ricain , Juan Atkins et ses petits camarades affĂ»tent leurs machines, et que DJ Pierre triture les potards de sa TB303, plus Ă  l’ouest des gangs de pistoleros turbinent, rageux, sur leurs guitares. Ils se nomment, pour ce qui nous intĂ©resse, Wipers, Dream Syndicate, Green On Red, Giant Sand ou donc Naked Prey. Une scĂšne agitĂ©e, la plupart du temps trĂšs torturĂ©e, qui revitalise le vieux country rock pour le transformer en brĂ»lot punk dĂ©capant. Portland et Seattle au nord, Tucson au sud en sont les pĂŽles actifs. C’est dans cette derniĂšre ville de l’Arizona, dont l’énoncĂ© nous plonge immĂ©diatement dans un western des fifties avec ville fantĂŽme, buissons qui volent et cowboys salutairement scalpĂ©s par une bande d’Indiens en goguette, que naĂźt en 1982 La Proie nue. Un nom en rĂ©fĂ©rence Ă  un film surprenant de 1965 signĂ© par l’acteur et rĂ©alisateur Cornel Wilde. Un Ă©trange western (comme on se retrouve) africain, qui dĂ©nonce les trafiquants d’esclaves et les amateurs de safari sans scrupule.

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Un scĂ©nario trĂšs tendu, Ă  l’image du rock suintant produit par ce quartet dominĂ© par le duo Van Christian, chanteur dĂ©moniaque et guitariste inspirĂ©, et David K. Seger, l’homme des larsens qui dĂ©raillent. Le tandem n’est pas novice. Van Christian tape en parallĂšle sur les fĂ»ts des excellents Green On Red et Seger jouait au sein de Giant Sandworms, qui deviendra plus tard Giant Sand, toujours emmenĂ© par le charismatique Howe Gelb. Mais la place nous manque pour l’archĂ©ologie wikipediesque. Du son. Et il trĂ©pigne toutes guitares en avant sur ce deuxiĂšme album (les curieux pourront quand mĂȘme aller jeter une oreille sur leur premier au titre homonyme avec le fameux et glaçant « The Story Never Ends »). Si l’électricitĂ© sort Ă  pleins tubes des amplis, le chanteur n’est pas en reste et Ă©ructe avec une furia saisissante. Comme sur cette reprise sous speed du pourtant lancinant « Dirt » des Stooges. Mais les originaux ne doivent rien Ă  personne. Le groupe n’hĂ©site pas Ă  faire exploser sa colĂšre sur des titres qui dĂ©passent souvent les cinq minutes. Histoire de mieux dĂ©velopper des ambiances qui montent, montent, jusqu’au cataclysme final. D’ailleurs c’est l’architecture tout entiĂšre de ce secouant Under The Blue Marlin qui est construite ainsi. Pour se conclure par le tĂ©nĂ©breux et brĂ»lant « What Price For Freedom », sorte de thriller Ă©pique oĂč il est question de flingue, de mort et du jour du jugement dernier. Tremblez bonnes gens !

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