L’album du mois : Griefjoy – Godspeed
Extrait du numéro 90 de Tsugi (mars 2016)
Les premiers pas de ces quatre Niçois il y a quatre ans n’étaient pas porteurs d’espoirs démesurés. Ils ne nous en voudront certainement de ressortir une énième fois du placard cette casserole, mais avant de s’appeler Griefjoy, le groupe a eu pour premier nom Quadricolor. Un blase-blague, référence aux plus belles heures de la téléréalité musicale (souvenez-vous, Popstars et le look de Hulk Hogan queer du chorégraphe Bruno Vandelli), qui a parfois empêché les médias et le public de prendre Guillaume, Billy, David et Romain au sérieux. Un syndrome Housse de Racket que le premier album du groupe, renommé Griefjoy, n’aura pas totalement réussi à gommer. Un disque pop-rock avec un enrobage électronique, émaillé de quelques bons morceaux, mais qui s’embourbait dans un certain lyrisme et peinait à trouver un ton, à donner au groupe une identité bien définie.
Aujourd’hui, Griefjoy revient avec les idées claires, l’avantage sûrement, d’avoir mis derrière lui le bouillonnement créatif foutraque inhérent aux premiers jets. Pour ce deuxième album, les quatre copains ont pris une lourde décision, mettre l’électronique au cœur de leur musique. Le bon choix pour un premier choc, dès le premier titre, “Hollygrounds”, avec lequel le quatuor écrit sa note d’intention : Griefjoy est désormais un groupe d’électro-rock, dans ce que l’étiquette peut avoir de plus enthousiasmant, à l’image de Soulwax. Si les morceaux sont tous construits autour de mélodies limpides et d’une portée pop indéniable, la production se fait ténébreuse, bardée de basses rondouillardes ou claquantes, de synthétiseurs stridents, de ponts à portée club et de références de bon goût. On ressent la techno mélodieuse de leur chouchou Daniel Avery, la puissance dévastatrice de Modeselektor et l’envie de jouer avec le piano de Nils Frahm : les choix du groupe transparaissent dans la musique comme des évidences. Quand Griefjoy retrouve la grandiloquence de ses débuts, les morceaux prennent aussi des allures de cathédrale électronique (“Into The Dream”). Mais le moment d’extase, c’est la montée acid du morceau-titre “Godspeed”, qui mélange puissance club et piano savant digne du farfelu Gonzales. Si les pièces les plus légères ne sont pas forcément aussi séductrices (“The Tide”, “Fool”), la métamorphose de Griefjoy affiche une réussite insolente. Un peu comme si le quatuor se présentait en descendant spirituel de la déjà lointaine nu-rave, en néo-Klaxons de grande classe.
Godspeed (Arista/Sony Music), sorti le 22 avril.