L’album du mois : Batuk – Musica Da Terra
Extrait du numéro 93 de Tsugi, en kiosque ce jeudi 9 juin.
N’y allons pas par quatre, huit ou même seize chemins : Batuk est l’un des projets les plus excitants de cette première moitié d’année. De par sa singularité déjà, parce qu’il s’avère compliqué de trouver un son jumeau de celui de Batuk. Avec son premier album, joliment et si justement intitulé Musica da Terra, le collectif mené par les producteurs sud-africains Spoek Mathambo, Aero Manyelo et la rappeuse Manteiga, dévoile un objet musical hybride conjuguant les genres et les langues – l’anglais y côtoie le portugais, le capverdien ou le créole – en un disque bestial et brûlant, mais aussi engagé. Un album nourri de plusieurs collaborations avec des artistes du continent africain, comme avec la chanteuse Nandi Ndlovu, qui pose sa voix sur la plupart des titres de l’album, notamment sur les obsédants « Vida », « Reya Congo » ou « Call Me Naughty », ou encore le rappeur Lebon en freestyle créole sur « Ultima Movement ». Explosif, parfois même pourvu d’un esprit chamanique, Musica da Terra a trouvé la bonne formule pour amener un peu d’Afrique sur nos dancefloors. De l’intro « Força Força », et son refrain à trois voix entonné comme un rite, à l’expiatoire « Lavanda », règne un esprit LCD « african » Soundsystem, pour un album qui progresse comme une longue transe house mélangeant tambours habités, choeurs invocateurs, beats techno et musiques traditionnelles africaines… Tiens, comme le batuk, à la fois un chant capverdien surtout pratiqué par les femmes, et le nom d’un type de tambour. On touche ici les points forts de ce merveilleux album : l’engagement d’une part, comme pour le titre « Puta » qui dénonce le harcèlement de rue, et sa rythmique d’autre part, alliant sans cesse le chaud et le froid, l’exotisme et l’industriel, le tambour et la boîte à rythmes, le sirocco comme le blizzard. Et paradoxalement sans aucune tiédeur.
Musica Da Terra (Teka Music/Believe), sorti le 27 mai.